Réforme des retraites : l'autre chantier

Par Erik Linquier, Accenture  |   |  714  mots
La réforme des retraites vise à équilibrer les comptes, en mettant les Français à contribution. Mais l'amélioration de la gestion d'un coûteux système représente un chantier tout aussi crucial. Par Erik Linquier, Directeur Accenture en charge des retraites en Europe

Après un débat parlementaire riche à l'automne, la loi sur les retraites a été publiée le 21 janvier. Les travaux parlementaires ont essentiellement porté sur la soutenabilité à terme du rééquilibrage financier annoncé pour le régime général d'assurance-vieillesse. 

A l'inverse, et assez paradoxalement, le débat n'a qu'esquissé sur ce qui est pourtant une des attentes fortes des Français quant à la réforme : la mise en œuvre, rapide et visible, de mesures de modernisation et de simplification de l'organisation et des modalités de gestion des retraites.

Priorité à la simplification

Cette priorité, présente dans le projet de loi, repose sur un postulat simple mais novateur par rapport aux réformes antérieures : une réforme acceptée est une réforme comprise. Or, la complexité de notre système de retraite (plus de 35 régimes, une multiplicité d'interlocuteurs, 3,5 pensions par Français …) rend extrêmement délicate une telle acceptation.

Dès lors, faute de comprendre l'organisation du système, et donc l'impact sur les situations individuelles, les Français ont tendance à se méfier, voire à rejeter toute évolution significative. Pour inverser cela, il faut tout à la fois faire œuvre de pédagogie, simplifier le système mais aussi améliorer significativement le service à l'usager.

Accepter les efforts demandés

Des Français comprenant mieux le système des retraites et voyant des améliorations concrètes dans les services qui leur sont fournis, seront plus à même d'accepter les efforts indispensables qui leur sont demandés. En son temps, ce raisonnement avait déjà fondé la création puis l'extension du droit à l'information retraite, qui permet à chaque assuré de recevoir régulièrement l'état de ses droits, puis une estimation de sa retraite.

Une disposition majeure: le compte unique retraite

A cet égard, la loi porte l'espoir de ce « changement de braquet » via une disposition majeure : la création d'un compte unique retraite. Si sa réalisation est effectivement à la hauteur des ambitions affichées, sa mise en place permettra d'entrer dans une vraie logique de simplification et d'amélioration du service. Tout en respectant une architecture historique largement fondée sur le paritarisme et les particularités professionnelles, la loi renverse l'approche: partir des besoins de l'usager pour définir la réponse apportée, et non de l'organisation actuelle du système. C'est donc bien une vraie révolution qui pourrait être menée, avec pour enjeu de ne plus imposer la complexité du système à l'usager.

Baisser les coûts de gestion: les ramener au niveau de l'Allemagne et de l'Italie

Au-delà, la loi offre un cadre qui devrait permettre aux pouvoirs publics de mettre en œuvre une décision importante du Comité interministériel de modernisation de l'action publique (CIMAP), adoptée le 18 décembre dernier : faire converger les coûts de fonctionnement de notre système de retraite (5,2 milliards d'euros au total) vers ceux de nos voisins proches et comparables, Italie et Allemagne. Comme le souligne la décision du CIMAP, il s'agirait de faire passer les coûts de gestion de 1,9% à 1,29% des prestations versées.

Rechercher une efficacité accrue

Certains organismes ont déjà lancé des programmes ambitieux de modernisation : on peut penser au GIE AGIRC-ARRCO par exemple depuis l'accord sur les retraites complémentaires de mars 2013, ou bien encore aux efforts de longue haleine menés par la CNAV dans la mise en œuvre de ses contrats pluriannuels avec l'Etat (COG). Le nouveau cadre fixé par la loi permettra donc, au-delà du projet symbolique du compte unique retraite, de suivre ces exemples en recherchant une efficacité accrue tout en préservant et accroissant la qualité du service rendu.

Un chantier qui a valeur de symbole

 Il peut s'agir autant de la liquidation des retraites proprement dites, que de l'information des futurs retraités, du recouvrement des cotisations, du paiement des pensions, ou encore de toutes les fonctions support, au poids très variable au sein des 35 régimes existant.

Dans un contexte où le gouvernement a lancé un « choc de simplification », tout en affichant un objectif de réduction récurrente de la dépense publique de 50 milliards d'euros, ce chantier prend donc valeur de symbole. Tel est bien l'un des enjeux majeurs de la loi fraichement adoptée.