A quelles conditions investir en Amérique latine

Malgré le ralentissement récent de la croissance, les entreprises européennes sont optimistes quant aux perspectives économiques à long terme de la région. Pour se donner toutes les chances de réussir, elles devront gérer les risques politiques et réglementaires et tisser un relationnel local. Par Clive Hassett , Directeur des Services aux Multinationales Europe pour ACE.

Au cours des 20 dernières années, l'attractivité de l'Amérique Latine n'a cessé de croître aux yeux des multinationales qui accordent à la région une importance stratégique.

Croissance soutenue et stabilité ont, selon la Banque Mondiale, permis de sortir près de 70 millions de personnes de la pauvreté, dont 50 millions ont rejoint  les rangs de la classe moyenne entre 2003 et 2011. La population de cette dernière dépasse, pour la première fois, celle des pauvres.

Le ralentissement de la croissance au Brésil et au Mexique, n'a pas empêché les économies de pays tels le Chili, la Colombie et le Pérou de connaître une forte croissance depuis 2009. Selon les données de la Banque Mondiale, le peloton de tête est constitué par le Paraguay, le Panama et le Pérou, suivis de près par la plupart des autres pays de la région.

 

Une bureaucratie tatillonne 

Bien que la région ait d'importants défis à relever, son développement devrait se poursuivre. La stabilité ainsi que la croissance économique ont attiré un nombre croissant d'entreprises européennes en Amérique Latine. L'intérêt ne se limite plus aux habituels secteurs de la construction et de l'énergie, mais provient aussi des secteurs manufacturiers, financiers, de la distribution et de bien d'autres encore.

Ces perspectives économiques à long-terme positives doivent cependant être tempérées par le développement des risques réglementaires, les catastrophes naturelles, les risques politiques ainsi que la bureaucratie tatillonne qui caractérisent nombre des pays de la région.

 

Un cadre réglementaire fragile

Le risque réglementaire est probablement le principal risque auquel les multinationales ont à faire face en Amérique Latine. Son importance dépasse, dans beaucoup de ces pays, celle des risques politiques.

L'une des retombées négatives du progrès économique et politique est le changement radical des lois et règlements dans de nombreux pays d'Amérique Latine. Une large palette de sujets a fait l'objet de modifications rapides, notamment dans les domaines de la protection du consommateur et des données, la lutte contre la corruption et la gouvernance d'entreprise.

Et l'Amérique Latine n'est qu'aux prémices de ses évolutions législatives. Une volatilité législative et règlementaire accrue dans les années à venir est à prévoir. 

 

Un risque pour les multinationales 

En effet, un grand nombre de pays a souhaité aligner sa législation aux normes internationales. Bien qu'ils essaient de reproduire les concepts qui sous-tendent les législations européennes ou des Etats-Unis, ceux-ci ne sont pas appliqués de façon uniforme et sont parfois teintés d'un certain protectionnisme.

Plusieurs pays Latino-Américains ont adopté des législations en matière de protection des données ces cinq dernières années. Le dernier exemple en date est l'avant-projet de Loi en matière de protection de la vie privée au Brésil. Ce sujet connaît une importance croissante dans la région, exacerbée par les récentes révélations de tentatives d'espionnage par les Etats-Unis. Les réactions des pays de la zone en la matière pourraient être source de risques pour les multinationales, pour lesquelles les échanges transfrontaliers de données sont d'une importance primordiale.

 

Une transition difficile vers la démocratie

Bien que l'Amérique Latine ait connu des violences et des révolutions, on constate une réduction notable des risques politiques depuis quelques années. Des pays comme la Colombie ont réussi à améliorer la sécurité en luttant efficacement contre la Guérilla marxiste des FARC, tout comme le Mexique qui a circonscrit la problématique des cartels de la drogue à certaines régions.

La stabilité politique de l'Amérique Latine n'a rien à voir avec ce qu'elle était il y à 10 ou 20 ans. La démocratie prend peu à peu ses droits dans la région, avec pour exemple les manifestations au Brésil contre le coût de la coupe du Monde organisées cette année dans ce pays.

 

Une libéralisation hétérogène

Certains pays, tels que le Chili et le Pérou, ont libéralisé leurs marchés de l'assurance, autorisant les compagnies à réassurer librement les risques et à intervenir sur base non-admis. D'autres, tels le Brésil et l'Argentine, continuent d'imposer des règles complexes en matière de réassurance.

Des problèmes d'ordre macro-économique en Argentine ont entraîné l'adoption de mesures visant à accroître les réserves en devises fortes. A ce titre, il a été demandé aux assureurs d'investir leurs portefeuilles en actifs locaux tout en restreignant le recours à la réassurance étrangère. De même, l'objectif de développement du marché interne de la réassurance a mené le gouvernement brésilien à revenir sur la libéralisation du marché tant attendue.

 

Des coûts de fonctionnement élevés

Celle-ci était intervenue en 2010, avec l'abolition du monopole du réassureur étatique IRB-Brasil Re. Constatant rapidement une perte de part de marché de l'IRB, le gouvernement a introduit un taux de cession obligatoire à l'IRB en 2012 et limité l'accès des assureurs locaux aux réassureurs étrangers.

Ces mesures ont pour conséquences d'une part, de limiter les possibilités d'intervention sur base non-admis par des assureurs étrangers, tant au Brésil qu'en Argentine et d'autre part, de restreindre les possibilités de réassurer des risques importants et/ou complexes en dehors de ces pays. L'autre conséquence notable est l'augmentation des coûts de fonctionnement des assureurs opérant sur ces marchés.

 

Pas de taille unique…..

Bien qu'elle constitue un ensemble de 581 millions de personnes partageant deux langues principales parlées, l'espagnol et le portugais, l'Amérique Latine n'en présente pas moins un visage hétéroclite. En témoigne la diversité des cadres juridiques, des risques politiques et économiques, des risques de catastrophes naturelles et des spécificités culturelles propres à chacun des pays qui le constituent.

Une entreprise étrangère implantée au Mexique devra, par exemple, porter une attention particulière à la sécurité du transport de ses produits vers le marché clé que constituent les USA, du fait des cartels de la drogue qui y sévissent. Au Brésil, le principal challenge sera de vaincre la bureaucratie, de préserver sa réputation et ses marges dans un marché très concurrentiel.

Les entreprises doivent prendre le temps. Le temps de comprendre les marchés dans lesquels elles opèrent ainsi que les habitudes et les goûts locaux. Construire une relation d'affaire basée sur la confiance et la personnalisation des rapports est essentiels pour les Latino-américains. Réussir en Amérique Latine impliquera de communiquer dans la langue du pays, de comprendre sa culture et d'être attentifs aux différences culturelles dans les relations humaines.

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Commentaire 1
à écrit le 24/06/2014 à 14:11
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Réponse: Comme d'habitude et comme pour tous les placements, que ça rapporte !

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