Contre le chômage des jeunes, une solution

Par Bernard Capron  |   |  958  mots
Contre le chômage des jeunes on a tout essayé, sauf de faire de l'enseignement professionnel une voie royale ! Par Bernard Capron, Président d'AGEFA-PME

Le projet de loi sur la formation professionnelle est en débat au Parlement. Il intègre un volet qui concerne l'apprentissage. Il y a lieu d'être inquiet. Le Gouvernement a effet prévu de confier les fonds de l'enseignement professionnel aux organismes qui gèrent déjà ceux de la formation professionnelle. Il ne s'agit pas là d'une réforme mineure. Cela traduirait-il la persistance d'une politique qui réserve l'enseignement professionnel à l'accueil des seuls élèves en difficulté?

 Dans de nombreux pays, un véritable tremplin

Il faut bien prendre conscience que l'enseignement professionnel doit être un véritable tremplin vers l'avenir pour tous les jeunes. C'est le cas dans de nombreux pays européens où l'on regarde cet enseignement comme une voie d'excellence. Impensable ! La France a en effet construit deux filières cloisonnées : d'un côté la voie considérée comme royale - l'enseignement général - et de l'autre la voie de garage - à savoir toutes les autres et particulièrement l'enseignement professionnel.

Une autre voie d'excellence

Nos voisins ont au contraire compris que seul un enseignement professionnel fort, diversifié, qui repose sur la même exigence que l'enseignement général et technologique permettra de lutter structurellement contre le chômage des jeunes. En somme que l'enseignement professionnel soit à terme, une autre voie d'excellence.

Valoriser un véritable socle d'enseignements généraux, pour faciliter des voies de passage

Pour atteindre ces objectifs essentiels, la première des mesures est de valoriser un véritable socle d'enseignements généraux commun à tous les diplômes de l'enseignement professionnel, en lien avec les humanités, les réalités sociales et culturelles. En somme, être aussi exigeant, en matière de culture générale, avec les élèves de toutes les filières. Ce serait une petite révolution dans le schéma actuel de l'enseignement professionnel français.

Cette ambition ouvrira la porte à un rapprochement nouveau. Elle facilitera le passage, pour un élève, de la voie générale à la voie professionnelle, et inversement ; ce qui reste aujourd'hui extrêmement difficile. En somme, mettre fin à une forme d'irréversibilité qui pénalise nos élèves. Il s'agit donc de permettre à un élève de la voie professionnelle de réintégrer la voie générale s'il le souhaite. A l'inverse, les filières professionnelles rénovées et plus ambitieuses seront plus attractives auprès des jeunes pour la poursuite de leurs études au lycée ou à l'université. C'est d'ailleurs dans cet intervalle du brevet à la Licence que tout se joue.

Une demande des jeunes

Cette exigence sur les contenus et les programmes rejoint donc une demande formulée par les jeunes eux-mêmes qui souhaitent pouvoir poursuivre des études reconnues leur permettant de s'intégrer et de s'épanouir sur le marché du travail.

C'est ainsi qu'un tiers des apprentis sont aujourd'hui inscrits à l'université. Leur nombre augmente de près de 10 % chaque année. Et ne croyons pas qu'ils préparent des diplômes au rabais. Du BTS au Master, du diplôme d'ingénieur aux écoles de commerce, ils prouvent que l'enseignement professionnel est déjà une voie d'excellence. Là encore, les exemples européens montrent que nous pouvons aller beaucoup plus loin en généralisant cette approche.

L'exemple allemand...

La faiblesse du taux de chômage des jeunes en Allemagne, qui atteint 7,7 %, ne trouverait-elle pas ses origines dans le succès de l'apprentissage outre-Rhin ? Quand la France se fixe pour objectif d'éduquer 500 000 apprentis par an d'ici 2017, 1,5 million d'étudiants est formé en alternance chaque année en Allemagne. En Autriche, où le taux de chômage des jeunes s'élève à 8,7 %, ce sont 40 % des jeunes de 15 ans qui ont fait le choix de l'alternance.

Les études montrent que ces jeunes s'épanouissent dans ce dispositif qui offre de nombreux avantages. Le premier est de pouvoir financer leurs études tout en poursuivant leur cursus car leur présence dans l'entreprise est rémunérée. A l'heure où l'on s'interroge sur la démocratisation des études supérieures, on gagnerait à s'inspirer de ces parcours.

Faciliter l'accès aux bourses pour lutter contre le décrochage

D'autres mesures doivent venir en complément en s'assurant par exemple que l'accès aux bourses soit le plus large possible pour les jeunes qui ont fait le choix de l'apprentissage et/ou de l'enseignement professionnel. Ainsi, le gouvernement lutterait efficacement contre le décrochage scolaire.

Au final, c'est une politique publique ambitieuse en faveur non pas de l'enseignement mais de l'éducation professionnelle qui doit être mis en œuvre. La voie à suivre à déjà été tracée de longue date : des formations plus généralistes (c'est-à-dire qui ne cantonnent pas l'élève à l'apprentissage d'un geste technique en particulier) et plus professionnalisantes, des enseignants mieux formés aux réalités de l'entreprises ; une promotion de l'esprit d'entreprendre dans les établissements scolaires. En somme, une évolution des mentalités qui rendra possible la construction de passerelles entre l'enseignement général et professionnel.

Mieux former aux mutations de notre économie

Cette proposition a un but unique : lutter contre le chômage structurel des jeunes qui dépasse actuellement les 25 %. Mieux formés aux mutations de notre économie et dotés d'un solide bagage culturel et professionnel, ces élèves pourront enfin s'intégrer sur le marché du travail.

Rien ne sera possible si à l'origine nous baissons les bras par avance et refusons de donner les moyens à l'enseignement professionnel la capacité d'être une voie d'excellence, aussi exigeante que la voie générale. Le débat au Parlement est l'occasion de se saisir de cet enjeu. Tous ensemble.

Bernard Capron

Président d'AGEFA-PME