Alstom : la cession de l'énergie à GE, une bonne nouvelle pour l'économie française

Aucun argument sérieux contre l'accord entre Alstom et General Electric ne résiste à l'examen. Par Marc Guyot et Radu Vranceanu, professeurs d’économie à l’ESSEC

 

 

Il y a deux semaines, Lafarge, numéro 1 français du ciment décidait de fusionner avec le numéro 1 Suisse Holcim, les deux firmes estimant que leur rapprochement permettrait de capitaliser sur leurs points forts respectifs pour faire face à un marché mondial très concurrentiel. Ces derniers jours, Alstom l'un des leader français de l'énergie et des transports, a annoncé sa volonté de céder son activité énergie (qui représente au total les ¾ de son activité) à l'Américain General Electric (GE) pour une douzaine de milliards d'euros et de se concentrer uniquement sur le transport. L'énergie est une activité lourdement capitalistique dans laquelle les activités des deux firmes présentent de fortes complémentarités, Alstom étant notamment fort dans l'hydraulique et l'éolien et GE dans les autres formes d'énergie.

Pas de position dominante créée

Les directions de ces deux firmes, compte tenu de la situation de marchés de leurs produits, estiment que cette solution, cession par Alstom, reprise par GE, est la meilleure pour développer cette activité, ces produits et ce savoir faire. La cession d'une activité fortement capitalistique permettra à Alstom de concentrer ses capacités de financement et de développement sur son activité transport dont le TGV est l'emblème. Si les dirigeants d'Alstom ont fait le bon choix stratégique, ils assurent ainsi à la fois la pérennité de l'activité transport en interne et de l'activité énergie au sein de GE. Ainsi, l'activité et l'emploi semblent assurés. Comme cette cession ne crée pas de position dominante, les clients et ultimement les consommateurs bénéficieront également de l'opération.

 Le gouvernement privilégie l'apparence de la puissance

Comme souvent, les décisions de Lafarge et Alstom, au lieu d'être commentées sur leurs opportunités stratégiques et leurs chances de succès, ont essentiellement donné lieu à de fortes critiques et à des lamentations.

Le gouvernement et certains commentateurs ont vertement critiqué ces opérations en évoquant le patriotisme économique et en déplorant le passage sous pavillon suisse ou américain de « joyaux de l'industrie nationale ». Le gouvernement a cherché à s'opposer à la cession d'activités par Alstom, puis à sauver la face en soutenant une solution « européenne » en partenariat avec Siemens, qui serait vendue non plus comme la disparition d'une firme française mais une avancée décisive vers « l'Europe » avec une énième évocation d'Airbus. Ce qui semble important aux yeux du gouvernement est la puissance, ou plutôt l'apparence de puissance qui viendrait de la nationalité des principaux actionnaires et de la localisation du siège social.

 Pour d'autres commentateurs, la généralisation de ce genre d'opérations pointe divers problèmes de déclassement de l'industrie nationale que le gouvernement préfère cacher plutôt qu'affronter avec une action structurelle de long terme. Plus encore, l'activisme du gouvernement démontrerait s'il en était encore besoin, qu'en France une multinationale peut toujours faire l'objet d'obstruction de la part du gouvernement si ses choix ne servent pas assez la fierté économique nationale.

Quelle est la meilleure solution pour les clients et les employés d'Alstom?

Peu de commentateurs se demandent ce qui est le mieux pour les filières énergie et transport, les clients du secteur et les employés d'Alstom.

Concernant les employés, il ne s'agit pas d'une fusion de survie ou de rationalisation, il n'y a donc pas lieu de craindre des coupes sombres. Concernant la nationalité étrangère des acheteurs, que craint donc le Gouvernement ? Les 10 000 employés français de GE sont-ils des travailleurs maltraités ? Sortiront-ils du cadre légal du droit du travail ? Quel bien fait au travailleur la nationalité des principaux actionnaires et de la direction? Le copinage entre le capital, souvent concentré dans les mains d'une minorité, les dirigeants des grandes firmes, certains travers du « syndicalisme monarchique » et le pouvoir étatique dans le capitalisme à l'ancienne n'est absolument pas à confondre avec une cause nationale ni avec le bien commun.

 Une efficacité des filières renforcée

Pour ce qui est des clients et de l'efficacité globale des filières, il est fort probable que cette restructuration permettra d'augmenter leur dynamisme, tant de l'activité énergie que ferroviaire.   Dans son opposition à la cession, le gouvernement a évoqué la sûreté nationale car Alstom fabrique des turbines pour les réacteurs nucléaires d'Areva. Cet élément n'est un problème que si elle devait remettre en cause l'accès d'Areva à ce type de produit ou son bon développement.

En réalité, l'intérêt d'Areva est que ce composant de ses centrales soit produit et développé au mieux, pas que se soit une firme française qui le produise. Le nucléaire étant au cœur de la stratégie de GE, l'activité turbine nucléaire continuera de faire l'objet de développement dont Areva bénéficiera. Par exemple, Areva a choisi Siemens plutôt qu'Alstom pour les systèmes de turbines mises en place dans sa centrale de dernière génération EPR en Finlande. De la même façon en 2010, la SNCF avait choisi Siemens pour une commande de train destinée à l'Eurostar.

 L'attractivité de la France décroît

Indépendamment de la logique industrielle interne de ces deux mouvements stratégiques de Lafarge et Alstom, il n'en demeure pas moins que l'attractivité de la France décroit et que des centres de décisions partent à l'étranger. Le nombre d'installation de sièges sociaux Europe et Monde de firmes étrangères en France suit d'ailleurs la même tendance puisqu'il est passé de 20 en 2011 à 5 en 2013. Selon Bain et Cie, la perception positive de la France par des maisons mères US ayant des filiales en France est passée de 56% en 2011 à 13% en 2013.

Le gouvernement refuse de faire le lien entre, d'une part, son hostilité initiale à l'entreprise affichée lors des élections, les nombreuses « contreparties » demandées pour tout geste en faveur de l'entreprise, la taxe à 75% pour les hauts revenus et d'autre,part cette faible attractivité de la France et le départ des centres de décision. Les rodomontades sur l'aversion envers les riches et la nécessité de limiter les salaires élevés des dirigeants finissent par avoir des conséquences , avec potentiellement deux sièges sociaux en moins.

 Si le gouvernement souhaite vraiment que la France soit en pointe dans le développement de technologies nouvelles il est grand temps de faire les réformes nécessaires et d'abandonner les vieilles lunes anti riches, anti fonds de pension et anti marchés. Ce dont a besoin le pays ce sont des conditions qui assurent l'efficacité des activités économiques, la facilité de financement, une formation professionnelle adaptée aux besoins des firmes, et plus généralement un environnement économique et juridique porteur.

 

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Commentaires 30
à écrit le 08/05/2014 à 10:11
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Sarko et Hollande sont tous deux responsables de la désindustrialisation de la France, faute d'avoir eu le courage politique d'engager des réformes de fond. Il ne s'agit donc pas de prendre une position politique partisane. Ce que dit simplement l'ar...

à écrit le 05/05/2014 à 23:36
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Pourquoi faut-il absolument qu'Alstom soit absorbé par GE ? Il y a toujours possibilité de faire des holdings communes dans tel ou tel secteur, y compris par ailleurs avec Siemens et d'autres. Quant au pôle transport, vue la concurrence des TGV asiat...

à écrit le 05/05/2014 à 22:29
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Cet article ne démontre pas en quoi la vente d'Alstom à GE est meilleure pour les clients et les employés. Il s'agit plutôt d'une opinion personnelle des auteurs. Les dirigeants de pays comme les US, la Chine, le Japon etc. continuent d'appliquer ...

le 05/05/2014 à 22:43
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GE veut s'appuyer sur notre savoir faire pour faire du profit. Chacun fera ainsi le travail pour lequel il a une compétence : en France l'ingénierie et aux US le business. C'est très bien ainsi car on a vu pendant 30 ans ce que cela avait donné d'ess...

le 07/05/2014 à 3:02
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Avant de vous moquer, analysez les coeurs de métier ! Alstom et GE ont des activités relativement complémentaires alors qu'Alstom et Siemens ont des activités jumelles... Evidemment qu'il y aura des ajustements (je suis salarié Alstom)... mais ceux...

à écrit le 05/05/2014 à 21:48
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Article creux, tres tres creux. Vous ne connaissez donc rien à GE. GE, c’est la culture de la marge. Tjs et encore. 9 plans sociaux en 12 ans apres le rachat de la CGR à THOMSON en 1987. Encore 600 postes supprimés en 2013 sur l’ensemble des filiales...

le 05/05/2014 à 22:32
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Ce qui compte quand on parle de la France ce sont les ouvriers et ingénieurs qui y travaillent. Peu importe si les directeurs financiers ou capitalistes sont ailleurs. Jusqu'à présent on a fait l'inverse et ça a ruiné la France.

à écrit le 05/05/2014 à 21:02
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Bon pour la France, oui, on a vu avec Péchiney. Merci Bruxelles & Co.Espérons que cette histoire Alstom va déboucher sur un CFM de l'énergie. Mais Montebourg ne sait peut-être pas ce que c'est, CFM Int., il vole en Falcon.

à écrit le 05/05/2014 à 20:57
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Eh les profs :et l'emploi qu'en faites -vous ???

à écrit le 05/05/2014 à 16:31
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Suisse: Siege Mondial division Alstom Power (dont turbines a gaz) , 2 usines France : 1 usine (belfort) Effectif Suiise : 10 000 Personnes Allemagne : 8700 persones, 23 sites dont toute la division wind power Rappel Effectif hors de france: 80...

à écrit le 05/05/2014 à 16:17
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Cette analyse a tout du sophisme, car il faut avant tout être maitre de ses technologies et de son destin pour un pays. On ne peut comme vous le dites accepter le capitalisme sauvage qui au gré des vents s'implante ou se retire. Ce qui manque souvent...

le 05/05/2014 à 22:39
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Ce ne sont ni l'état ni les capitalistes français qui permettent à la France de maîtriser sa technologie. Ce sont le plus souvent les capitalistes étrangers qui investissent en France en reconnaissant bien mieux que nos DG et directeurs financiers l'...

à écrit le 05/05/2014 à 16:10
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Ces gens n ont aucun savoir faire et ne connaissent rien à l industrie. Comment pourraient ils comprendre ce qu' est Alstom? Je travaille dans l hydraulique et sachez que le plus puissant barrage du monde, celui des 3 gorges en Chine, est équipée de...

à écrit le 05/05/2014 à 16:09
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Ces gens n ont aucun savoir faire et ne connaissent rien à l industrie. Comment pourraient ils comprendre ce qu' est Alstom? Je travaille dans l hydraulique et sachez que le plus puissant barrage du monde, celui des 3 gorges en Chine, est équipée de...

à écrit le 05/05/2014 à 15:37
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Je retrouve, dans ce discours, les courants de pensée purement ESSEC que j'ai fréquenté : vision court-termiste extrême, aucune pertinence concernant la VRAIE valeur ajoutée, et, en PLEINE crise économique mondiale, une confiance renouvelée absolue d...

le 05/05/2014 à 15:59
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vous ne pouvez pas dire cela, ces deux personnes portent des col-roulés, ils sont donc de facto crédibles et reconnus dans le monde économique. fin de la discussion

le 05/05/2014 à 16:55
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Rappel GE en France c'est des moteurs d'avion avec snecma (CFM International) et des appareils type IRM/Scanner ex Thomson depuis plus de 30 ans (division healthcare au Buc) . Des financiers court termiste assoiffés de fric effectivement.

le 07/05/2014 à 3:00
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j'ai eu ces deux profs en cours lors de ma formation et vraiment, ils n'ont pas une vision court termiste de l'économie. Alstom n'a d'autre choix que de s'allier avec un autre groupe étranger. Il n'y a pas vraiment faute de la direction dans les dif...

à écrit le 05/05/2014 à 15:15
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Ces profs sont des naïfs ou des vendus! Quand on voit dans quel état se retrouve PSA, suite à sa simple collaboration avec GM. Alors que l'automobile n'a rien de stratégique! Regardez les injonctions américaines sur les lancements de satellite imp...

à écrit le 05/05/2014 à 14:49
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Coquilles : "Aucun argument ne sérieux contre la l'accord entre Alstom et General" 'de sérieux' & le 'la' en trop

à écrit le 05/05/2014 à 14:10
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d'habitude les analyses des professeurs de l'ESSEC sont plus profondes et plus complètes, celle-ci me semble avoir été écrite dans la précipitation et donc l'effet recherché est inverse, c'est dommage

à écrit le 05/05/2014 à 14:04
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Compte-tenu du nombre d'économistes que l'on peut lire, entendre, voir dans les médias, je me demande comment la France peut ne pas s'en sortir. Il suffirait d'en choisir 30 et d'en faire le gouvernement. Ils pourront appliquer toutes leurs théories ...

à écrit le 05/05/2014 à 13:29
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La formation d'une JV 50/50 avec apports d'actifs de GE et d'Alstom serait me semble t'il préférable. D'ailleurs initialement il avait été présenté par le management d'Alstom une vente d'actif mais l'entrée au capital d'actionnaire minoritaire. En...

à écrit le 05/05/2014 à 13:23
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Ce que vous ouliez de dire c'est qu'en cas de "conflit" ne serait-ce qu'économique avec les américain ils pourront mettre des entraves à l'accès des dites turbines, ne serait-ce que par le prix. Il peut y avoir un raisonnement économique valable, ma...

à écrit le 05/05/2014 à 13:11
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" Si le gouvernement souhaite vraiment que la France soit en pointe dans le développement de technologies nouvelles il est grand temps de faire les réformes nécessaires et d'abandonner les vieilles lunes anti riches, anti fonds de pension et anti mar...

à écrit le 05/05/2014 à 13:05
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Une analyse pertinente, n'en déplaise aux défenseurs de la pensée unique

à écrit le 05/05/2014 à 12:36
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Une bonne tribune comme les libéraux les aiment. Mais aucun argument sérieux pour justifier ce rachat. Juste de l'idéologie contraire aux intérêts des Etats et des citoyens.

le 05/05/2014 à 13:20
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le fait que que l'une veuille acheter, et l'autre vendre,s’agissant de 2 entreposes privées, ça devrait suffire comme justification, non ???

à écrit le 05/05/2014 à 12:25
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"Aucun argument ne sérieux contre la l'accord entre Alstom et General Electric " La tribune est Africaine??

le 05/05/2014 à 13:22
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Non, du franchouillard pure souche !

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