Déliquescence politique

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  468  mots
Par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l’Université de Paris 1 la Sorbonne, Président de j c g a*

Au lendemain d'un scrutin européen qui déclasse durablement notre pays dans l'espace européen, c'est comme si nous assistions à l'implosion programmée en prime time télévisuel de tout notre espace politique. Le toit semble être tombé sur les têtes politiques, toutes les têtes.

Un personnage inconnu du grand public des citoyens s'invite sur un plateau télévisé. Il semble grave, il parle d'engrenages, de trains à grande vitesse. Livide l'homme manque de s'évanouir, il dit vouloir dormir. On a du mal à tout comprendre. La journaliste qui l'interview, qui le connaît elle, semble partager ce terrible désarroi. On pourrait même croire qu'elle veut le consoler.

Un sacrifice implacable

Elle oublie de lui rappeler qu'il est, depuis la veille, élu français au Parlement européen après s'être imposé non sans mal comme tête de liste de la liste UMP de la circonscription Nord Ouest, qu'il porte l'ordre national du Mérite remis en son temps par Nicolas Sarkozy. Les yeux rougis par le remord, larmes de victime prétendue, ce jeune homme se sacrifie implacablement, tout en s'en défendant, ses patrons Jean-François Copé et Nicolas Sarkozy.

Dans la foulée, des spécialistes en communication célèbrent cette performance. Incroyable même, ils évoquent une prestation vérité. Est-ce un cauchemar ? Nous sommes bien en France, en mai 2014 ?

Un président inaudible

On se frotte les yeux, on se sert un verre, on s'effondre dans son canapé, on change de chaîne, et surprise, on découvre le Président de la République qui s'est lui aussi projeté dans les écrans en ce funeste soir. Il est debout, serrant les poings, il semble très déterminé. Mais on ne l'écoute pas vraiment. Il parle vite. On dirait qu'il veut en finir encore plus vite. On pense au direct, mais la séquence est enregistrée. Comme bâclée. Il y a cette mise en scène, invraisemblable, d'un autre siècle, drapeaux fripés, fausse bibliothèque … On perçoit des références à la défiance, à une épreuve douloureuse, il nous a entendu, il ne changera rien !

Sonnés nous aussi par ces implosions médiatiques successives, on se redresse sur « les partis européens progressent ». Lapsus terrible, non corrigé au cœur d'un message enregistré ! Enregistré comme l'intervention d'analyse de soirée électorale de Manuel Valls la veille. Le communiquant célébré semblait lui aussi pressé d'en terminer. Mal cadré, yeux hésitants, seul son débit lui ressemblait. Sommes-nous à ce point en crise, en déliquescence ? Et on s'étonne, les français ne vont plus aux urnes. Réveillons-nous avant qu'il ne soit trop tard !

 

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals