Pourquoi les hommes politiques ont intérêt à montrer l'exemple

Des expériences montrent un changement de comportement des individus selon l'évocation de tel ou tel homme politique, plus ou moins honnête. Par Jérémy Celse, Professeur Associé, Groupe Ecole Supérieure de Commerce Dijon-Bourgogne

Les députés avaient jusqu'au 1er février 2014 pour déposer leur déclaration de patrimoine auprès de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique. Cette procédure, imposée depuis l'affaire Cahuzac et soutenue par le Président de la République, a fait grincer les dents de certains députés qui ne se sont pas soumis de bon cœur à l'exercice.

 Une loi inquisitoire?

Alors que l'objectif de la loi est de renforcer la transparence des élus et d'éviter l'enrichissement personnel, un grand nombre de députés de tous bords se plaignent de la lourdeur bureaucratique de la procédure pendant que d'autres soulignent le caractère inquisitoire de la loi. Certains sont cependant moins critiques, comme le co-président du groupe écologiste François de Rugy, qui considère cette procédure comme un devoir envers les concitoyens Français.

 Une image désastreuse des politiques

Publiée à la mi-janvier, la cinquième vague du Baromètre de la confiance politique du Cevipof ne fait que souligner l'importance d'une telle mesure. Ses conclusions sont alarmantes : 87% des Français ne croient plus aux hommes politiques. L'image que nos concitoyens se font de leurs représentants politiques est désastreuse. La loi de transparence politique prend alors tout son intérêt pour redessiner cette image des politiques et les rapprocher des Français.

Cet exemple illustre bien une réalité : si l'on considère souvent qu'il prévaut de juger les hommes politiques sur leurs actions et leurs résultats plutôt que sur leur image, il s'avère en fait que cette question est bien plus cruciale qu'il n'y paraît au premier abord, tant les répercussions sont importantes dans le comportement de chacun d'entre nous.

 Association mentale et comportement

 Des recherches en sciences comportementales ont mis en évidence le principe de l'amorçage, technique utilisée pour mesurer les attitudes des individus et expliquant comment l'activation d'une représentation mentale interne peut influencer, dans une période et dans un contexte différent, notre manière de traiter l'information, de percevoir et d'agir.

Une expérience a par exemple montré comment notre perception, et plus particulièrement notre représentation mentale des personnes âgées modulaient inconsciemment notre comportement : quand nous imaginons une personne âgée, nous l'associons à toutes sortes de valeurs et notions dont la lenteur.

Au cours de cette expérience, des participants se sont vu présenter des mots avec l'objectif de former des phrases. Pour certains participants, et sans qu'ils n'en prennent conscience, les phrases étaient toutes en relation avec les personnes âgées. Pour les autres, les phrases étaient neutres. Une fois cette tâche finie, les chercheurs ont mesuré, à l'insu du participant, le temps pris par ce dernier pour quitter le laboratoire. Résultat ? Les participants ayant dû compléter des phrases liées aux personnes âgées ont pris plus de temps pour quitter le laboratoire que les autres.

Ainsi, en amorçant l'image des personnes âgées, les participants marchent ensuite moins vite. Des études sur le sujet montrent qu'en amorçant l'identité de criminels cela renforce leurs comportements criminels. D'autres montrent que l'amorçage de l'identité professionnelle des banquiers incite ces derniers à entreprendre des comportements frauduleux.

 La représentation mentale des politiques conditionne notre comportement

Pour les hommes politiques également, leur représentation mentale conditionne notre comportement quotidien. Si l'on demande à la moitié d'un groupe d'individus de décrire un homme politique français et à l'autre moitié un homme quelconque, puis qu'on les fait participer à une expérience dont le but est d'identifier les comportements malhonnêtes (comme le mensonge), il ressort que le groupe d'individus à qui on a demandé de décrire un homme politique ment significativement plus que l'autre.

 Hollande « moins malhonnête » que Sarkozy

 Nous attribuons donc à nos politiciens des traits malhonnêtes et cette attribution mentale nous pousse inconsciemment à entreprendre également des comportements malhonnêtes. Une question demeure : l'influence des hommes politiques sur les comportements malhonnêtes des individus est-elle différente en fonction du candidat politique ?

Un chercheur français a récemment conduit une étude sur plusieurs années pour comparer l'influence des deux derniers Présidents de la République sur les comportements mensongers des individus. Pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, un groupe de participants fut convoqué. On leur demanda de décrire Nicolas Sarkozy puis de participer à une expérience sur le mensonge. La même procédure fut appliquée pendant le quinquennat de François Hollande.

Il en résulte que les comportements malhonnêtes sont étroitement liés à la personne décrite précédemment. En effet, les participants à qui on a demandé de décrire Nicolas Sarkozy ont davantage menti que ceux à qui on a demandé de décrire François Hollande. Plus précisément, le rappel des représentations mentales associées à François Hollande augmente les comportements malhonnêtes de 12,71% tandis que le rappel de celles associées à Nicolas Sarkozy augmente les comportements malhonnêtes de 37,29%.

 L'importance de l'image des politiques

Un amorçage de Nicolas Sarkozy renforce ainsi les comportements malhonnêtes des Français plus fortement qu'un amorçage de François Hollande. En clair : penser à Nicolas Sarkozy nous pousse davantage à mentir que de penser à François Hollande ! Penser à un candidat en politique incite donc les français à mentir, plus ou moins selon l'identité de la personnalité en question. Ce résultat peut faire sourire mais il souligne l'importance de l'image véhiculée par nos hommes politiques et donc la nécessité pour ces derniers de prendre soin de leur image en modifiant leur comportement.

Car si les représentations mentales que les français ont de leurs représentants politiques incitent ces derniers à mentir, d'autres effets aux conséquences économiques plus néfastes peuvent être envisagées, comme par exemple la fraude à l'impôt ou aux assurances…

 

Jérémy Celse, Professeur Associé en Comportements Organisationnels au Groupe ESC Dijon-Bourgogne

 Références :

 Bargh, J. A., Chen, M. and Burrows, L. (1996). Automaticity of social behavior: direct effects of trait construct and stereotype-activation on action, Journal of Personality and Social Psychology, Vol. 71, pp. 230-244.

Cohn, A., Maréchal, M. and Noll, T. (2013). Bad Boys: How Criminal Identity affects Rule Violation, Working Paper, October 2013.

Cohn, A. Fehr, E. Maréchal, M. (2013). A Culture of Cheating? Honesty and Business Culture in the Banking Industry, Working Paper, Paper Presented at Workshop "Understanding employees' dishonest behaviours in the workplace.

Celse, J. (2014). Political priming and dishonest behaviours: when politics increase tendency to lie, Cahiers du CEREN, 2014.

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Commentaires 12
à écrit le 13/03/2014 à 12:49
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Si Asselineau n'est pas élu , et sachant que c'est le seul à se trouver au-dessus de ces notables incompétents et corrompus , sans doute faudra-t-il décréter l'état d'anarchie...

le 13/03/2014 à 13:59
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Qui est -l? pourquoi n'en entend t on pas parler sauf ici ? rien à la télé...pourquoi ne tente t-il rien?c'est presque de l'anonymat...Les médias l'interdisent?.......pardonnez ma méconnaissance

le 14/03/2014 à 8:24
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@ hangai Kid Il y a beaucoup d'activités , réunions , conférences , comptes rendus. Le mouvement ne cesse de grossir. Tapez simplement : le blog de François Asselineau. Bienvenue au Club !!!

à écrit le 13/03/2014 à 10:51
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Exemplaire doit être également la campagne préélectorale ; notamment lorsque en 2011-2012, notre équipe dirigeante, faisant face à une crise sévère, et concentrée sur les mesures d'intérêt public urgentes, n'a pas répondu aux attaques multiples et sc...

à écrit le 13/03/2014 à 9:31
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la question n'est pas de savoir si ils sont honnêtes ou malhonnêtes, moi je veux des résultats. Cela fait 40 ans que l'on dégringole dans le médiocre. Le reste c'est du détail

le 13/03/2014 à 9:42
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Ils sont tous d'accord pour continuer à distribuer le produit de votre travail à ceux qui (comme moi) ne font rien...

le 13/03/2014 à 12:42
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@ Vous ne payez pas assez Nous allons donc vous exporter sur une ile déserte , ainsi , vous ne pourrez plus causer davantage de tort.

à écrit le 13/03/2014 à 9:02
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Il serait intéressant de connaitre les dates exactes auxquelles ont été effectués ces tests, un par un.

à écrit le 13/03/2014 à 9:00
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Il y a quelque chose de vicieux ici, car en moins de deux ans le quinquennat Hollande a cumulé plus de mensonges (avec Cahuzac et Taubira) que pendant tout le quinquennat précédent !

le 13/03/2014 à 10:58
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Édifiant. L'important n'est même plus l’honnêteté avérée d'un politique, mais l'image que l'on en a. On comprend bien le message en filigrane : mieux vaut voter Hollande qui est peut-être un véreux fini mais qui a réussi à se forger une image positiv...

le 13/03/2014 à 11:16
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Cette étude semble tout de même très orientée. Après 7 ans de Sarkozy bashing, on nous explique que son image en a pâti et qu'en conséquence il ne faudrait pas revoter pour lui car cela conforterait les comportements malhonnêtes. Rappelons qu'en dépi...

le 13/03/2014 à 12:44
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@ Iliade et hermes @ Je vous convie à vous instruire en regardant ce que signifie gouverner , dans un dictionnaire très facile d'accès. Le collège suffira.

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