Vote blanc : la fausse bonne idée ?

Par Arnaud Lacheret  |   |  985  mots
En quoi le vote blanc améliore-t-il le fonctionnement de la démocratie? Voter, c'est d'abord choisir.... Par Arnaud Lacheret, enseignant chercheur à l'Idrac Business School et Chercheur associé au laboratoire Pacte-CNRS.

Une analyse trop rapide du vote définitif de la loi présentée par les centristes et permettant de décompter séparément les bulletins blancs des nuls pourrait nous faire croire que la démocratie a gagné et qu'enfin, les électeurs mécontents de l'offre politique pourront le faire savoir.

On peut aussi observer cette mesure de façon un peu plus large et se demander si les pays où le peuple est souvent consulté (Suisse), où le droit de vote est obligatoire (Belgique) et où les blancs sont comptés comme exprimés (Espagne) connaissent une démocratie apaisée et ne cèdent pas à la tentation du populisme.

Le vote blanc, contre le vote populiste ?

Le fait que cette loi soit définitivement adoptée au lendemain du vote populaire - et polémique - Suisse signifiant le rejet de l'immigration massive est en soi assez paradoxal. En effet, toujours plus de consultation populaire est-il forcément la meilleure solution ? Ne va-t-on pas aller vers plus de marketing politique, de propositions farfelues, visant à séduire les électeurs que l'offre politique ne contente pas ?

Le fait que cette loi soit adaptée maintenant pose également question. Au moment où la majorité et l'opposition peinent à rassembler les électeurs, la crainte d'un vote de rejet en direction d'un parti populiste a peut-être poussé les parlementaires à offrir cette possibilité aux électeurs déçus qui pourront ainsi protester sans mettre en péril les partis traditionnels. Mais est-ce vraiment une solution rationnelle de procéder ainsi plutôt que de se remettre en question ?

Voter blanc pour que la politique s'adapte…

Si la reconnaissance du vote blanc peut malgré tout être considérée comme un progrès, l'utilisation de cet outil va une nouvelle fois faire parler de « crise de la représentation » et d'inadéquation entre l'offre et la demande électorale, comme si on pouvait réduire le vote à un marché. On arrive ici à la notion d'électeur rationnel qui ne voterait qu'en fonction de son intérêt propre. Lorsque cet électeur ne trouve aucun intérêt au vote, il votera blanc afin que l'offre politique s'adapte…

Dans un monde complexe, l'offre ne peut pas correspondre à la demande, l'électeur doit donc procéder par élimination. Parallèlement, l'électeur semble demander au politique un langage « de vérité », autrement dit, que le dirigeant lui dise les choses telles qu'elles sont et lui promettent « du sang et des larmes ». On l'a constaté une nouvelle fois lors du précédent scrutin présidentiel, c'est souvent celui qui promet le plus qui gagne. François Hollande ne promettait-il pas le changement pour « maintenant » ?

 Les effets pervers du vote blanc

Jusqu'alors, les français qui ne se retrouvaient pas dans les candidats traditionnels avaient tendance à se réfugier au sein des offres extrêmes ou farfelues. Le panel des candidats et des partis est pourtant très large. Pour ne prendre que la dernière présidentielle, on pouvait facilement trouver un très vaste spectre idéologique alors pourquoi voter blanc ?

Faire croire aux citoyens que le vote blanc a une signification est donc particulièrement démagogique et ne pourra qu'avoir l'effet d'une surenchère de promesses irréalisables. La reconnaissance du vote blanc aura sans doute des effets positifs à très court terme, mais dans un monde où la politique est un marché faussé car l'offre ne peut plus rencontrer parfaitement la demande, cette mesure risque de voir exploser les propositions démagogiques, irréalisables et finalement bien peu conformes à l'idéal démocratique.

Signifier qu'aucun candidat ne convient

Le vote blanc est évidemment un choix supplémentaire pour l'électeur. Il prouve qu'à la différence de l'abstentionniste, la personne qui vote blanc se déplace pour signifier qu'il ne trouve pas de candidat qui lui convienne. Mais dans ce cas-là, que l'on comptabilise ou non ce vote, n'est-il pas le signe d'une frustration, d'une incapacité à choisir ou à éliminer. En son temps, Guy Mollet parlait de choisir au premier tour et d'éliminer au second, le non choix, la non élimination n'était même pas envisagée.

Alors que va donner la comptabilisation des blancs en France ? On peut lire ici et là des tribunes alarmistes annonçant que les blancs vont finir par être majoritaires tant la « crise de la représentation » est importante en France. A l'étranger, les pays comptabilisant le vote blanc ne sont pas très nombreux (en Europe, on comptabilise notamment les Pays-Bas et l'Espagne), mais cette option n'a jamais modifié le cours d'une élection. Par ailleurs, lorsque l'on connait le poids des votes extrêmes, indépendantistes et populistes dans ces pays, on est en droit de se demander à quoi sert ce droit.

 Voter, c'est choisir

Il est de tradition de se dire que dans une démocratie représentative, si le peuple veut un représentant, il ne peut pas ne pas choisir. En France, s'il ne trouve pas chaussure à son pied, il vote pour le moins mauvais mais il doit choisir, ou alors il ne vote pas. Lui offrir le droit de ne pas choisir change la philosophie de nos institutions, mais dire qu'on ne se reconnaît pas dans le choix proposé n'est-il pas aussi le signe d'un échec de l'électeur ?

Si aucun candidat ne lui correspond, peut-être l'électeur aurait-il pu se présenter lui-même, c'est son droit, ou alors concourir à l'expression du suffrage en adhérant à un parti politique pour reprendre l'article 4 de notre constitution.

L'absence de choix n'est donc pas, on l'aura compris, quelque chose qui coule de source dans une démocratie représentative. En France, cette possibilité est loin d'être conforme à l'esprit de nos institutions. Elle montre au mieux une mauvaise information sur l'offre politique, au pire un manque de courage et d'engagement de la part des citoyens.