Pourquoi le prochain gagnant de l'Euro Millions pourrait rester en France

Par Philippe Baillot  |   |  684  mots
Avec le nouveau système de plafonnement, les riches rentiers, tels ceux qui placent un gain à l'Euro Million en assurance vie, peuvent s'exonérer de tout impôt sur le revenu et ISF. A quand un tel privilège pour les actifs? Par Philippe Baillot, Professeur-Associé à Paris II, directeur d'un Département de Banque Privée

 « Faisons un rêve ». Vous venez de percevoir un gain de 100 millions d'euros. La « tentation de Bruxelles » est naturelle, presque un must. Les derniers vœux présidentiels et, plus encore, deux récentes décisions de notre Conseil constitutionnel, vous offrent une heureuse alternative, aisée à illustrer.

Ainsi pourriez-vous acquérir, à prix cassé, au regard du déséquilibre actuel du marché de l'immobilier de luxe, un hôtel particulier Villa Montmorency à Paris pour 10 millions d'euros. Vous partagerez « le reste de votre âge » entre une bastide dans le Midi et un chalet à Val d'Isère achetés 5 millions d'euros chacun. Naturellement, cet immobilier d'usage ne génèrera aucun revenu.

Le choix de plusieurs contrats d'assurance vie, investis surtout en actions

Quant au reste de votre gain, votre banquier privé ne saurait manquer de vous conseiller de l'investir en assurance vie. Sa pertinence découlera de l'allocation d'actifs suggérée, exempte, par suite de votre horizon de placement, de tout fonds en euros au rendement réel de plus en plus symbolique. Elle s'observera surtout à la suggestion de souscrire non un contrat unique mais quatre-vingts, en parallèle, aux logiques financières pures (actions américaines, émergentes, obligations corporate italiennes…).

Au terme d'une première année, votre patrimoine se sera normalement accru, dans un monde globalisé en croissance... Pour autant, une des quatre-vingts « lignes » souscrites ne saurait manquer d'être perdante. Il vous reviendra alors de racheter le contrat exempt de tout gain pour financer votre train de vie annuel, par hypothèse d'un million d'euros, tant le temps libre s'avère dispendieux.

 Le nouveau système de plafonnement, digne successeur du bouclier fiscal Sarkozy

Par suite, vous n'aurez guère à vous inquiéter du poids des prélèvements exigibles sur le « Commun ». En effet, votre Conseil vous aura assuré d'une optimisation du « plafonnement », digne successeur d'un « bouclier fiscal » tant décrié en son temps.

L'équation de ce « plafonnement » est fort simple à appréhender. La sommation de votre impôt sur le revenu, des contributions sociales et de l'ISF, ne saurait dépasser 75 % de vos revenus. Or, par hypothèse, le rachat d'un contrat d'assurance vie, exempt de toute « plus-value » (dénommée « produit » en l'occurrence), ne génère aucune assiette d'imposition, tant au titre de l'impôt sur le revenu que des contributions sociales. Quant à votre ISF, il ne saurait dépasser 75 % de vos revenus. Ainsi en l'absence de tout revenu, s'élèvera-t-il à zéro !...

Seuls subsistent les impôt locaux et la TVA sur les dépenses

Certes, il vous restera à régler vos impôts locaux… et la TVA sur vos dépenses, votre légitime contribution à « l'entretien de la force publique et (aux) dépenses d'administration » aux termes de notre Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen.

D'un naturel inquiet, vous pourriez alors faire vôtre un des fameux aphorismes d'Henry Kissinger : « Même les paranoïaques ont des ennemis ». Pour calmer votre légitime inquiétude, votre Banquier Privé pourra alors vous rapporter le vœu présidentiel d'une baisse des impôts et, plus sûrement encore, deux récentes décisions du Conseil constitutionnel posant, avec une rare force, qu'en l'absence de sa perception, la valorisation d'un capital - au demeurant toujours temporaire et donc incertaine - ne saurait être qualifiée de revenu, au sens du « plafonnement ».

La fiscalité patrimoniale française, un charme incomparable pour les heureux gagnants du Loto

Naturellement, le patrimoine ne protège pas encore de la mort. Ainsi pourriez-vous appréhender la ponction promise à vos héritiers. À cet égard, l'assurance vie constitue comme un « bouclier » limitant, en l'état, les prélèvements exigibles à 31,25 % des capitaux transmis.

Tout à votre joie, vous ignorerez le prélèvement de plus de 30 %, effectué en amont, sur la collectivité des joueurs. Cette inconscience constituant le premier avantage et danger de la fiscalité indirecte. Ainsi la fiscalité patrimoniale française offre-t-elle un charme incomparable aux heureux gagnants du Loto. Avec la baisse promise de la dépense publique, elle ne saurait tarder de l'assurer aussi aux Actifs…