Et si on se passionnait pour les élections européennes ?

Par Mathilde Bonvillain-Serrault  |   |  774  mots
L'abstention s'annonce massive aux élections européennes. Pourtant, l'attente est forte, de la part de l'Europe. Et l'enjeu de la désignation du parlement européen n'est pas mince. Par Mathilde Bonvillain-Serrault, Directeur d’Euralia.

En mai 2012, plus de 80% des Français inscrits sur les listes électorales se prononçaient lors du scrutin présidentiel. En septembre 2013, ce sont plus de 72% des Allemands qui se rendaient aux urnes lors des élections fédérales. En mai 2014, pourtant, les Européens risquent une nouvelle fois de faire mentir cet intérêt pour la chose publique, en étant une très forte minorité à se déplacer pour ce scrutin. Et si l'on faisait mentir ce scénario catastrophe annoncé ?

Un problème de lisibilité….

 Les explications de ce désamour sont de différents ordres. En premier lieu, un évident problème de lisibilité de l'action européenne, que les institutions européennes ne contribuent pas à clarifier, si l'on en juge par la véritable inflation politique et réglementaire, sur des sujets très secondaires qui empêchent de valoriser un bilan pourtant non négligeable.

Une raison connexe est liée au fonctionnement même de l'Union européenne, dont les règles du jeu à 28 privilégient la recherche du consensus à tout prix, au détriment, trop souvent de l'adoption de textes plus ambitieux, et parfois la sensation de rester sur sa faim…

Les électeurs attendent une action plus forte de l'Europe… mais ne vont pas voter

Une autre explication est assez paradoxale, dans la mesure où elle témoigne d'une certaine schizophrénie de la part des Européens et peut-être encore plus des Français. D'une part, les enquêtes d'opinion[1] montrent une attente assez impatiente de leur part pour une action européenne sur des domaines où l'UE n'est pourtant pas compétente (social, fiscalité pour les plus importants) - attente en conséquence forcément déçue - alors que dans le même temps, ils ne se déplacent pas, ou peu, lors des scrutins européens, témoignant ainsi d'un manque d'intérêt pour la chose européenne…

La responsabilité des politiques, notamment français

Enfin, comment ne pas parler de ce désamour sans pointer du doigt la (lourde) responsabilité des leaders politiques, notamment français? En accusant systématiquement « Bruxelles » de maux pourtant nationaux, ou bien de décisions qu'ils ont pourtant conjointement prises dans le cadre du processus décisionnel européen, en contribuant à maintenir le doute quant à l'intérêt de l'existence même de l'UE, en nommant comme têtes de liste aux Européennes des déçus de la scène politique nationale sans intérêt particulier pour les affaires européennes…. Tout cela alimente au mieux une certaine désillusion, au pire les poussées populistes et nationalistes.

 Quelle Europe voulez-vous?

Le débat aujourd'hui n'est pourtant plus celui de l'intérêt de l'existence, ou non de l'UE, mais bien le suivant : quelle Europe voulons-nous ? Quelle Europe voulez-vous ? Et c'est véritablement cette question qui permettra de passionner les Européens et donc de les mobiliser dans le cadre de la campagne et dans les urnes. Du 22 au 25 mai, c'est la ligne politique de l'UE pour les cinq années à venir qui se décident.

 Ancrer la légitimité démocratique de l'Union européenne

Parce que la couleur politique du nouveau Parlement européen sera déterminante pour la nomination du futur Président de la Commission européenne. Parce que les cinq années à venir s'annoncent cruciales pour l'UE, dans un concert mondial des nations en profonde mutation, à tous points de vue : politique, économique, énergétique, environnemental, social, industriel, notamment. Parce que les élections européennes constituent l'opportunité de confier un mandat politique aux institutions européennes sur tous ces sujets.

Parce que 60 à 70% de la législation française découlent directement ou indirectement de la législation européenne et que voter lors des élections européennes, c'est connecter cet échelon décisionnel majeur à nos réalités de tous les jours. Parce que le projet européen, quel qu'il soit, mérite qu'un maximum d'Européens contribuent, par leur vote, à son élaboration. Parce que seule une forte participation aux élections permettra d'ancrer de façon incontestable la légitimité démocratique de l'UE - réelle aujourd'hui mais qui souffre d'un manque de reconnaissance - dans la mesure où les objectifs auront été fixés de façon conjointe.

 Parce qu'en dépit du désamour parfois légitime, les réalisations de l'UE depuis plus de 50 ans méritent que l'on dépasse le pessimisme ambiant, en se projetant dans les cinq années à venir…

 

 

Mathilde Bonvillain-Serrault

Directeur, Euralia Bruxelles

 

 

[1] « L'opinion publique européenne : en finir avec le pessimisme ? » - Etude de la Fondation Robert Schuman