« Le consommateur n'a jamais eu autant de pouvoir » George Colony (Forrester Research)

Par Propos recueillis par Delphine Cuny  |   |  620  mots
George Colony, PDG de Forrester Research / DR
De passage à la conférence LeWeb à Paris, George Colony, qui dirige le cabinet d'études Forrester Research et prédisait l'an dernier le rachat de Nokia par Microsoft, a présenté sa vision d'une nouvelle ère marquée par la prise de pouvoir des consommateurs tout le temps connectés.

LA TRIBUNE - Vous prédisez l'avènement de « l'ère du consommateur connecté », en quoi consiste-t-elle ?

GEORGE COLONY - Les consommateurs n'ont jamais eu autant de pouvoir, en raison du foisonnement d'appareils connectés et de la force des réseaux sociaux. Ils peuvent influencer directement les prix, partager leurs avis et critiques et acheter n'importe quoi, n'importe quand, n'importe où et à n'importe qui.

Nous pensons que ce sera un cycle économique de vingt ans. La nouvelle génération de consommateurs, cette génération Y qui regarde moins la télévision, écoute moins la radio et lit moins les journaux que ses aînés, mais utilise plus Internet et joue plus aux jeux vidéo, est celle qui a déjà complètement basculé dans un état d'esprit mobile.

Ils sont beaucoup plus exigeants, attendent qu'un service ou une information soit disponible tout le temps, partout, quel que soit l'appareil utilisé.

Qu'est-ce que cela change pour les entreprises ?

Nous entrons dans un monde qui sera très dur, avec des clients extrêmement exigeants et changeants. À l'ère du consommateur connecté, seules les entreprises obsédées par leurs clients vont survivre : les parts de marché et la satisfaction du consommateur vont dépendre de la qualité du niveau technologique - la technologie, les systèmes et les processus - que les entreprises vont mettre en oeuvre pour conquérir, servir et fidéliser ce nouveau type de clients.

Mais cela crée une vraie opportunité, « l'engagement mobile » : avec le smartphone, l'entreprise peut se trouver à portée de main, dans la poche du client, tout le temps et n'importe où, pour de l'information, de la recommandation, de l'achat. Les entreprises vont devoir augmenter significativement leurs investissements dans tout ce qui permet l'engagement mobile.

Les applications ne sont qu'une petite partie de l'équation, il y a les big data, tous les outils d'analyse, l'expérience client, etc. Si vous voulez monter une start-up, il faut être dans l'une des parties de ce business de mille milliards de dollars centré autour des « données clients massives », le Big Customer Data : soit dans le domaine des terminaux connectés, des capteurs ou des objets intelligents, soit dans les réseaux sociaux, soit dans les services tels que le paiement en ligne ou la géolocalisation, soit dans les bases de données qui doivent évoluer de l'archivage à l'anticipation du comportement des clients.

Les logiciels sont la nouvelle monnaie d'échange et sont devenus plus importants que le capital financier. Vos marques vont rivaliser avec Microsoft, Google, Oracle et Amazon pour différencier les expériences client. À l'avenir, toutes les entreprises devront devenir des entreprises de logiciels, même si elles vendent des shorts ou des voitures.

Comment réussir cette mutation, quand on n'est pas déjà dans l'univers du logiciel ?

Ces entreprises vont devoir changer de management afin de fournir cette expérience client fantastique dans le monde numérique. Il faut impérativement un homme ou une femme de technologie qui siège au conseil d'administration pour insuffler cette culture et rééquilibrer les investissements dans ces nouveaux domaines.

Problème : le directeur informatique est souvent juste un spécialiste de l'IT, habitué à traiter uniquement avec les grands de l'industrie comme SAP et Oracle. Or, il faut avoir une vision très business de fidélisation des clients, savoir traiter avec Twitter, Facebook, etc., il faudrait qu'il aille au moins deux semaines par an dans la Silicon Valley !

Ce sera un vrai défi pour ces entreprises, car l'âge moyen des patrons de grands groupes est de 59 ans : ils ne sont pas tellement versés dans le numérique, ce n'est pas leur culture.