Des municipales « normales », un enjeu « normal »

Par Arnaud Lacheret  |   |  849  mots
Parler de raz de marée FN est exagéré: il a fait de bons score face à des maires usés par le pouvoir. Au delà, le PS est sanctionné pour sa pratique du pouvoir. L'UMP aura vraiment gagné ce scrutin si elle emporte Toulouse et Strasbourg. par Arnaud Lacheret, enseignant chercheur à Idra Business School et chercheur associé à Pacte-CNRS

Evidemment, qualifier le premier tour des municipales de « normal » parait choquant, mais en fait, pas tant que ça. Les commentaires soulignent le score important du FN et un PS qui peine à conserver ses municipalités et ce n'est qu'un reflet mathématique des résultats. Soyons toutefois un peu plus observateur.

Dans quelle configuration le FN fait-il de gros scores ?

On parle de villes comme Henin Baumont, Carpentras, Béziers, Perpignan, Forbach, Avignon que le FN pourrait ravir au maire sortant. Outre leur emplacement géographique dans des zones où le FN fait traditionnellement des scores supérieurs à sa moyenne nationale, il s'agit de villes où le maire sortant est rongé par l'usure du pouvoir, a fait le « mandat de trop » et n'a souvent pas su passer la main à temps. On pourrait ajouter, dans une moindre mesure la Ville de Marseille où l'opposition municipale a envoyé au combat un socialiste ancré depuis longtemps dans le paysage et très lié aux affaires locales face à un maire sortant qui n'est pas de première jeunesse.

C'est l'usure du pouvoir et la faiblesse de l'opposition qui sont sanctionnées par le vote FN. Lorsque le maire se représentait et n'était pas en bout de course ou quand l'opposition envoyait quelqu'un de combatif, le FN n'a pas fait des scores si importants. Le vote FN, s'il comprend une large part d'adhésion à quelques-unes des idées de l'extrême droite populiste, se développe souvent sur le terreau d'une classe politique vieillissante incapable de se renouveler et de candidats des partis traditionnels « bombardés » tête de liste par des états-majors peu au contact des réalités territoriales.

Lorsque le travail de renouvellement ou d'évaluation de l'impact de la candidature du maire sortant a été fait correctement, le FN n'a pas réalisé de score extraordinaire, même si plusieurs maires seront élus lors de triangulaires et profiterons indirectement de sa présence au second tour.

Le PS souffre-t-il ?

Le PS prend une gifle logique qui est une véritable sanction de sa gestion nationale. Cette sanction permet d'apprécier la qualité et l'implantation du maire socialiste sortant : parfois, son bilan lui permet de résister à une reconquête et souligne peut être un choix insuffisamment audacieux de l'opposition comme à Metz où le Maire parvient à conserver une avance au premier tour, d'autres fois, un bilan moins vaillant et un choix plus intelligent permettent d'assister à de véritables camouflets locaux. C'est le cas dans plusieurs villes moyennes comme Chambéry ou Valence où l'opposition municipale renouvelée met à mal un maire sortant au bilan perçu comme peu brillant.

Le PS plie au premier tour sans rompre réellement, les triangulaires avec le FN sauveront plusieurs maires au bilan mitigé et la conservation de grandes villes masquera peut-être la perte de nombreuses villes moyennes.

Qui va gagner dans les grandes villes ? La victoire se jouera sur Strasbourg et Toulouse

La victoire se jouera principalement sur deux villes géographiquement opposées. Les candidats UMP sont arrivés en tête du premier tour à Strasbourg et Toulouse. Dans les deux cas, les maires sortants ont des bilans assez maigres et se voient opposés leurs adversaires vaincus de 2008. Un vieil adage électoral veut que jamais un maire de grande ville ne retrouve son siège après une défaite. Jean-Luc Moudenc et Fabienne Keller pourraient bien faire briser le signe indien et donner deux belles victoires à l'UMP.

Plus de voix pour NKM que pour Hidalgo?

De même, Nathalie Kosciusko-Morizet va peut-être prouver l'inanité du scrutin par arrondissement en obtenant plus de voix que sa concurrente qui, malgré tout, sera en toute logique élue Maire de Paris. Tout comme Bush avait battu Gore en 2000 en réalisant un moins bon score national, il est tout à fait envisageable qu'Anne Hidalgo soit la future maire de Paris en réalisant un moins bon score que sa concurrente UMP.

Un tel résultat constituerait, malgré la défaite, une victoire pour l'UMP et, pourquoi pas, un nouveau leader d'envergure national qui ne serait pas sali par les soupçons et les affaires.

La deuxième agglomération de France pourrait être dirigée par l'UMP

De même à Lyon où le sortant Gérard Collomb conservera sans grand suspens sa mairie mais voit de nombreux bastions socialistes dans la banlieue basculer, parfois dès le premier tour, dans le giron de l'UMP. La capitale des gaules étant amenée à devenir la première « métropole » de France, l'enjeu de l'étiquette des futurs conseillers métropolitains et donc de celle du futur président est importante : la deuxième agglomération de France pourrait être dirigée par l'UMP et laisser le maire de sa ville centre sans grand pouvoir…

Malgré le caractère local du scrutin, il y a beaucoup plus que quelques mairies à gagner ou à perdre. Le deuxième tour sera essentiel et décidera du vainqueur symbolique des municipales, lui donnant une dynamique décisive pour les échéances européennes, sénatoriales, régionales de 2014-2015.