Pourquoi faire baisser l’euro

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  473  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, pourquoi faire baisser l’euro.

Lors de déclaration de politique générale, Manuel Valls a mis en accusation la BCE pour sa politique d'euro trop fort. La France et l'Europe se porteraient mieux avec un euro inférieur de 10% à son niveau actuel, soit 1,20 dollar pour 1 euro

A-t-il raison ?

1,20 n'est pas un chiffre tombé du ciel. C'est peu ou prou celui qui égaliserait le prix des biens produits en France avec ceux produits chez nos principaux concurrents, c'est ce qu'on appelle la parité de pouvoir d'achat. C'est le taux qui nous permet de vendre sans comprimer à l'excès nos marges ou sans demander d'ajustement drastique sur les salaires. Sans peser fortement sur la demande donc.

Il y a bien sûr ceux qui contestent l'efficacité des dévaluations, pour le principal argument qu'elles ont pour effet immédiat de renchérir le prix de nos importations. Notamment notre facture énergétique qui serait mécaniquement augmentée de 6,5 milliards. Un coût qui pénaliserait l'ensemble des secteurs et notamment les plus énergétivores. Qui contestent aussi l'efficacité des dévaluations parce qu'elles constituent une facilité qui diffère nos vrais ajustements.

A ces adeptes des vraies solutions, rappelons ce que suppose la stratégie du courage et de la vertu qu'ils appellent de leurs voeux pour supprimer notre écart de prix de 10% avec le monde développé. Cela suppose de :

  • Diminuer de plus de 15 % notre coût du travail relativement à nos partenaires
  • Ou de diminuer de 40 % la charge fiscale sur les entreprises, soit de 140 milliards, 7% du PIB.

Dans le contexte de faible inflation généralisée, un blocage intégral des salaires nécessiterait plus de 5 ans pour créer un écart relatif de coût salarial avec nos principaux partenaires de l'ordre de 15%.

Dans le contexte actuel, diminuer de 140 milliards la pression fiscale nécessiterait de tripler la cible d'économie que s'est fixée le gouvernement. Le ferait-on, le déficit de demande induit,  provoquerait une destruction de plus d'un cinquième de nos capacités productives et un chômage à la grecque ou à l'espagnol.

On peut aimer le courage mais pas le masochisme

Bien sûr, on le sait, une dévaluation ne porte pas ses effets positifs sur l'activité et la compétitivité sans conditions. Et ces conditions on les connaît : la modération salariale et la maîtrise des prix. Or ces deux conditions sont déjà réunies. La dévaluation dans ce contexte, apporte juste cette bouffée d'oxygène qui permet à nos entreprises les plus exportatrices de sauvegarder leurs marges et de ne pas sacrifier leurs investissements de long terme.

Déprécier l'euro, ce n'est pas être adepte de la facilité. C'est juste tenter de pratiquer un policy mix éclairé pour faire passer la pilule amère de la rigueur sans sacrifier le long terme.