La BCE en retard d’une guerre monétaire

La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la BCE en retard d’une guerre monétaire.
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi/ DR

Dans l'escalade monétaire où chacun cherche à restaurer ses marchés et à reporter sa déflation sur le dos des autres, l'Europe pourrait bien être le dindon de la farce.

Récemment, la Banque d'Angleterre a ainsi mis la sous-utilisation des capacités de production comme critère clé d'orientation de sa politique monétaire. De même dans une économie américaine en pleine accélération, la FED hésite encore à freiner trop brutalement sa politique d'hyper liquidité.

Et que voit-on du côté européen ?

Un semblant de préoccupation de la BCE pour la déflation qui menace, un espoir de baisse infime du taux directeur. Mais pendant ce temps, elle éponge en silence et depuis plus d'un an les liquidités qu'elle avait émises au pic de la crise.

Le contraste avec l'évolution du bilan de la FED est aujourd'hui saisissant et en dit long sur les préoccupations des argentiers européens pour l'économie réelle. BoE anglaise, Fed américaine, mais aussi BoJ japonaise jouent la même partition. Il y a un an le nouveau gouvernement conservateur japonais a décidé d'en finir avec le yen fort. En annonçant son intention de doubler la quantité de monnaie en circulation d'ici la fin 2014, il a lourdement pesé sur le cours du yen.

Conséquence, la devise japonaise a dévissé face à l'euro de près de 30% entre septembre 2012 et janvier 2014. Des grandes monnaies internationales, seul l'euro s'accroche encore à l'orthodoxie monétaire.

Une orthodoxie qui a un coût

Depuis l'entrée de la Chine dans l'OMC et la création de l'euro, le yuan s'est réévalué de près de 37% par rapport au dollar, et de 7% environ par rapport à la livre. Pour les Anglo-Saxons, ce n'est pas encore assez.

Mais que dire de l'évolution de la devise chinoise, vis-à-vis de l'euro : En 12 ans, le yuan s'est dévalué de 11% environ. Cette passivité de la BCE se lit finalement dans l'évolution du taux de change réel effectif, celui qui prend en compte la structure des échanges et de l'inflation : depuis juillet 2012, il a augmenté de 10,2%. Pour les pays du Sud c'est un obstacle de plus à surmonter : tous les sacrifices consentis en matière salariale pour retrouver de la compétitivité se dissolvent dans la hausse du change.

Or leur remontée tient en partie à l'embellie des exportations extra-européennes. Mais même pour les industriels allemands la force de l'euro devient peu à peu handicapante. Surtout, que ce sont leurs principaux concurrents sur les marchés internationaux, les Japonais, qui tirent le plus grand profit des évolutions de change.

Et ce qui est rare pour les exportateurs allemands, cela les a déjà conduits à serrer leurs prix : C'est le sens qu'il faut donner à l'orientation prise par le déflateur des exportations au cours des derniers mois.

Dans ce nouvel épisode de la guerre monétaire qui s'amorce, la stratégie de l'euro fort ne correspond plus autant aux intérêts allemands. C'est une source d'espoir, car une chose est sûre, elle est mortifère pour les pays du Sud comme pour la France.

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Commentaire 1
à écrit le 20/03/2014 à 9:35
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C'est vrai que les épargnants et retraités ruinés par l'inflation pourront se féliciter de la guerre monétaire menée par la FED ou la BOJ... Ce que notre ami Mirlicourtois ne comprend pas, c'est que l'inflation profitera à ceux qui détiennent des ac...

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