Hollande : un pacte irresponsable ?

Le pacte de responsabilité annoncé par François Hollande ne considère que la compétitivité-prix des entreprises, oubliant totalement les autres aspects. par Raphaël Didier, économiste et enseignant à l'IUT de Moselle-Est

L'annonce par le président de la République d'un « pacte de responsabilité » a été vue par de nombreux commentateurs comme un changement de cap de l'économie française. Les milieux patronaux se sont ainsi réjouis que le gouvernement place l'entreprise au cœur de ses préoccupations, le président du MEDEF allant même jusqu'à revendiquer la paternité de ces mesures. Mais est-ce bien certain que ce pacte soit la réponse au problème de compétitivité de nos entreprises ?

Deux composantes pour la compétitivité: prix et hors prix

Rappelons tout d'abord que pour une entreprise, la compétitivité est sa capacité à vendre durablement ses produits à un prix supérieur à ses coûts, en faisant face à la concurrence. La compétitivité peut être divisée en deux composantes que sont la compétitivité-prix, qui repose sur l'évolution des prix domestiques comparée à l'évolution des prix dans les pays concurrents, et la compétitivité hors-prix, qui trouve son origine dans d'autres déterminants que le prix, comme par exemple l'innovation, la qualité, le niveau de gamme, etc.

Le pacte responsabilité se focalise sur une seule d'entre elles

Le pacte de responsabilité se focalise donc uniquement sur la première composante, c'est-à-dire les coûts. L'idée consiste dès lors à supprimer d'ici 2017 les cotisations sociales familiales employeurs (environ 35 milliards d'euros par an et rebaptisées charges sociales par un savant glissement sémantique), afin de reconstituer les marges des entreprises et créer l'équivalent d'une dévaluation qui déboucherait sur une hausse des exportations.

Des contreparties qui risquent de faire long feu

 En contrepartie, l'État attend des engagements chiffrés du patronat sur les questions d'embauches et de dialogue social, qui devront être définies au niveau national, puis déclinées par branche. Mais ces contreparties, en plus d'être très vagues à ce stade, risquent fort de faire long feu puisque le Medef a refusé de s'engager sur des chiffres précis, alors même qu'il avançait la possibilité de créer 1 million d'emplois...

Pourtant, il faudra bien financer cette baisse de cotisations sociales. Si les embauches ne sont pas au rendez-vous et que l'activité ne redémarre pas, alors cela devra se faire par des réductions de dépenses publiques puisque le gouvernement ne souhaite plus augmenter ni la dette publique ni les impôts (la grande réforme fiscale a-t-elle déjà été enterrée ?).

Le risque de faire replonger l'économie française dans la récession

Or, au moment où la France n'est même pas encore convalescente, couper dans les dépenses publiques à hauteur de 50 milliards d'euros, n'est-ce pas prendre inutilement le risque de replonger notre économie dans la récession, d'autant plus que le dernier moteur de la croissance, la consommation, s'essouffle désormais ? Faut-il rappeler que, contrairement à une croyance bien ancrée, les dépenses publiques ne sont pas par nature stériles : près de la moitié de la dépense publique est versée aux ménages sous formes de prestations sociales en espèce ou en nature, ce qui contribue évidemment à soutenir leur consommation… et donc la croissance !

Un gain minime en compétitivité

Mais en fin de compte, peut-on au moins attendre de ce pacte de responsabilité un gain de compétitivité conséquent ? Malheureusement pas tant que ça, car il faut se souvenir que le coût du travail représente en moyenne entre 20 et 25 % du coût de production total. Ainsi, en mettant en regard le total des rémunérations versées par les entreprises - c'est-à-dire salaires nets + cotisations employés et patronales, soit environ 700 milliards d'euros en 2012 - et les cotisations patronales (170 milliards d'euros), on voit de suite que la suppression des cotisations familiales patronales (35 milliards d'euros) permettra aux entreprises de gagner en compétitivité quelque chose de l'ordre de 1 % ! Tout ça pour ça ? Surtout quand on pense qu'une simple appréciation de l'euro, menace tout à fait crédible en raison de l'excédent courant croissant de la zone euro, suffirait à annihiler ce faible gain de compétitivité-prix.

L'erreur de se battre seulement sur la variable prix

Tous les gouvernements successifs semblent ainsi, pour des raisons électorales ou par méconnaissance de l'économie, avoir fait passer la compétitivité hors-prix au second plan, oubliant que ce qui compte n'est pas uniquement le coût salarial unitaire mais surtout le couple coût/niveau de gamme. Si nos entreprises ne doivent se battre que sur la variable prix, alors on se destine au moins-disant social et même à la tiers-mondisation en cherchant à s'aligner sur les niveaux de prix des industries asiatiques !

Ériger la compétitivité-prix en cause nationale n'est donc pas une vision d'avenir de l'économie française, encore moins une révolution tant cela fut une pratique courante les dernières années, l'actuel gouvernement n'ayant rien fait d'autre que de poursuivre le mouvement en organisant sans le nommer jusqu'à présent un transfert massif d'argent des ménages vers les entreprises. C'est donc tout simplement un pacte irresponsable qui « oublie » que sans demande les entreprises n'iront pas mieux !

Raphaël DIDIER

Économiste et enseignant à l'IUT de Moselle-Est

https://raphael.didier.over-blog.fr

[email protected]

 

Dernier livre publié (septembre 2013) :

Les grands débats économiques actuels, éditions Ellipses

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Commentaires 39
à écrit le 01/02/2014 à 20:03
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Belle analyse mais avec un boulet aux pieds, on court moins vite. La compétitivité hors prix, si elle est bien nécessaire, ne doit pas être handicapé par des coûts salariaux de folie. Ces coûts sont surtout un repoussoir pour investir...

à écrit le 31/01/2014 à 10:22
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excellente analyse qui illustre bien le manque de vision, le manque d'imagination et peut être hélas l'incompétence de nos dirigeants et aussi des hommes politiques actuels, de tous bords.

à écrit le 29/01/2014 à 23:42
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Merci a tous pour ces commentaires ! Je suis actuellement en 1ère es et j'ai une dissertation a faire vendredi sur les économies de marché et bah autant vous dire que ce phénomène dans l'actualité me sert ... Merci de mettre des commentaires je compr...

à écrit le 29/01/2014 à 22:54
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Il dit "Le pacte de responsabilité annoncé par François Hollande ne considère que la compétitivité-prix des entreprises, oubliant totalement les autres aspects. par Raphaël Didier, économiste et enseignant à l'IUT de Moselle-Est", Mais le pacte en qu...

à écrit le 29/01/2014 à 22:39
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Encore un "prof"... Qui ne sait manifestement pas de quoi il parle. Pour monter en gamme, il faut du pognon. Tout le pognon des entreprises est piqué par l'Etat aujourd'hui. Alors, on fait comment pour monter en gamme? Donc voila pour le faux débat p...

à écrit le 29/01/2014 à 18:14
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Encore un universitaire qui n'a jamais mis les pieds dans une entreprise... Comment? il "suffit" de monter en gamme pour sauver la France? Mais oui, comme vous êtes intelligent Mr Didier! Et les chefs d'entreprise qui n'ont pas compris ça! C'est vr...

à écrit le 29/01/2014 à 11:28
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Je me demande si certains journalistes ne fument pas des substances illicites.... le hors prix, par nature est le résultat de la stratégie d'entreprise....le prix est fonction justement du niveau de gamme déterminé par la stratégie. Que peut faire ...

à écrit le 29/01/2014 à 10:02
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il est clair que ça ne suffit pas, mais au moins ça va dans le bon sens. Dans un domaine que chacun connaît comme l'automobile, la baisse de niveau de gamme vient de l'augmentation rapide et régulière des taxes dans les années 70 et 80, conduisant le...

à écrit le 29/01/2014 à 8:12
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Le talon d’Achille de la France en matière de croissance: l'Atonie Commerciale de beaucoup de ses entreprises à l'export...Qui possèdent des atouts certains (produits, prix, qualité, image), mais, qui mènent pour beaucoup des actions de prospection à...

à écrit le 29/01/2014 à 7:15
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Le raisonnement ne tient pas car la majorité des échanges internationationaux de biens fabriqués en France se font dans la zone euro. Soyons donc compétitifs dans notre zone économique : baissons les charges des entreprises, augmentons le temps de tr...

le 29/01/2014 à 9:23
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Ce mille-feuille administratif nous le devons à la décentralisation que l'on nous impose!

à écrit le 29/01/2014 à 4:45
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Raisonnement logique mais qui ne peut plus s'appliquer en France alors que l'on a des régiments de chômeurs sous-qualifiés et que l'on "produit" 100 à 150 000 jeunes par an sans aucun diplôme. Depuis les années 80 la France a choisi la production de...

à écrit le 29/01/2014 à 4:45
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Raisonnement logique mais qui ne peut plus s'appliquer en France alors que l'on a des régiments de chômeurs sous-qualifiés et que l'on "produit" 100 à 150 000 jeunes par an sans aucun diplôme. Depuis les années 80 la France a choisi la production de...

à écrit le 29/01/2014 à 2:30
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Plutôt d'accord avec vos arguments. Se battre sur le prix ? On pourrait peut-être songer à dévaluer un peu notre monnaie. Là où je suis d'accord avec Hollande c'est que faire reposer tout le modèle social sur le travail n'est probablement plus judici...

à écrit le 28/01/2014 à 23:53
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L'arogance n'est pas signe de verite mais par votre interpretation visuel pretention de ce qui est resultant d'Evolution,0 Circonstantielles devenu et cherchant solutions la ou les votres n'en sont pas non plus mais plutot complementairement comme op...

à écrit le 28/01/2014 à 23:43
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Tiens, tout d'un coup ce n'est plus "moi" ou "je" mais "NOUS... n'avons pas réussi". Suis-je le seul à avoir remarqué ça ? Non mais quelle lâcheté, ce Hollande... Je n'en revenais déjà pas qu'il puisse être élu non pour ses qualités mais grâce au mat...

à écrit le 28/01/2014 à 23:40
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Le cout salarial représenterait donc 25%, et les 75% qui restent d'ou sortent ils? Des fournisseurs, qui eux mêmes ont des fournisseurs, etc: ce sont aussi des humains! La vraie question c'est plutot de savoir si l'économie faite sur les charges va s...

à écrit le 28/01/2014 à 23:26
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Oui chacun a le droit d'imaginer l'avenir avec les connaissances des bases actuelles et aussi plusieurs autres grands evenemments vecteurs des changements d'orientations des quotidiens, parlant au court terme a 10 ans ou les enfants de la France cont...

à écrit le 28/01/2014 à 23:10
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Que personne ne se trompe. L'idée de FH n'est pas de relancer les entreprises mais d'être réélu en 2017. Que faire? Faire monter le FN, montrer du doigt les chefs d'entreprises qui sont les méchants car ils ne vont pas pouvoir embaucher comme l'état ...

le 28/01/2014 à 23:45
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C'est un politicard certes, mais dans 3 ans et demi on en aura autant marre de voir sa tête que celle de son prédecesseur, et ce n'est pas les acrobaties que vous dépeignez qui y changeront quelque chose. Sa seule chance d'être ré-élu, c'est d'avoir ...

à écrit le 28/01/2014 à 23:03
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Ça y est, j'ai compris ! Le gros lubrique de l’Élysée annonce une baisse des charges des entreprise, et en même temps elles doivent embaucher générant ainsi plus de rentrée de charges pour l’état. Il n'a pas l’intention de couper dans les dépenses ...

à écrit le 28/01/2014 à 22:06
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Les prestations sociales favorisent la consommation Et alors Nous consommons trop et au dessus de nos moyens depuis 32ans Alors arrêtons de dépenser l'argent que le secteur prive trime pour produire

à écrit le 28/01/2014 à 21:27
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Il sait plus ou donner de la tête ce président qui change d'avis comme de concubine

à écrit le 28/01/2014 à 20:31
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L'idée de Hollande n'est pas de permettre aux entreprises de baisser leurs prix via la baisse des cotisations. C'est plutôt de leur laisser reconstituer des marges financières pour pouvoir investir et monter en gamme.

à écrit le 28/01/2014 à 20:25
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L'idée de Hollande n'est pas de permettre aux entreprises de baisser leurs prix via la baisse des cotisations. C'est plutôt de leur laisser reconstituer des marges financières pour pouvoir investir et monter en gamme.

à écrit le 28/01/2014 à 19:53
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Je ne vois pas bien la conclusion de cette proposition: ne pas baisser les charges? ne pas demander de contrepartie? demander des contreparties plus précises, donc plus de contreparties?

à écrit le 28/01/2014 à 19:50
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Evidemment que l'on a escamoté ou ignoré l'aspect hors prix de la compétitivité ; quant aux parts de valeur ajoutée des divers éléments on les a déformées à grands coups d'out-sourcing aveugle aux conséquences sur le savoir faire. Les Allemands ont r...

à écrit le 28/01/2014 à 19:45
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Je crois que ce bon Monsieur DIDIER, n'a jamais gérer d'entreprise autre que dans ses livres. Qu'il sorte de son IUT et qu'il vienne se confronter à la vraie réalité du tissu de l'économie. Ensuite il viendra donner des leçons.

le 29/01/2014 à 9:31
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S'il travaille, il n'aura pas le temps de réfléchir!

le 30/01/2014 à 18:04
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Que faire ? travailler à mi-temps, étudier à mi-temps ! Se former toute sa vie !

à écrit le 28/01/2014 à 19:21
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Les salaires représentent environ 60% de la valeur ajoutée (Rapport Cotis Insee 2009). La valeur de production étant la somme des valeurs ajoutées qui y contribuent, j'ai du mal à faire le lien avec vos 25 % de cout de production. Auriez vous laissé ...

à écrit le 28/01/2014 à 19:13
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Hollande officialise le pacte qu'il avait scellé avec la finance mondiale avant son élection, tout comme Chirac et Sarkozy, Hollande est leur serviteur, avec comme principal main pleine droite Valls.

à écrit le 28/01/2014 à 19:12
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Quel est cet irresponsable qui se dit enseignant à l'IUT Pauvres eleves avec un tel prof Qu'a til donc monter comme entreprise et ce sans subvention... J'en ai connu un qui n'avait fait aucun chiffre d'affaire en cinq ans... prof d'iut aussi ... ...

à écrit le 28/01/2014 à 19:07
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Je pense que Monsieur Didier se trompe. En effet, personne n'imagine que réduire les cotisations (ou charges) patronales de 30 md rendra plus de compétitivité-prix pour les entreprises exportatrices, tout le monde sait que c'est dérisoire. En revanch...

le 28/01/2014 à 19:35
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DEPUIS LES ANNEES 60 LE COÛT DU CAPITAL A FLAMBE PAR RAPPORT AU COUT DU TRAVAIL. C'EST DONC LA RENTE QU'IL FAUT FLINGUER, PAS LES TRAVAILLEURS ET LEUR FAMILLES.

à écrit le 28/01/2014 à 18:44
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Il est irresponsable de mener une politique keynésienne dans un pays développé aux infrastructures modernes. La dépense publique ne fait en France que nourrir des importations qui aggravent le déficit commercial. Hollande a tout faux, en bon politiqu...

le 28/01/2014 à 18:54
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Vous avez tout faux Hollande fait une politique de l'offre et propose exactement le contraire des préconisations (historiquement justes) de Keynes. Et c'est là, la grosse erreur de Hollande!

à écrit le 28/01/2014 à 18:10
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Le problème c'est que le Medef est aussi nul que les politiques

à écrit le 28/01/2014 à 17:42
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Analyse pertinente. Il faut cependant lutter contre le gaspillage effréné qui existe à tous les niveaux (voir les rapports de la Cour des Comptes). Il doit être possible d'éviter ce gaspillage sans amputer le pouvoir d'achat des ménages.

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