Quel financement pour la dette américaine ?

L'impact sur les pays émergents du changement de politique de la Fed a été abondamment commenté. Mais qu'en est-il de ses conséquences sur la dette publique américaine? Par François Leclerc

Une nouvelle fois, le Trésor américain a,  le 7 février,  engagé de premières mesures exceptionnelles afin de repousser tout défaut sur la dette, annonçant pouvoir tenir jusqu'à la fin du mois.

Dans l'actualité récente, les effets de la décélération des achats de titres de la Fed sur les monnaies des pays émergents ont à juste titre accaparé l'attention. Mais d'autres considérations moins visibles et immédiates expliquent la prudence avec laquelle la politique d'assouplissement quantitatif de la Fed est infléchie, que ce nouvel épisode de déplafonnement par le Congrès remet à l'ordre du jour : le financement futur de la dette américaine.

La politique de la Fed a allégé le coût de la dette publique

Ses achats de titres de la dette dans le cadre de trois programmes successifs de création monétaire additionnant les milliers de milliards de dollars ont eu comme effet la baisse des taux et la diminution du montant des intérêts à payer. En dépit de la croissance continue de la dette, ce montant global ne représente plus aujourd'hui que 6 % du coût du service de la dette, au lieu de 15% au cours de la décennie précédente. Mais les bienfaits de la Fed ne se sont pas arrêtés là, accroissant sa maturité globale en privilégiant les achats de titres à longue maturité, ce qui atténue sa sensibilité à toute augmentation des taux à venir.

22.000 milliards de dollars de dette publique en 2018...

En dépit des efforts de limitation du déficit budgétaire fédéral, la dette continue de croître, ce qui implique régulièrement son déplafonnement par le Congrès. Les projections de l'Office du budget américain font état d'un déficit public de 800 milliards de dollars en 2014, et de 590 milliards en 2018, mais cette décélération repose sur un taux de croissance de 4 %. À l'arrivée, la dette publique qui est actuellement de 17.000 milliards de dollars pourrait atteindre de 20.000 à 22.000 milliards de dollars en 2018.

Les investisseurs vont devoir prendre le relais de la Fed

Il va falloir financer les déficits budgétaires à venir, ainsi que le roulement de la dette actuelle au fur et à mesure de ses échéances. Le parapluie de la Fed progressivement fermé, si le tapering se poursuit, une augmentation des taux s'en suivra, qui a déjà commencé. Elle contribuera à l'augmentation du coût du service de la dette. Le marché était habitué à ce que la Fed se porte acquéreur d'une grande partie des émissions du Trésor; cela ne va plus être le cas et les investisseurs vont devoir prendre le relais.

Leur attitude future fait l'objet d'interrogations, et des concertations sont engagées, en particulier en Asie, afin de connaître les intentions des investisseurs et d'orienter les émissions futures vers des formules adaptées à leurs besoins. Pour mieux les garantir, ils disposent de différents types de titres obligataires : à taux variables ou protégés de l'inflation. À titre de test, une émission de la première de ces deux catégories de titres - une nouveauté - a eu lieu, avec une maturité courte de deux ans ; elle a rencontré un grand succès, la demande ayant été de 85 milliards de dollars pour une offre de 15 milliards.

Un besoin d'actifs de qualité?

Ce changement de fusil d'épaule réglera-t-il le problème ? Il est espéré que les investisseurs auront besoin d'actifs de qualité, afin de répondre à la demande de collatéral, et qu'ils trouveront leur compte avec l'émission de telles obligations, ce qui enclencherait un cercle vertueux. Cela reste à vérifier. Seule certitude, le poids de la dette américaine va peser d'avantage dans le budget de l'État, dont le déficit va devoir continuer de décroître.

L'enjeu: quel peut-être le modèle de croissance, sans course à l'endettement?

 L'enjeu est que les États-Unis bénéficient d'une croissance suffisante - et des recettes fiscales afférentes - pour au moins stabiliser leur dette. Mais si le modèle de croissance reposant sur l'endettement sans compter est fini, par quoi le remplacer ? Des Etats-Unis à la Chine en passant par l'Europe, la même question est partout posée. 

Une réponse sans suite à été apportée dans un document de travail du FMI de novembre 2010 intitulé « Endettement et inégalités ». Michael Kumhof et Romain Rancière, y comparaient les origines aux Etats-Unis de la Grande Dépression de 1929 et de la Grande Récession de 2007, pour y trouver en commun la forte augmentation des inégalités de revenu et du ratio dette/revenu des ménages. Ils concluaient ainsi «  Rétablir l'égalité en distribuant les revenus des riches aux pauvres ne plairait pas seulement aux Robins des bois du monde entier : cela pourrait aussi épargner à l'économie mondiale une autre crise majeure. »

 

François Leclerc est chroniqueur sur le blog de Paul Jorion. @fdleclerc

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Commentaire 1
à écrit le 10/02/2014 à 20:45
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Avec un triple AAA pourquoi ne pas acheter il faudrait être fou!!!

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