Le cri silencieux des Français

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  535  mots
L’élection municipale n'est plus le scrutin préféré des Français -avec la présidentielle. Les Français voient les gouvernants, y compris locaux, comme perdus, sans vision, sans repères. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à Paris 1 la Sorbonne

François Hollande est bien le Président d'une France en tranchée. Hier, les Français ont à nouveau oublié les urnes. Et si l'on ajoute les citoyens non inscrits et les « exprimés » blanc ou nuls non comptabilisés, voilà presqu'une moitié de France silencieuse qui a tourné le dos à l'offre politique municipale proposée par les différents mouvements qu'ils soient de gouvernement ou non. A nouveau le Peuple fait comme sécession !

Si la défaite politique est bien celle du Parti Socialiste, de sa majorité et de son exécutif au pouvoir, après celle des régionales en 2010, il s'agit avant tout la défaite de la démocratie locale. Une échec qui annonce le prochain : celui de la démocratie européenne en mai prochain.

Exit donc l'ex élection préférée des français avec les présidentielles. L'échelon de la proximité vient de céder à son tour. 1977 et 1983 avec respectivement 78,9% et 78,4% de participation paraissent bien lointaines.

Un mou spectacle politique

C'est vrai que nous avons subi une campagne courte, comme délaissée dans la crainte d'en découdre véritablement avec le peuple français. Mais au delà d'un mou spectacle politique municipal et national, accouchant de combats anorexiques -Paris Lyon Marseille y compris !-, au delà des errements d'une vie politique devenue presqu'exclusivement judiciaire par empilement continu des affaires, au delà du rejet de l'exécutif en place, il faut chercher plus loin des pistes d'explication de ce nouvel abandon des urnes.

Les politiques perdus face à la mondialisation

Ce triste feuilleton est vécu par une population française à la dérive, ballotée par la crise et qui ne parvient pas à voir le bout d'un tunnel bien sombre. Partout domine l'expérience concrète ou ressentie d'une insécurité qui désormais touche toutes les zones de la vie personnelle et de l'expérience collective. Mutations citoyennes, épreuves sociales et inquiétudes identitaires, il y a la compréhension progressive que les politiques, les gouvernants, y compris locaux, sont perdus, qu'il sont eux-mêmes sans repères, sans vision, pire, sans pouvoir face aux fruits amers d'une mondialisation qui s'invite chaque jour d'avantage dans les territoires. L'avenir, sans défense, s'obscurcit encore.

Une migration citoyenne, dont l'abstention n'est qu'un des visages

Se confirme donc une profonde crise démocratique. Alors qu'ils aiment la politique, les Français s'éloignent des partis, de leurs appareils, parfois de leurs leaders et désormais des gouvernements municipaux.

Notre pays hurle, le plus souvent, mais de moins en moins, en silence. Comme avec les Bonnets Rouges bretons, des mouvements alternatifs naissent et se déploient, des pans entiers de notre société s'éloignent du contexte de représentation républicain des partis, Front National compris. L'abstention politique et électorale n'est qu'un des visages de cette migration citoyenne. Un divorce profond et plus large s'est installé entre la république des citoyens et celle des élites quelles qu'elles soient. Dans l'attente des résultats du second tour de ces municipales, la première certitude c'est que la crise de confiance est intense et que nous sommes au bord d'un précipice. La rupture se rapproche encore.