Quand formation rime avec motivation et responsabilisation

La formation doit plus que jamais anticiper les besoins en compétences à venir. Il faut motiver suffisamment les salariés pour qu'ils deviennent acteurs de cette formation. Par Stephan Atsou, Directeur Europe Continentale, CrossKnowledge

Le modèle traditionnel de la formation est mort ! Vive la formation ! Oui mais pas à n'importe quelles conditions : tandis que les fondements de la formation vacillent sous la tension grandissante imposée par le changement perpétuel de l'entreprise, il est grand temps de se poser les bonnes questions. S'assurer que les collaborateurs possèdent les compétences nécessaires pour mettre en œuvre la stratégie de l'entreprise, explorer les nouvelles compétences dont l'entreprise aura besoin demain, voilà les conditions nécessaires à l'évolution de la compétitivité des entreprises … Certes. Mais les entreprises ne peuvent pas forcer le développement des compétences, quoiqu'elles proposent en termes de plan de formation.

Une "consumérisation" de la formation

Transférer chez l'apprenant la responsabilité de se former, n'est-ce pas la clé du succès de l'apprentissage ? A l'heure où l'on assiste à une véritable consumérisation de la formation, notamment avec le phénomène des MOOCs, il est grand temps de faire évoluer le contexte culturel et organisationnel dans lequel nous grandissons, peu propice à la motivation de chacun.
Les enjeux de la formation sont croissants. Soumise à l'exigence de productivité et de performance collective dans un contexte en perpétuelle mutation, l'entreprise, si elle veut éviter le «darwinisme économique», doit s'adapter dans un environnement qui évoluerait plus vite que sa capacité à s'y adapter.

Un exemple : huit métiers sur 10 relatifs à l'IT,  à échéance de quatre ans, ne sont pas encore connus ! Les nouveaux embauchés doivent être immédiatement opérationnels, les salariés formés dès qu'un processus ou une nouvelle application informatique sont déployés, une équipe de vente à niveau avant même le lancement d'un nouveau produit.

Aligner les compétences sur les marchés et besoins d'aujourd'hui... et de demain

Plus que jamais, la formation doit contribuer efficacement à l'alignement des compétences sur les marchés et besoins d'aujourd'hui... et de demain ! Autre chiffre éloquent: 900 000… c'est le nombre d'offres d'emplois IT non pourvues à l'aube de 2015 en Europe faute d'expertises adéquates alors même que le vieux continent compte 26 millions de chômeurs aujourd'hui !
Développement des compétences existantes et exploration des nouvelles compétences nécessaires à venir, c'est le double enjeu des politiques de formation. Encore faut-il que les acteurs apprenants en soient conscients et en aient le désir. Or, le modèle traditionnel de la formation repose sur la motivation extrinsèque, encouragée par le système éducatif dès le plus jeune âge et qui conduit hélas à une logique souvent attentiste chez l'adulte.

 La responsabilité de se former

Voilà donc le premier défi, d'ordre culturel, à relever : transférer à l'apprenant la responsabilité de se former en encourageant la motivation intrinsèque - celle qui satisfait un besoin personnel - versus la motivation extrinsèque. Il y a va de la qualité et de l'efficacité de ce que nous faisons chacun des formations que nous suivons. Selon le journaliste et auteur américain Dan Pink, les trois piliers de la motivation intrinsèque sont le besoin de maîtrise, de but et d'autonomie. L'autonomie correspond au sentiment d'être à l'origine de ses actions, ce qui ne signifie pas absence d'autorité mais la satisfaction d'être écouté et de ne pas être contrôlé voire étouffé. Par ailleurs, en améliorant ses compétences, le travailleur améliore son plaisir au travail. Les enquêtes le prouvent : le salarié demande à être plus à l'aise dans son travail au jour le jour, plus « performant ».

Le travail sur ces trois piliers produit un apprentissage plus durable qui doit être favorisé dans un environnement mouvant et qui devrait être à la base de notre système éducatif perçu trop
souvent comme contraignant. Dès l'âge de 6 ans, nos enfants ont des « devoirs » à faire et
doivent résoudre des « problèmes », expressions même de la motivation extrinsèque là où ils
devraient avoir des « cahiers de vouloirs » et des « solutions » à trouver. Ce sont ces mêmes
enfants, que l'on a conditionnés à se motiver par la contrainte, qui constituent le vivier des
entreprises.

Un défi organisationnel

Le second défi est d'ordre organisationnel et relève de l'offre de formation proposée par les
entreprises. Les programmes au sein des universités d'entreprises sont très forts pour organiser un apprentissage linéaire. Or, l'apprentissage n'est pas linéaire. Cela a été démontré
scientifiquement, l'apprentissage est un processus organique. Pourtant, nous n'arrêtons pas
d'organiser nos formations avec un début à A et une fin à Z. L'apprentissage ne se termine
jamais en réalité. Ce problème d'offre, on essaie de le transformer par ce qu'on appelle un
« écosystème d'apprentissage » qui encourage le rapport autonome au travail, c'est-à-dire un
environnement au service de l'organisation apprenante pour permettre l'émergence de
l'apprentissage.

Un individu plus engagé dans son propre devenir

Dans cette perspective, il est proposé à l'individu d'être moins consommateur de stock de connaissances et plus engagé dans son propre devenir. L'apprentissage est en effet l'affaire de l'apprenant. Le travail du formateur est de comprendre les obstacles pour pouvoir les réduire. L'être humain n'est pas une « urne à remplir » mais un être qui se construit tout au long de sa vie.
On l'a compris : pas de formation efficace sans motivation. Et pas de motivation sans responsabilisation de l'apprenant. Formation et coercition ne font pas bon ménage. Le système éducatif devrait en tenir compte pour faire grandir nos enfants et les responsabiliser.
La réponse des entreprises devra satisfaire ce nouvel apprenant, consommateur rendu plus
autonome et plus exigeant par la mise à disposition sur le web de formations de qualité.
Les MOOCs font le pari de la responsabilisation, de l'autonomie et de la motivation
intrinsèque. La « MOOC-mania » semble leur donner raison… à un bémol près : selon une
étude du MIT et de Harvard, seuls 5 % des inscrits valident ainsi la formation, 9 % vont plus
loin que la moitié des cours, et un tiers des étudiants n'en a visionné aucun. Preuve qu'il y a
encore du chemin à parcourir…On ne change pas un environnement culturel en quelques
MOOCs.

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Commentaires 4
à écrit le 09/04/2014 à 22:52
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"ne pas être contrôlé voire étouffé" Portrait en creux de l'entreprise aujourd'hui en France ? Et cause majeure de son manque de compétitivité ?

à écrit le 09/04/2014 à 18:07
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Est entièrement d'accord avec cet article.

à écrit le 09/04/2014 à 17:38
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Très intellectualisé l'auteur semble se faire plaisir. Mais à la lecture j'ai un doute : l'auteur sait il définir la notion de compétences ? J'ai l'impression qu'il considère que la compétence découle logiquement d'une formation...

à écrit le 09/04/2014 à 15:34
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Je suis dans l'ensemble d'accord avec cet article mais quid du désir d'évolution voir de changement. Beaucoup d'entre nous considèrent qu'ils ne feront pas le même métier toute leur vie et il n'est pas rare de voir des informaticiens devenir chef pâ...

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