Pollution atmosphérique : ne pas se tromper de combat

Par Bjørn Lomborg  |   |  931  mots
Pourquoi dépenser des sommes folles pour lutter contre le réchauffement climatique, alors que la pollution domestique est la première source de mortalité? Par Bjørn Lomborg, directeur du Copenhagen Consensus Center

Le rapport final du GIEC sur l'évolution climatique vient d'être publié. Selon ce rapport, les coûts des mesures nécessaires pour limiter le réchauffement climatique à 2 degrés celsius s'élèveront à 4% du PIB mondial en 2030, 6% en 2050 et 11% en 2100. Et cela, en supposant "que tous les pays de la planète appliquent ces mesures immédiatement, qu'il y ait un prix unique du carbone, et que toutes les technologies clés soient disponibles". Et selon les prévisions du GIEC, ces coûts exorbitants constituent le meilleur scénario, car ils pourraient monter en flèche si ces hypothèses, incroyablement optimistes, ne sont pas appliquées.

Un coût plus limité du réchauffement climatique

Paradoxalement, si l'application de ces mesures pourrait nous coûter plus de 6% du PIB mondial, le coût des dégâts causés par le réchauffement planétaire, si nous ne faisons rien pour le réduire, s'élèveraient à moins de 2% du PIB vers 2070. Force est de constater que les politiques climatiques adoptées actuellement engendrent plus de dommages que le changement climatique en lui-même.

Dans ce sens, il est nécessaire d'adopter des politiques plus pertinentes. Au lieu de subventionner des technologies vertes peu efficientes face au réchauffement de la planète, nous devons concentrer nos priorités sur le plus grand problème environnemental qui sévit actuellement dans le monde, et dans le même temps, développer des énergies renouvelables (EnR) capables de concurrencer les énergies fossiles et de fait, de solutionner de manière effective le changement climatique.

La pollution domestique, première cause de mortalité

Le plus grand problème environnemental auquel le monde est confronté actuellement est la pollution domestique de l'air, et non le changement climatique - bien qu'il fasse souvent la une des médias et se trouve au centre des informations environnementales les plus alarmistes. Aujourd'hui, 2.9 milliards d'individus, soit un tiers de la population mondiale, utilisent du bois ou du fumier pour cuire leur repas et se réchauffer - combustibles dont on sait que les émanations peuvent être mortelles.

Selon les estimations de l'Organisation Mondiale de la Santé, ce facteur a été à l'origine de 4.3 millions de décès en 2012. La pollution de l'air intérieur peut engendrer des maladies cardiaques, des accidents vasculaires cérébraux, et des cancers. Malheureusement, ce phénomène affecte bien plus les femmes et les enfants. En y ajoutant le nombre de décès, certes moins important, causés par la pollution extérieure, la pollution atmosphérique serait responsable d'1/8 des décès dans le monde.

Rien à attendre d'énergies vertes onéreuses et inefficaces

Je vous invite à comparer ces chiffres à ceux du réchauffement climatique. Selon les conclusions du nouveau rapport du GIEC, "à ce jour, la charge de morbidité imputable au changement climatique est relativement moins importante comparée aux effets d'autres facteurs de stress." Certes, le réchauffement climatique est un problème réel, mais il représente une menace moins immédiate. Et tout bien considéré, les estimations de l'OMS et celles d'autres institutions montrent que les effets de la pollution de l'air sont 40 à 200 fois plus meurtriers.

Par ailleurs, les priorités sont différentes lorsqu'on a des ressources limitées. L'environnement est loin d'être la principale préoccupation des populations pauvres qui s'inquiètent avant tout de la malnutrition dont souffrent leurs enfants, ou des maladies auxquelles ils pourraient succomber faute de moyen bien qu'elles puissent être traitées facilement. Les problèmes de pollution atmosphérique figureront au centre leurs préoccupations lorsqu'ils bénéficieront d'une meilleure qualité de vie. Pour exemple, les pays émergents tels que le Chili et le Mexique ont actuellement diminué leurs émissions de CO2.

Des énergies vertes onéreuses et inefficaces n'apporteront pas de solutions viables dans ce sens. L'éolien et le solaire ne représentent jusqu'à présent qu'1% de la consommation énergétique mondiale pour un coût de 60 milliards de dollars en subventions. Les prévisions les plus optimistes tablent sur une augmentation à 3.5% en 2035 - en fin de compte, presque rien.

Se concentrer sur des interventions efficaces

De fait, à court terme, nous devons concentrer nos efforts et nos ressources sur des interventions qui ont prouvé leur efficacité. En trois décennies, la Chine a sorti 680 millions de personnes de la pauvreté - un record dans l'histoire de l'humanité. Ils ont réalisé ce challenge non pas avec des panneaux solaires, des éoliennes ou des éclairages LED, mais grâce à une augmentation significative de l'accès à l'énergie moderne, essentiellement alimenté par le charbon - moins cher mais plus polluant.

Sur le long terme, nous devons développer des énergies renouvelables moins coûteuses et plus efficaces. Nous pouvons réaliser cela en investissant plus dans les recherches axées sur les innovations vertes afin de créer les prochaines générations d'énergies renouvelables. Tout le monde passerait naturellement aux énergies vertes si nous pouvions faire en sorte qu'elles soient plus accessibles.

Cette double démarche aboutira à des coûts plus abordables et des bénéfices plus substantiels. Elle permettra à court terme de pourvoir aux besoins énergétiques des populations pauvres nécessaires à leur développement, et sur le long terme, de réduire significativement les émissions de carbone.

 

Bjørn Lomborg est le directeur du Copenhagen Consensus Center et professeur adjoint au Copenhagen Business School. Son dernier livre s'intitule: How Much Have Global Problems Cost the World? A Scorecard from 1900 to 2050.

 

Traduit par Ninah Rahobisoa.