Budget américain : le bout du tunnel ?

Si un compromis provisoire a été trouvé, la question du budget fédéral va revenir en janvier sur le devant de la scène. Avec quelle issue probable? Par Laurence Nardon, directrice du programme Etats-Unis, Institut français des relations internationales

Apportant enfin une lueur d'espoir dans le système politique américain, les sénateurs ont voté fin novembre un changement de procédure pour leur assemblée. Lors du vote de confirmation des hauts responsables de l'exécutif et du judiciaire nommés par le président, il pourra désormais être mis fin à un « filibuster » par un vote à simple majorité. Pour mettre fin à cette procédure d'obstruction, déclenchée par un seul sénateur, il fallait jusqu'à présent un vote de « clôture » de 60 sénateurs, sur les 100 que compte la chambre haute. Les confirmations se faisaient au compte-goutte, prenant en moyenne 7 mois sous Obama. Ce changement devrait permettre au président actuel et à ses successeurs de mettre en place plus rapidement leur administration.

Les blocages toujours possibles

Il faut applaudir le renoncement auquel les sénateurs démocrates, qui détiennent la majorité avec 55 sièges, ont consenti avec cette nouvelle procédure. Elle les prive en effet d'un véritable droit de veto personnel sur les choix présidentiels. Tous les problèmes ne sont pas réglés pour autant : le vote de 60 sénateurs pour clore un filibuster reste la norme lors du vote des lois et pour la confirmation des juges à la Cour suprême. Si le système correspond sans doute à l'équilibre des pouvoirs voulu par les Pères fondateurs, il mène droit au blocage dès lors que règne un contexte d'intransigeance idéologique.

Une radicalisation de l'aile droite du parti républicain

Or, depuis 2009, le parti républicain fait face à une radicalisation de son aile droite. Si l'apparition des Tea Parties est en partie une réaction épidermique à l'élection de Barack Obama, elle est aussi la résurgence la plus récente d'une pensée populiste radicale installée depuis toujours dans le pays. Cette « lunatic fringe » tient en otage l'ensemble du parti républicain dont elle ne représente pourtant qu'une minorité (4 républicains sur 10 selon un sondage Pew de novembre 2013). En présentant des candidats trop extrêmes, elle lui a fait perdre plusieurs élections lors des midterms de 2010.

Toute la question est de savoir si les modérés du parti républicain sauront faire plier leurs idéologues. On pouvait penser qu'ils allaient reprendre la main il y a un an, au lendemain de la défaite de Mitt Romney, mais il n'en a rien été. Une nouvelle chance leur est offerte avec le shutdown du mois d'octobre. En effet, dans cette crise qui a failli mener le pays au défaut de paiement, c'est bien l'intransigeance des Tea Parties qui a été blâmée par l'opinion.

Le compromis budgétaire trouvé fin octobre ne fait que repousser les problèmes

Dans les faits, le compromis budgétaire conclu fin octobre n'a fait que repousser les problèmes et les semaines à venir vont être décisives. Le gouvernement dispose d'un budget de fonctionnement jusqu'au 15 janvier.

Après cela, en l'absence d'un budget de compromis, de nouvelles coupes automatiques (sequestration) seront adoptées. Outre le risque de fragilisation de la reprise économique, les coupes sur le budget de défense et les budgets sociaux seront difficiles politiquement pour les républicains comme pour les démocrates. Le plafond de la dette fédérale, pour sa part, sera de nouveau dépassé aux alentours du 7 février. Un défaut de paiement aurait des conséquences sur les marchés financiers mondiaux.

 Le chantage des Tea Parties

Un groupe bipartisan de membres des deux chambres a été constitué pour définir un budget de long terme. Il doit rendre ses conclusions le 13 décembre. Il est certain que les Tea Parties vont recommencer leur chantage à cette occasion, liant leur acceptation d'un compromis budgétaire à un recul de l'administration sur l'Obamacare. Ils souhaitent en particulier que l'obligation aux individus de souscrire une assurance personnelle (« individual mandate »), contraire au principe de la responsabilité personnelle, soit abandonnée. Le leader de la minorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, cherche pour sa part activement à faire dérailler les travaux du groupe de travail. En effet, il affronte un candidat du Tea Party dans les primaires républicaines du Kentucky pour les midterms de novembre 2014 et doit se montrer plus radical que son adversaire.

Le vent a peut-être tourné...

Mais le vent a peut-être enfin tourné. Face à l'exaspération croissante de l'opinion face au blocage parlementaire, les présidents des deux assemblées ont eu le courage de faire plier les troupes. C'est grâce au speaker républicain de la chambre, le raisonnable John Boehner, qu'un compromis budgétaire a finalement été adopté en octobre dernier. Côté Sénat, le speaker démocrate Harry Reid a utilisé « l'option nucléaire » qui lui permet de faire voter les lois à la majorité simple pour faire passer la réforme de procédure fin novembre.

D'autres réformes, au niveau des états fédérés, pourraient confirmer cette « dé-radicalisation » du processus électoral américain. Le retour aux primaires ouvertes, contre les primaires fermées réservées aux militants, permettrait la désignation de candidats plus modérés. Ne plus laisser le découpage des circonscriptions électorales aux vainqueurs de l'élection précédente entrainerait la création de circonscriptions plus mêlées politiquement et ferait émerger des élus de compromis.

Tout passe par le rétablissement économique du pays

Mais c'est bien sûr la poursuite du rétablissement économique du pays qui, en desserrant la pression budgétaire au niveau fédéral et en améliorant la situation des classes moyennes dans le pays, pourra apaiser les oppositions. Les chiffres de l'emploi ont été meilleurs que prévu en octobre, montrant notamment une forte hausse des embauches. La capacité de résilience des Etats-Unis pourrait donc être de nouveau démontrée dans les mois à venir.

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