Pourquoi la Chine commence à se méfier d'IBM

Des sources officieuses, mais précises, laissent entendre que la Chine pourrait remettre en cause l’utilisation des grands serveurs IBM par les banques chinoises. Inscrite dans le cadre de l’affrontement géostratégique sino-américain sur la cyber-sécurité, cette menace pourrait cependant relever d’une manœuvre commerciale, au moment où IBM négocie avec le groupe chinois Lenovo. Par Jean-François Dufour, DCA-Chine Analyse

Les fuites évoquant l'avenir d'IBM en Chine sont suffisamment précises pour être prises au sérieux, et pour avoir été autorisées par les autorités chinoises.

Elles évoquent un examen, notamment par la Banque centrale et le Ministère des finances, de la vulnérabilité du système bancaire national, pour présentation des conclusions au groupe de travail sur la cyber-sécurité créé en 2013 et présidé par Xi Jinping.

 

Une dépendance réelle capacité de substitution

Si ces fuites s'inscrivent dans le cadre de la « cyber-Guerre Froide » sino-américaine, une semaine après l'inculpation de militaires chinois pour cyber-espionnage par la justice des Etats-Unis, la vulnérabilité envisagée est bien réelle.

Autour de 2010, IBM s'est en effet imposé comme le fournisseur presque exclusif de serveurs centraux aux grandes banques chinoises quand celles-ci ont accéléré leur informatisation.

Pour autant, la capacité de substitution nationale pour remédier à cette vulnérabilité paraît incertaine. Le groupe chinois Inspur, cité par les fuites comme une alternative, a présenté ses premiers serveurs de grande capacité début 2013 seulement. Se reposer sur cette faible expérience pour remplacer l'architecture du système bancaire national paraîtrait pour le moins hasardeux, malgré les capacités de progression technologique rapide avérées de la Chine.

 

Négociations commerciales

On ne peut par contre ignorer qu'IBM, aujourd'hui mis en cause, est en négociations, officialisées depuis janvier 2014, avec le groupe chinois Lenovo, pour l'acquisition d'une partie de son activité Serveurs.

Cette partie concerne les serveurs d'usage courant, et non les grandes unités centrales évoquées à propos des banques. Mais tout l'enjeu de cette acquisition - à la différence de celle des téléphones portables de Motorola un mois plus tard, où la marque était visée - consiste dans un transfert de technologies, pour un groupe qui entend maîtriser la plus grande part possible de la chaîne de l'industrie électronique.

Dès lors, un IBM soumis à pressions sur ses perspectives sur un marché lucratif en Chine, pourrait se montrer plus accommodant, dans les négociations en cours, sur l'ampleur de sa coopération avec son partenaire chinois pour l'aider à décoller sur ce créneau.

 

Un « champion national »

Lenovo, basé à Hongkong, présente un profil différent des grands groupes d'Etat chinois relevant directement du gouvernement.

Mais ce n'en est pas moins un « champion national » qui a ouvert la voie de l'internationalisation des entreprises chinoises - avec une première acquisition décisive, il y a dix ans, auprès d'IBM déjà, pour sa branche PC.

On ne peut dès lors écarter l'idée d'un coup de pouce dans le contexte d'une cyber-Guerre Froide dont les tenants et les aboutissants sont de toute façon essentiellement commerciaux.

 

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