Vie privée : les Google glass en ligne de mire

A mesure que la liste des fonctionnalités se dévoile, les Google Glass s’annoncent indéniablement comme un objet précurseur et révolutionnaire. Mais les pratiques et usages seront déterminées par l’acceptation sociale de cette innovation. Par Jean-Pascal Mathieu, Directeur de l’Innovation, Nurun

Cela fait 35 ans déjà que l'ingénieur Steve Mann, de l'université de Toronto, s'amuse à créer des prototypes de lunettes informatisées : lunettes de vision nocturne, filtres pour faire apparaître certaines longueurs d'onde, etc. La révolution Google Glass qui se profile, avant même leur sortie, est donc l'aboutissement d'un long processus de maitrise et d'amélioration du principe de réalité augmentée dont nos smartphones sont les premiers avatars. Rendre les choses plus visibles et plus mémorables qu'elles ne le sont naturellement, voilà déjà la vocation de nos compagnons connectés. Avec les lunettes de Google le principe prend une nouvelle dimension en promettant une intermédiation directe entre notre œil et le monde alentour.

 Ne pas négliger la dimension sociale

 Si d'un point de vue strictement fonctionnel, tous les éléments sont donc réunis pour faire des Google Glass le prochain succès grand public du géant américain, il ne faut néanmoins pas négliger la dimension sociale d'un tel objet connecté. D'autres facteurs doivent être pris en compte pour comprendre et anticiper la manière dont un tel outil digital sera utilisé et diffusé, notamment son degré d'acceptation dans l'espace public. Souvenons-nous qu'il nous a fallu quelques années pour nous habituer à croiser dans la rue des gens parlant seuls à leur téléphone via un kit mains libres.

 Un objet déjà clivant ?

 D'emblée, on imagine les problèmes potentiels, comme l'a souligné le journaliste Joshua Topoloski pourtant enthousiasmé par le projet, lorsqu'il s'agira de porter les lunettes au cinéma, au restaurant, lors d'un rendez-vous galant et dans des dizaines d'autres situations de la vie courante. Rien que la possibilité de filmer tout ce que l'on voit sans que nos interlocuteurs ne soient au courant laisse entrevoir les difficultés à venir. Un patron de bar américain s'est même récemment fait connaître en interdisant, à l'avance, les Google Glass dans son établissement.

Au-delà des questions techniques, ce sont de véritables problématiques anthropologiques qui risquent d'être rapidement soulevées : existe-t-il une étiquette, des règles d'usage pour les Google Glass ? Peut-on filmer quelqu'un sans qu'il le sache ? Peut-on demander à quelqu'un de les enlever et doit-on demander la permission pour les mettre ? Il est indéniable que les objets connectés et le digital en général représentent une forme de progrès pour tous. Mais à mesure que s'accélère et se répand ce progrès on observe que le grand public met plus de temps à le « digérer » socialement.

 Affirmer une vision du vivre ensemble

 Même si cela nous parait lointain, ce type de débat a déjà eu lieu au sujet du téléphone portable : des codes de comportement se sont construits au fil du temps, au gré d'ajustements, pour que son usage soit accepté par le plus grand nombre. Il s'agit ici de débats de société plus profonds que de simples discussions sur le dernier gadget de Google.

Chacun affirme sa vision du vivre-ensemble et des codes en vigueur dans l'espace public, à l'heure du digital, jusqu'à ce que des règles implicites et explicites d'usage se mettent en place. A l'inverse, certains outils n'accèdent pas à la pratique collective malgré leurs qualités techniques intrinsèques : on peut penser au véhicule monoplace électrique Segway qui n'a jamais percé auprès du grand public.

Anticiper l'impact social des Google Glass

 L'adoption massive d'un nouveau produit tel que les Google Glass ne se résume alors pas une collection d'usages individuels mais définit plutôt des comportements et des normes sociales globales. Dans le cas des lunettes on observe, avant même leur diffusion, des signes qui montrent que dans sa dimension sociale cet objet est déjà clivant. Il est probable que les « early-adopters » feront l'objet de critiques, voire de rejet, justement parce que la sphère sociale n'a pas encore élaboré de règles d'usage collectives et que ce sont les premiers usagers qui imposent leurs propres normes d'interaction.

On peut donc conseiller à Google de ne pas se concentrer seulement sur l'utilité pratique des Google Glass mais d'intégrer dans sa réflexion cette dimension anthropologique qui in fine oblige à prendre en compte les changement profonds que ce type d'innovation peut amener, dans la société.

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Commentaires 6
à écrit le 20/02/2014 à 9:06
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perso, ce qui me dérange avec ces lunettes c'est pas les technologies qui sont dessus tu retrouve les même sur smartphone, non ce qui me dérange c'est la facilité avec laquelle les informations serons capturées, enregistrées et transmises n'importe o...

à écrit le 20/02/2014 à 8:17
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Celui qui me regarde avec des google glass , je lui fais une tête au carré.

le 16/03/2014 à 23:26
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+1

à écrit le 19/02/2014 à 23:25
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J'ai apprécié votre synthèse ; mon commentaire rejoint celui de Polocan : laissons se faire les détournements d'usage... et s'il n'y en a pas, probable que cela finisse comme le segway, effectivement. Observons toutefois, que dans l'aéronautique civi...

à écrit le 19/02/2014 à 20:57
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Il est d'usage de lancer un outil ou une technologie sur le marchés (ROI) sans préalablement se poser la question de l'étiquette concernant son utilisation. L'email, Internet au bureau, portables, Facebook, etc.sont des outils qui ont été lâchés dans...

à écrit le 19/02/2014 à 17:34
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Tous les gens que je connais et qui ont des lunettes souhaitent pouvoir s'en passer. Rajouter du poids ne va rien arranger à l'inconfort de les porter. Je pense que les chances que ce produit soit un bide sont très fortes, peut être que des gens déjà...

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