Google et la concurrence : bravo à Bruxelles !

Pourquoi l'accord trouvé entre Google et Bruxelles pour limiter la position dominante du géant de Mountain View est-il si contesté ? Pour Olivier Babeau, professeur en stratégie d'entreprise à l'université Paris VIII, il s'agit pourtant d'une décision courageuse, et d'une très bonne nouvelle pour les consommateurs...
L'accord qui a été annoncé le 5 février marquant la fin des poursuites contre Google pour abus de position dominante en Europe a été l'aboutissement d'une difficile négociation menée avec adresse et intelligence par le Commissaire européen à la concurrence Joaquin Almunia. Certains commentateurs ont depuis critiqué cet accord qui serait selon eux une soumission de plus face au géant du net.  Des critiques qui ne font pas justice, à notre sens, au réel travail de négociation qui a été effectué et aux progrès réels qui l'ont couronné. 
 

Les concessions du géant de Mountain View

Depuis 2010, on s'en souvient, la firme californienne proposant le fameux moteur de recherche était soupçonnée de favoriser ses propres services grâce à sa position de quasi-monopole en Europe (92,7% des recherches en 2013 en France par exemple). Après trois ans de discussion, la Commission européenne vient d'obtenir de la firme de Mountain View des concessions considérables.

 
Google va d'abord modifier profondément son système de proposition de liens sponsorisés (ceux qui apparaissent sur fond de couleur dans un cadre en haut de la page de résultats) : les services affiliés à Google et ceux de ses concurrents seront affichés de façon rigoureusement identique. Ensuite, les éditeurs de contenus vont avoir capacité de mieux contrôler leur présence dans les résultats des recherches spécialisées et auront la possibilité de refuser d'y figurer sans que cela n'affecte leur référencement dans les recherches généralistes. Enfin, les conditions des services publicitaires AdWords et AdSense seront modifiées dans le sens requis par la Commission : les clauses d'exclusivité liant les éditeurs et Google seront supprimées et les restrictions techniques visant à limiter l'usage d'autres plateformes seront levées.

Donner une chance à ses concurrents 

Refusant de suivre les plus radicaux des accusateurs de la firme californienne  - en fait, ses concurrents directs, dont Microsoft, qui ont donc de bonnes raisons de lui vouloir du mal ! -, M. Almunia a compris qu'il n'était pas opportun de chercher à entrer dans une lutte à mort pour briser Google. Non seulement cela n'aurait pas été dans l'intérêt immédiat des millions de consommateurs utilisant ses services, mais encore cela aurait eu pour effet de stériliser un acteur qui reste, qu'on le veuille ou non, une des entreprises les plus innovantes du monde (la deuxième, selon le classement Booz&Company de 2013).

 
Comme le suggère judicieusement M. Almunia, et contrairement à une vision réductrice de l'économie de la concurrence, ce n'est pas la position dominante en elle-même qui pose problème d'un point de vue économique, car après tout elle est la conséquence d'une démarche d'innovation et d'une valeur supérieure apportée aux consommateurs, mais ses conséquences négatives potentielles sur le dynamisme de l'activité et sa modernisation. Il ne faut pas en effet se tromper de combat : la Commission a compris que son but ne devait pas être de supprimer Google en tant qu'acteur, mais de redonner à ses concurrents une chance de jouer le rôle d'aiguillon à son innovation et d'innover à leur tour, s'ils le peuvent.

Un accord courageux

Alors que l'expression des inquiétudes concernant la montée en puissance d'une firme telle que Google se multiplie, il faut saluer la détermination dont a fait preuve la Commission européenne en la personne de son Commissaire à la concurrence dans sa lutte pour la préservation d'une concurrence saine. L'accord ne saurait en effet, en toute objectivité, constituer la capitulation d'une Europe trop faible que dénoncent les opposants les plus farouches à la firme californienne : il suffit pour s'en convaincre de constater qu'il va plus loin que tout ce qui a jusqu'à présent été exigé par la FTC (Federal Trade Commission) américaine.

Trois concurrents vont à présent être choisis pour que soit évaluée avec précision l'égalité des résultats obtenus sur les moteurs de recherche. La procédure va encore s'étendre sur plusieurs mois afin que toutes les garanties possibles soient obtenues concernant la réalité et la pérennité des changements apportés. Après le refus des deux premières propositions de Google, les résultats sont là, faisant mentir ceux qui prévoyaient l'échec du bras de fer engagé il y a trois ans. Une bonne nouvelle pour la concurrence et donc pour les consommateurs.
 

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