Concentrer les allégements de charges sur les bas salaires : une erreur stratégique

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  617  mots
Alors que l'économie française souffre d'abord d'un problème de compétitivité, à quoi sert d'encourager la création d'emplois peu qualfiés dans le commerce ou les services de base? Par Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi

Le débat sur la baisse des charges est décidément bien mal engagé. Pour Xerfi, il semblerait que la coalition qui se dessine en faveur d'une baisse centrée sur le SMIC, tient de l'erreur stratégique lourde, même s'il ne faut pas ignorer pas la puissance des arguments de la thèse opposée. En effet :

  • la baisse des charges ciblées sur le SMIC crée bel et bien de l'emploi, et même beaucoup. Les travaux empiriques, et les plus récents encore, en attestent.
  • la mesure se double d'un effet favorable sur la demande et la croissance à court terme.
  • la mesure a donc la vertu rare de rallier les tenants d'une politique de l'offre, puisqu'elle offre un antidote au SMIC élevé, et les keynésiens pour qui toute impulsion en faveur de la demande est bonne en temps de crise.
  • la mesure rallie un très grand nombre d'experts académiques crédibles comme en témoigne une tribune signée par 34 spécialistes de l'emploi « Le Monde » du 4 février  dernier.

Mais ce n'est pas parce que l'efficacité d'un médicament est reconnue, que l'on doit en recommander l'administration quelque soit la maladie, quelques soient les circonstances. Or c'est exactement ce que fait aujourd'hui la communauté des experts. Avec des arguments qui laissent parfois pantois.

 Une vision insensée

Car pour ces derniers, s'il y a un problème de compétitivité au niveau des activités à forte valeur ajoutée, réglons-le en comblant notre écart de R&D avec l'Allemagne. L'emploi c'est l'affaire des bas salaires, la productivité c'est l'affaire de la R&D. Or c'est cette séparation des problèmes qui est tout simplement insensée.

Car la question posée au gouvernement est bien de trouver une prescription pour résorber un handicap de compétitivité. Et si l'on s'accorde sur ce diagnostic, alors on peut avancer tous les chiffres que l'on veut en matière d'emploi, avec les protocoles scientifiques les plus rigoureux. Cela ne répond pas à la question posée. Le véritable enjeu  est de trouver  la mesure qui permet aux entreprises de reprendre pied en termes de parts de marché.

Si l'on s'accorde sur ce diagnostic, la spécialisation par secteur et par type d'entreprise de l'emploi est bien un enjeu majeur. Non, il n'est pas indifférent de charger une économie en emploi dans des TPE à faible valeur ajoutée ou dans les services à la personne ou dans le commerce, quand cette économie perd des marchés et que le nombre de ses entreprises exportatrices régresse.

La R&D ne se décrète pas

Ensuite la R&D est d'abord une affaire de spécialisation. Notre écart de R&D avec l'Allemagne, permanent depuis plus de 30 ans, est  le fait de notre écart de spécialisation dans les activités à forte intensité technologique. Il faut vraiment avoir une vision bien éthérée de l'économie pour penser que la R&D se décrète, sans lien avec la nature de nos structures productives.

Alors non, recommander la neutralité dans la diminution des charges, ce n'est pas simplement vouloir faire le jeu du « lobbying des grandes entreprises du secteur industriel ». Ce n'est pas faire le jeu d'entreprises qui agiteraient en permanence le spectre de la perte de compétitivité » pour empocher la mise, si l'on en croit les soupçons de certains experts du marché du travail. C'est simplement être attentif au diagnostic, à l'histoire, à l'environnement international, avant de proposer un remède.

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