Municipales : de nombreux fonctionnaires interdits de candidature

Par Christian Naux et Raphaëlle Vautier  |   |  857  mots
Le code électoral a été modifié récemment, empêchant nombre de fonctionnaires locaux de se présenter aux municipales. Une restriction très significative. Par Christian Naux, Avocat Associé, et Raphaëlle Vautier, avocat, Cabinet Cornet Vincent Ségurel, Département Droit Public

 L'échéance du prochain scrutin local arrivant à grands pas, il n'est pas sans intérêt de rappeler les conditions que doit remplir tout candidat afin de pouvoir se présenter légalement aux prochaines élections municipales.

Est éligible au conseil municipal tout citoyen susceptible de justifier d'une attache suffisante avec la commune, c'est-à-dire soit justifier d'en être électeur ou d'être inscrit au rôle des contributions directes de la commune.

De plus, pour être candidat, encore faut-il que la personne revête la nationalité française ou celle d'un des Etats-membres de l'Union Européenne, avoir 18 ans révolus au jour de l'élection, jouir de ses droits civils et politiques, n'être dans aucun des cas d'incapacité prévus par la loi et avoir rempli l'obligation de recensement et de participation à la journée participation défense et citoyenneté. Mais, ces conditions ne s'appliquent pas aux députés et sénateurs qui sont éligibles dans toutes les communes du département où ils ont été candidats (article L.229 du code électoral).

Des cas d'incompatiblité...

Outre ces conditions « classiques », le Code électoral prévoit des cas d'incompatibilité propres au scrutin municipal (exemple : un emploi salarié au sein du centre communal d'action sociale de la commune est incompatible avec l'exercice d'un mandat municipal). Toutefois, de telles conditions n'empêchent pas l'élection, mais elles imposent a posteriori un choix à l'élu entre son mandat local et la conservation de son emploi.

... et d'inéligibilité

Ce qui n'est pas le cas des conditions inéligibilité, conditions qui empêchent la présentation de toute candidature sur une liste électorale, telles que l'inéligibilité des agents salariés communaux, des magistrats ou encore des officiers de l'armée aux élections locales.

Mais, à l'heure du dépôt des déclarations de liste en Préfecture, beaucoup de candidats ont pris connaissance, avec surprise ou incompréhension et, même parfois avec amertume, du renforcement du régime d'inéligibilité en raison de l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'article L.231 8° du code électoral issues de la loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires.

Les modifications des conditions d'inéligibilité concernent aussi bien les membres des cabinets des exécutifs locaux que les fonctionnaires assurant des postes de direction au sein d'une administration territoriale.

 De nouvelles règles d'inéligibilité pas vraiment plus strictes pour les membres d'un cabinet...

 L'inéligibilité des membres d'un cabinet d'un exécutif local n'est désormais plus limitée à la fonction de « directeur de cabinet », puisqu'elle s'étend aux fonctions de «  directeur-adjoint de cabinet » et de « chef de cabinet » (à noter que la notion de « chef de cabinet » est utilisée dans de nombreuses collectivités en lieu et place de « directeur de cabinet »).

Mais, même en occupant de tels postes, les membres du cabinet resteront éligibles dès lors qu'ils ne disposent pas d'une délégation de signature de la part de l'exécutif local, condition cumulative introduite par la réforme.

En conséquence, le prétendu renforcement des conditions d'inéligibilité au niveau des membres de cabinet est, à notre sens, un trompe-l'œil : la modification introduite permet, désormais, à des directeurs de cabinet de pouvoir se présenter aux élections locales, dès lors qu'ils ne disposent pas d'une délégation de signature de l'exécutif local, et il arrive souvent que tel soit effectivement le cas, et encore plus souvent le cas pour les directeurs-adjoints de cabinet.

... mais plus contraignantes pour les fonctionnaires

En revanche, il semble que les Parlementaires ont réellement souhaité « systématiser » les conditions d'inéligibilité à toutes personnes exerçant des fonctions importantes au sein d'une administration publique locale (autre que dans la commune concernée), fonctions de nature à pouvoir influencer le scrutin local.

Ainsi, avant la réforme, toute personne exerçant une des fonctions importantes visées à l'article L.231 8° (directeur général, directeur général adjoint, directeur, directeur adjoint ou chef de service) au sein du conseil régional, départemental ou d'un établissement public de coopération intercommunale dans le ressort de la commune ne pouvait se présenter aux élections municipales.

Désormais, les établissements publics locaux, soit les établissements publics rattachés au conseil départemental, au conseil régional ou encore à un établissement public intercommunal (EPCI) à fiscalité propre (il s'agit d'une structure administrative composée de plusieurs communes qui dispose du droit de prélever l'impôt) , tels que les établissements publics fonciers départementaux, les comités régionaux de tourisme, les OPHLM locaux ou encore les Etablissements Publics Sanitaires et Sociaux Départementaux, ont été inclus dans le cadre du nouveau dispositif.

Cet ajout n'est pas sans augmenter considérablement le nombre de fonctionnaires ne pouvant dès lors plus se présenter aux élections municipales. En définitif, cette modification législative, introduite moins d'un an avant le scrutin local, n'est pas sans constituer une nouvelle exception à la règle démocratique selon laquelle tout électeur doit pouvoir se présenter aux élections de ses représentants…