Indexons le prix des médicaments sur leur performance !

Par Céline Soulas  |   |  642  mots
Il faut explorer l'idée d'un nouveau système de tarification des médicaments: leurs prix dépendraient directement de leur efficacité prouvée. Par Céline Soulas, Professeur Associé en Économie de la Santé au Groupe ESC Dijon-Bourgogne

 Après la publication des chiffres 2013 de l'assurance maladie, révélant que celle-ci a dépensé 1,4 milliards de moins que prévu, Marisol Touraine a annoncé un plan d'économies de 3,5 milliards en trois ans, essentiellement générées par des baisses de prix des médicaments. Ces derniers sont donc à nouveau la cible quasi-exclusive de ces mesures de rigueur, puisque matérialisés, facilement comptabilisables et exclusivement issus de l'économie de marché mondialisée.

Ce n'est pourtant pas la baisse des prix qui permettra de concilier efficacement maîtrise des dépenses publiques, innovation et équité dans l'accès aux soins. Bien au contraire, la rigueur tarifaire prônée et les bras de fer sans cesse engagés avec les industriels font peser sur tous le risque de ne pas pouvoir fournir à chacun les moyens de la santé. L'enjeu est ailleurs, dans la maîtrise de l'incertitude liée aux caractéristiques mêmes d'un médicament. Et des solutions émergent.

 Baisse des prix et crise de confiance

 Les critiques sont nombreuses pour dénoncer le prix de ces médicaments, pourtant négociés et obtenus au bénéfice des malades, par les institutions et les ministères en charge des affaires sanitaires et sociales. Mais l'évaluation scientifique, à l'origine des négociations tarifaires, est en proie à des soupçons de complaisance et de conflits d'intérêt, le dernier en date étant lié à Jérôme Cahuzac. Ajoutez à cela des résultats parfois insuffisants, des effets secondaires imprévus, ou encore des prescriptions médicales jugées inappropriées ou abusives, et la décision même de fixation du prix perd de sa légitimité, crée de l'incertitude.

Ainsi, ce plan d'économies essentiellement orienté vers les industriels de la pharmacie révèle surtout une réelle crise de confiance à l'égard des médicaments. Et c'est sans doute de toutes les crises constatées, économique, financière ou encore politique, la plus grave de toutes. Car seule la confiance donne de la visibilité, motive la recherche et l'innovation.

 Le « payeur » achète de la bonne santé et non des médicaments

 Pour les médicaments innovants et donc très coûteux, la contrainte budgétaire associée à cette perte de confiance a incité à trouver des solutions commerciales nouvelles, dans l'intérêt de tous les acteurs du système de santé. Et naturellement, au-delà de l'enjeu très partial du prix, c'est toute la question de l'incertitude inhérente aux résultats thérapeutiques qui devient centrale.

L'approche qui se développe depuis quelques années dans la plupart des pays industrialisés consiste précisément à acheter des résultats constatés (c'est-à-dire de la valeur) et à ne payer ainsi que les produits qui ont fait leurs preuves d'efficacité. Par cette stratégie, un paradigme de négociation fait son apparition sous le concept de « contrat de paiement à la performance » aux États-Unis ou de « prix conditionnel » en Europe. À travers ces nouvelles modalités, la fixation du prix impose un remboursement partiel ou total de l'industriel au « payeur » en cas d'échec constaté sur des critères dûment précisés et contractuels.

 Une solution économiquement garantie

Le médicament deviendrait ici une solution économiquement garantie puisque la dépense ne concernerait que des succès, transformant ainsi la dépense en investissement de santé et comblant par la même occasion le déficit de confiance dont souffrent les entreprises pharmaceutiques. Des prix plus élevés que ceux des concurrents pourraient d'ailleurs être demandés, puisque seuls les résultats positifs seraient payés. L'efficacité thérapeutique serait récompensée à sa juste valeur et permettrait un retour sur investissement qui financerait la recherche-développement. C'est sans aucun doute un nouveau modèle de tarification à explorer.