France : l’ardente nécessité d’une fierté industrielle

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  598  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, l’ardente nécessité d’une fierté industrielle française.

Le gouvernement affirme de plus en plus clairement sa mobilisation en faveur d'une relance de la production. Il multiplie les dispositifs (pactes de compétitivité, pacte de responsabilité, les plans de reconquête industrielle, les actions en faveur de l'attractivité etc.).

Mais cette inflation des moyens et des instruments bute au mieux sur l'indifférence, au pire sur le défaitisme collectif.

Et on le sent bien. Le discours sur le rebond productif est en mal d'objectifs mobilisateurs que chaque concitoyen pourrait s'approprier simplement. Ce souffle, longtemps la politique industriel l'a trouvé dans quelques grands projets bien indentifiables, sur lesquels se bâtissait une fierté collective. Longtemps cette fierté s'est incarnée dans nos grands groupes, nos fameux « champions ».

Et derrière ces champions, il y avait des produits fortement symboliques, marqueurs de notre rattrapage sur les Etats-Unis. Ariane dans l'aéronautique, Airbus dans l'aviation, le TGV dans le ferroviaire. Quelques produits phares bien tangibles, qui symbolisaient à eux seuls notre reconquête d'après-guerre. Des objets dont la population pouvait s'emparer simplement. 

Ces champions sont certes toujours là. Leur déploiement international demeure un élément clé de puissance. La France est certes une économie intermédiaire. Mais elle compte encore 31 groupes dans les 500 premiers mondiaux. En quatrième position derrière les Etats-Unis, la Chine et le Japon, elle devance toujours l'Allemagne et le Royaume Uni. Et huit de ses champions font encore partie du top 100.

Pourtant, l'étendard des champions et des grands projets colbertistes n'a plus la même portée symbolique que par le passé.

D'abord parce que les géants de la production ont pris le large et mènent des stratégies de moins en moins liées aux intérêts nationaux. Leur ancrage territorial s'affaiblit. Leur emploi stagne sur le territoire, tandis que tout leur développement s'effectue offshore. Cet étendard n'a plus la même portée également, parce que nos grands groupes incarnent des secteurs matures sur lesquels  les pays émergents montent en puissance.

Or l'enjeu  n'est plus celui du rattrapage mais bien celui de la création de nouveaux produits, de nouveaux usages. Il est aussi dans la maîtrise des grandes plateformes d'information (de type Amazon ou google) qui placent en sous-traitance  tout le reste du système productif.

Ces nouveaux sur-traitants qui captent une part croissante de la valeur, sans payer d'impôt, sans participer à l'effort d'investissement collectif.  Il est dans la constitution de clusters de taille mondiale, lieux d'agglomération du savoir et des compétences. Il est dans un foisonnement entrepreneurial qui fait germer les innovations.

Face à une innovation diffuse, où la taille n'est plus toujours le nerf de la guerre, la politique industrielle peine à trouver ses symboles. En quête de grands projets, elle se noie dans les projets. Or la mobilisation naîtra du dépoussiérage de notre discours autour d'objectifs crédibles susceptibles de créer une fierté.

Faut-il focaliser davantage notre attention sur la puissance de nos métropoles qui font de notre territoire un « hub technologique » de rang mondial ? Qui connaît aujourd'hui par exemple la puissance de feu de Paris Saclay. Faut-il mieux valoriser ce qui fait la force de la marque France, une alliance d'ingéniosité, d'esthétique, de créativité. Nous ne disposons pas d'une réponse à ce stade.

Mais ce travail sur les objectifs et sur les mots est tout sauf superficiel. Produire du sens, est probablement ce qui manque le plus à la politique industrielle aujourd'hui.

 

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