Nicolas Baverez : "le déclin n’est pas une fatalité pour la France"

Dans son dernier ouvrage, "Lettres béninoises" (Albin Michel), l’avocat historien et essayiste à succès Nicolas Baverez décrit une France au bord de la faillite en 2040. Un appel à un changement de cap de la politique économique française que semble avoir amorcé François Hollande avec son pacte de responsabilité.
Sylvain Rolland
Nicolas Baverez | FNTP/D. MOREL.

2040. Alassane Bono, le directeur béninois du FMI, s'installe en France pour organiser une énième restructuration financière de sa dette publique abyssale. Le soir, il écrit de longues lettres à sa femme, restée au Bénin, dans lesquelles il lui raconte en détails, à la manière du sage Usbek de Montesquieu dans les "Lettres persanes", le triste sort de l'ex-cinquième puissance mondiale.

Dans cette fiction d'anticipation, de nombreux pays d'Afrique, forts d'une croissance continue depuis le début des années 2000, ont rejoint le cercle des puissances prospères et influentes, dans lequel figurent toujours les pays européens qui ont su se réformer, à l'image de l'Allemagne et de l'Europe du Nord.

 

En 2031, la France a quitté l'euro

Quid de la France ? Nicolas Baverez, invité jeudi 30 janvier de la deuxième édition des « Matinales de Travaux publics » organisées par « La Tribune » et la Fédération nationale des Travaux Publics, force le trait et voit dans l'ex-pays des Lumières est devenu, sans surprise, l'homme malade de l'Europe. Un nain politique, une aberration économique et une catastrophe sociale. Le chômage y dépasse 25% de la population active, en partie car la politique fiscale confiscatoire et la lourdeur de l'Etat providence ont fait fuir depuis longtemps les grandes entreprises et les jeunes talents. De gigantesques bidonvilles s'étendent au nord de Paris.

Comme Marine Le Pen l'avait souhaité, la France a quitté l'euro en 2031, mais la dévaluation de la monnaie et l'inflation galopante ont ruiné les classes moyennes. Au milieu de cette débâcle, les dirigeants, de gauche comme de droite, pratiquent la politique de l'autruche, s'accrochant désespérément à la sauvegarde du modèle social. De toute façon, qui les écoute ? En 2032, l'extrême-droite a pris le pouvoir, avant qu'une sixième République naisse de ses cendres deux ans plus tard…

 

Ce qui peut arriver sans changement profond

Ce sombre tableau, qui relève aujourd'hui de la science-fiction, peut-il devenir réalité ? Prédire l'avenir relève d'un exercice périlleux. Nicolas Baverez, qui dépeint dans son livre des dirigeants qui ressemblent étrangement à des personnalités politiques actuelles, revendique la crédibilité de ce scénarii catastrophe.

« C'est un ouvrage de politique-fiction qui n'a rien de fantaisiste. La France de 2014 porte en elle les germes de celle que je décris en 2040 : une économie en panne, une société fracturée, le déni du pouvoir qui n'ose pas réformer depuis vingt-cinq ans. J'ai seulement imaginé ce qui pourrait se produire si la classe politique ne met pas en œuvre un changement de cap profond », explique-t-il.

 

Le taux de chômage confirme le déclin de la France

L'auteur de « La France qui tombe », publié en 2003, et de « Réveillez-vous ! », adressé aux candidats à la présidentielle de 2012, estime que les dernières statistiques économiques confirment le déclin de la France. L'inversion de la courbe du chômage n'est toujours pas d'actualité malgré la promesse de François Hollande. Ainsi, 170 000 personnes ont rejoint les rangs des chômeurs de catégorie A en 2013 (ceux qui n'ont pas du tout travaillé), portant le total à 3,5 millions et à 5,2 millions en comptant ceux des catégories B et C.

Du côté des finances publiques, si le déficit est passé de 4,8% du PIB en 2012 à 4,1% en 2013, le chemin pour atteindre le standard européen de 3% semble encore long et difficile. La dette, attendue à 95% du PIB fin 2014, se rapproche dangereusement du palier symbolique des 100%, qui pourrait entraîner, selon Nicolas Baverez, une spirale de dévaluations de la part des agences de notation.


La France manque d'attractivité 

« La zone euro, même renforcée avec l'union bancaire, les capacités financières étendues de la Banque centrale, le mécanisme de solidarité ou le traité budgétaire, pourrait ne pas survivre si la dette française est attaquée »

En panne de croissance, la France manque aussi d'attractivité. Selon le dernier rapport de la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced), les investissements directs étrangers dans l'Hexagone ont chuté de 77% en 2013, pour tomber à 4,1 milliards d'euros. Un chiffre révélateur, qui semble donner crédit à la thèse de Nicolas Baverez et d'autant plus inquiétant qu'ils ont progressé de 37,7% dans l'Union européenne et de 11% dans le monde…

Mais tout n'est pas perdu...

A la différence de nombreux indécrottables pessimistes, persuadés que la France a déjà raté l'occasion de se réformer en profondeur, Nicolas Baverez croit aux effets d'un virage à 180 degrés de la politique économique. Car la 2ème puissance européenne derrière l'Allemagne conserve des atouts, reconnaît-il : une démographie dynamique, du travail qualifié, des entrepreneurs, des universités performantes, une marque France exceptionnelle qui en fait la première destination touristique mondiale, des infrastructures de transports, un patrimoine riche...

Tel un pied-de-nez à ses détracteurs, qui le taxent d'indécrottable « déclinologue », l'ancien haut fonctionnaire de la Cour des comptes se montre même optimiste sur la capacité du pays à « repartir sur de bons rails » si « on arrête l'indécision et les mesures dévastatrices comme la taxe à 75% ou le retour en arrière sur les retraites ».


Le pacte de responsabilité, une lumière au bout du tunnel ?

Devant des chefs d'entreprises du secteur du bâtiment étonnés, le libéral donne son quitus au « pacte de responsabilité » lancé début janvier par François Hollande. « En engageant l'Etat à faire baisser les charges des entreprises en échange d'un million d'emplois et en promettant d'économiser 50 milliards d'euros en trois ans en coupant dans les dépenses publiques, François Hollande a enfin compris que le principal levier de croissance est l'aide aux entreprises. C'est un virage économique majeur », estime Nicolas Baverez. La dernière fois que l'Etat a opéré une telle rupture, c'était en 1983, lors du fameux tournant de la rigueur de François Mitterrand, qui a entériné la conversion de la gauche à l'économie de marché.

L'initiative de François Hollande est-elle le premier pas vers une véritable évolution de la politique économique française ? Le président doit encore réaliser le plus difficile : négocier avec les partenaires sociaux et appliquer son ambitieuse révolution idéologique. Ce serait encore une goutte d'eau dans l'océan des réformes nécessaires pour faire repartir durablement l'économie hexagonale : 35 heures, réforme de l'assurance-chômage, collaboration renforcée avec l'Allemagne, relance de l'industrie et de l'agriculture… Des réformes difficiles, mais que Nicolas Baverez juge indispensables pour faire en sorte que la France de 2040 vue par Alassane Bono reste de la science-fiction.

 

 

 

Sylvain Rolland

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Commentaires 25
à écrit le 02/02/2014 à 20:50
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La mondialisation a permis un gigantesque chantage , à l'échelle planétaire cette fois , du libéralisme sauvage qui dit en gros ceci : tu veux que ton pays survive ? alors les classes laborieuses devront tout perdre , et se soumettre aux quelques 1...

à écrit le 02/02/2014 à 16:38
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Bavarez germanophile qui ne comprends rien à l'économie comme Minc. Ce qui est incroyable avec ce genre de personnages s'est qu'ils se trompent en permanence. un maître de la pipoéconomie

à écrit le 01/02/2014 à 18:14
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Paradigme _Le capitalisme financier , la phase actuelle de l'ultra libéralisme mis en œuvre par Reagan et Thatcher dans les années 80 est une impasse. Et le socialisme social-démocrate, sans la maîtrise de la propriété des moyens de production limit...

le 02/02/2014 à 9:53
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Oui il faut réconcilier les français avec l'entreprise et distinguer la solidarité nécessaire entre personnes physiques, de la liberté d'entreprendre. C'est compliqué en France de faire avancer ces idées car la France n'a pas un état d'esprit libéral...

à écrit le 01/02/2014 à 17:57
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Baverez symbolise le mal français: l'insupportable sentiment de supériorité de certaines élites, généralement énarques et X, qui squattent les postes de directions, les conseils d'administrations et les plateaux télé qui se trompent sur tout, distill...

le 02/02/2014 à 19:47
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c'est vrai on a fait tout ce que Bavarez veut faire et c'est la cata

à écrit le 01/02/2014 à 17:53
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Pitié, arrêtez avec Baverez son arrogance n'a d'égal que sa médiocrité. C'est bien celui qui disait en 2008, que le système financier était "résilient" et qu'il absorberait le soubresaut des subprimes... Quelques jours plus tard, Lehman sombrait et o...

le 02/02/2014 à 16:39
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Et poutant on lui donne encore la parole pour dire ses aneries

à écrit le 01/02/2014 à 17:13
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"Marine Le Pen l'avait souhaité, la France a quitté l'euro en 2031, mais la dévaluation de la monnaie et l'inflation galopante ont ruiné les classes moyennes" nous sommes en 2014 les classes moyennes sont déjà sous perfusion...!! au contraire en sor...

à écrit le 01/02/2014 à 17:07
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bizarrement les économistes d’opérette du système qui n'ont pas vu venir la CRISE peigne un tableau NOIR de la sortie de l'Euro alors qu'aujourd'hui nous avons 8 Prix Nobel d'économie qui préconisent une sortie concertée de la zone Euro..!! mais je s...

à écrit le 31/01/2014 à 20:15
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Rappelons à certains commentateurs que le libéralisme vient récemment de gagner un supporter inattendu en la personne de F Hollande lui-même...

le 01/02/2014 à 8:17
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Les français ne savent pas ce que veut dire le mot libéralisme. La droite française a toujours été anti-libérale alors que les scandinaves, plus soucieux que nous de protéger les plus faibles, sont d'authentiques libéraux...

à écrit le 31/01/2014 à 15:28
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Baverez et la lumière fut. Heureusement qu'il y a quand même des gens plus intelligents que tous ces gogos. J'ai lu hier un article sur le site de Paul Jorion signé Jacques Saillant que j'ai trouvé très juste et autrement intéressant et d'un autre ni...

le 02/02/2014 à 16:42
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le problème c'est que l'on ne parle pas assez de personnes comme Paul Jorion

à écrit le 31/01/2014 à 14:40
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Mais tout le monde le connaît !!! C'est un ultra-libéral genre "Tea party". Je ne suis pas contre le libéralisme, mais contre les excès commis en son nom. J'estime, et la M.Baverez ne partage pas ce point de vue, que le modèle social français n'a p...

le 01/02/2014 à 8:23
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Le financement du social par les cotisations fonctionnait parfaitement dans une société où le père de famille avait toujours un emploi, où la mondialisation n'existait pas et où la machine n'avait pas vraiment remplacé l'homme. Aujourd'hui il est évi...

le 02/02/2014 à 19:03
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Je suis bien d'accord avec vous.

à écrit le 31/01/2014 à 9:55
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Baverez encore un expert en tout surpayé qui dit aux gens qu'ils doivent baisser leurs salaires pour être compétitifs. Je préfère jacques sapir et emmanuel todd eux en plus ne se trompent pas tout le temps.

le 31/01/2014 à 13:25
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Tout à fait. Baverez est un expert auto-proclamé qui ne sait réciter que son catéchisme néo-libéral. Je ne lis même plus.

le 31/01/2014 à 14:33
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Il serait peut être temps de ne plus tendre micro à ce type de médiocre: il n'a jamais eu de production intellectuelle valable, validée par ses pairs. Bref, ce type raconte n'importe quoi et surtout ce qui arrange ceux qui le paie. Un parasite don...

à écrit le 31/01/2014 à 9:04
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Le problème c'est que l'on se trompe sur les réformes a faire, il ne s'agit pas de copier ce qui a marcher auparavant car fait par "des opportunistes" mais d'inventer de nouvelles solutions! Qui peut croire que cela est une sciences fiction? C'est ce...

le 01/02/2014 à 8:26
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Oui donc enfin prendre en considération plus sérieusement les mécanismes comme la TVA sociale ou le revenu de base inconditionnel en les expliquant aux gens qui rejettent sans comprendre

à écrit le 31/01/2014 à 9:02
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Il faut rappeler à ce cher Monsieur qu'avec hollande le destin de notre pays est programmé, ce sera celui du déclin et da misère, bien entendu uniquement pour le peuple, mais c'est un monde que l'auteur ne connaît pas, il parle du sien.

le 31/01/2014 à 16:50
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Je rappelle que Sarkozy a fait exploser la dette et qu'il n'a pas réglé le problème du chômage; c'est pourquoi il a été battu par Hollande ...

le 01/02/2014 à 8:30
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On se fiche des personnes. On attend les idées. Pour l'instant les 4 ou 5 principaux partis portent peu d'idées de nature à sotir le pays de l'ornière...

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