L'attractivité exige la confiance

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  1017  mots
Comment convaincre des chefs d'entreprise d'investir dans un pays déprimé? Pourtant, tout n'est pas perdu pour le site France.. si l'on admet que l'attractivité est l'affaire de tous. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à Paris 1 Sorbonne

Bienvenue au pays qui veut vendre du bleu blanc rouge au reste du Monde quand ses habitants, déprimés, s'interrogent sur le sens de leur place dans la globalisation, ne croient plus en l'Europe et s'interpellent sur les contours et le contenu de l'identité nationale ! Entre démocratie de l'incertitude et société du risque, Les enquêtes sociétales le déclarent en continu : à tort ou à raison, la confiance a disparu de l'expérience France.

La longue liste des errements français

Nous vivons dans un pays où le chômage frappe désormais, entre parents et enfants, presque toutes les familles. Un pays où les études supérieures ne garantissent plus le premier emploi, encore moins la réussite économique. Un pays dont le système éducatif dégringole dans tous les classements. Un pays où devenir propriétaire d'un bien immobilier devient sinon une chimère, un privilège. Un pays où un commissariat fut pris d'assaut au prétexte qu'un contrôle de police ayant mal tourné.

Un pays où la taxation sous toutes ses formes atteint une dimension telle que l'on a pu imaginer prélever 75% d'un flux. Un pays où malgré ces taux, la solidarité institutionnelle se réduit chaque jour. Un pays où le cumul en tous genres est le plus développé au monde. Cette liste des errements de l'expérience France pourrait être plus longue ! Elle est pourtant malheureusement vécue par les français et elle observée, en direct, par l'opinion publique mondialisée dans le vaste Monde digitalisé et ses écrans permanents.

Comment s'implanter dans un pays sans confiance?

Quelle entreprise sauf suicidaire ou pire négrière pourrait choisir de s'implanter dans un pays sans confiance en soit, parfois même dépressif, encore moins dans un pays où la jeunesse ne croit plus vraiment en son destin.

Au delà d'une fiscalité ajustée, des aides ciblées, de l'accompagnement customisé, des simplifications, du Made In, de la Marque France, … autant d'éléments nécessaires certes mais qui participent d'une recette déjà très, trop classique qui s'inscrit dans toutes les stratégies d'attractivité menées par les territoires à travers la planète, si je choisis la France c'est qu'entreprise ou individu, je dois croire que je vais prospérer, que mes enfants ou ceux de mes collaborateurs seront bien éduqués, que ma famille et que mes intérêts seront en sécurité, que je serai partie prenante d'un territoire ambitieux se situant au cœur des enjeux de la planète, à la puissance à la fois forte et douce, d'un territoire en mouvement hôte des plus grands événements qu'ils soient sportifs, culturels …

Entrer dans la bataille pour l'audience globale

Bref, très au delà des boîtes à outils du marketing territorial, il nous faut entrer plus en force dans la bataille qui fait rage pour l'audience globale. Les populations de ce Monde nouveau doivent être impactés positivement par une narration française qui n'est plus assez audible. Ils doivent entrer dans notre histoire comme happés par le mouvement permanent de nos actions. Une saga France vivante et ambitieuse doit être proposée et nous prendre par la main en temps réel. Quelle est le message de la France aujourd'hui ? Quel est le rôle de la France dans le Monde ? C'est quoi l'expérience France ? Qu'est-ce que la France va changer à votre vie ? … On ne peut plus seulement s'appuyer sur une mémoire, même nostalgique. L'écriture doit se faire dans un présent 2.0 devenu permanent.

Tout n'est pas perdu...

Il nous reste des atouts encore considérables ! Menée par le très sérieux et non moins trendy magazine international MONOCLE, une enquête classe, en 2013, la France, quatrième « puissance douce » ! Non contente de participer à la bataille de la puissance dure, celle de la crainte ou de la contrainte, réjouissons-nous peuple "râleur", "champion du monde du pessimisme » : à l'étranger il semble que le Mythe France est bien vivant.

Profitons-en ! Il faut créer d'abord et raconter ensuite l'histoire d'une France qui fait rêver, qui peut attirer les regards, les envies, les talents et l'argent, qui gagne et qui peut faire gagner ! C'est essentiel, en particulier pour notre conversation avec les jeunes générations de l'opinion publique mondialisée qui ont peu de d'affection, de connaissance, voire même d'intérêt pour notre pays. Ils sont pour certains les enfants des acteurs de l'investissement et de la décision des pays qui peuvent vouloir miser sur la France. Tous ils vont faire le Monde de demain. Ils sont disponibles pour notre propre narration mais ils doivent être impactés par une « smart diplomacy », une stratégie intégrant et scénarisant sport, culture, médias, industrie, éducation, langue, … politique, public et privé.

Un engagement de tous

« Brand France » doit être une démarche holistique et portée par tous. Il faut que les citoyens français y croient, bien sur. Mais pas seuls ! Politiques, entrepreneurs, artistes, universitaires, sportifs doivent s'engager … oui la Marseillaise et les couleurs de notre drapeau font partie de l'attractivité de la France. Regardons ce que font les autres, jeunes pays ou pays historiques de leurs symboles identitaires, et nous en serons convaincus !

Mais comme lorsque l'on veut que les Français achètent français, si l'on veut qu'argent, activités et talents se localisent en France, il faut qu'une équipe de France se constitue au cœur de l'Europe. Une équipe qui fédère les entreprises, les politiques, l'administration et les citoyens autour d'un contrat de confiance où chacun s'engage mais sait qu'il percevra les dividendes de son engagement. Et peut-être alors que nous pourrons croire Walt Whitman en affirmant « que le prodigieux spectacle continue et que tu peux y apporter ta rime ». Et que même la France pourra apporter la sienne !

 

Jean Christophe Gallien

Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Président de j c g a

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals