Présidence de la Commission européenne : le jeu risqué des chefs d'Etat

Alors que la commission européenne se politise, les chefs d'Etat et de gouvernement sont tentés par une confrontation avec le parlement européen sur la désignation du futur président de la commission. Ils ne se satisfont pas de Juncker et Schultz, candidats des députés. Par Adrien Sellez, consultant senior Elan Brussels, en partenariat avec Elan Brussels

43.09%. Le taux d'abstention au scrutin européen des 22-25 mai 2014 ? Non, il s'agit bien du taux de participation : moins d'un électeur européen sur deux s'est donc rendu aux urnes pour élire ses eurodéputés et choisir, a priori, le futur président de la Commission européenne, censé donner l'orientation de l'UE pour les cinq prochaines années. Pour la première fois depuis 1979 (date des premières élections européennes au suffrage universel direct, ndlr), ces élections devraient avoir un impact direct sur l'orientation politique de la Commission. Pourtant, très peu de citoyens connaissent les deux principaux candidats au poste de président de la Commission, notamment en France. Selon un sondage TNS-SOFRES-SOPRA GROUP du 28 avril dernier, 56% des français ne connaissaient ni Jean-Claude Juncker, candidat de la droite européenne (Parti Populaire européen, PPE), ni Martin Schulz, candidat de la gauche européenne (Socialistes et Démocrates, S&D).

Et quand bien même, plusieurs chefs d'Etat et de Gouvernement ont clairement indiqué qu'ils entendaient garder la main sur la nomination du président de la Commission européenne, Mme Merkel au premier chef. Cette volonté de politiser la présidence de la Commission serait donc un vœu pieux ?

 

Le PPE en tête, Juncker Président de la Commission européenne ?

Si la droite européenne emmenée par Jean-Claude Juncker (PPE) est arrivée en tête de ce scrutin, avec 28.36% des voix, elle perd néanmoins 63 sièges et réunira donc 213 députés (contre 275 auparavant), devant les Socialistes et Démocrates du candidat Martin Schulz (S&D), qui rassemblent 25.30% des suffrages et obtiennent 191 sièges (3 de moins qu'en 2009-2014). Avec respectivement 64 et 52 sièges, l'Alliance des Démocrates et Libéraux d'Europe (ADLE), emmenés par Guy Verhofstadt, et les Verts/ Alliance libre européenne de Ska Keller demeurent les 3ème et 4ème forces politiques au Parlement, mais ne peuvent prétendre au poste de Président de la Commission européenne.

En vertu de ce résultat, et malgré la perte d'influence du PPE au sein de l'hémicycle européen, Jean-Claude Juncker a donc annoncé sa victoire, dès le 25 mai, et son intention d'entamer des négociations avec les autres groupes politiques européens, notamment les socialistes, mais aussi les libéraux. Pour être adoubé par le Parlement, Juncker doit en effet obtenir la majorité absolue à Strasbourg, soit au minimum 376 voix sur 751.

Or, même avec les libéraux, le candidat du PPE ne recueille pas cette majorité, à 100 voix près : un accord avec le groupe S&D est donc nécessaire. La Conférence des Présidents du Parlement européen, réunissant les présidents des groupes politiques européens, a donc, dès le 27 mai, invité le Conseil européen à entreprendre les négociations interinstitutionnelles avec Jean-Claude Junker, dans l'optique de l'attribution de la Présidence de la Commission européenne.

   
Des leaders européens qui tiennent à leur pouvoir discrétionnaire


Les chefs d'Etat et de Gouvernement, réunis le 27 mai pour un diner informel à Bruxelles, ne l'entendent cependant pas de cette oreille : ils ne comptent pas donner de mandat à Jean-Claude Juncker pour former une majorité parlementaire capable de le porter à la tête de la Commission européenne, et ont confié cette tâche à Hermann Van Rompuy, le président du Conseil européen. Comprenne qui pourra !

Le président du Conseil européen a désormais un mois pour discuter avec les différentes formations du Parlement afin de s'accorder sur le nom du futur président de la Commission européenne : ce dernier doit en effet obtenir une double majorité, au niveau des chefs d'Etat et de Gouvernement tout d'abord, puis au Parlement européen.


Le jeu risqué des chefs d'Etat européens

Officiellement, M. Van Rompuy doit s'atteler à définir une feuille de route politique pour les cinq prochaines années, « travailler davantage sur le contenu que sur les personnes », notamment sur les questions d''emploi, de croissance, et du fonctionnement de l'union économique et monétaire.

Le nom de Jean-Claude Juncker, dont la candidature a été bloquée par plusieurs États membres (notamment le Royaume-Uni et la Suède), n'apparaît d'ailleurs nulle part dans la déclaration de Van Rompuy à l'issue de la réunion informelle des leaders européens le 27 mai au soir. Les chefs d'État et de gouvernement jouent cependant un jeu risqué : s'ils venaient à nommer un autre candidat que Jean-Claude Juncker ou Martin Schulz, ils courent le risque de se mettre les députés européens à dos, alors que leur approbation est nécessaire pour désigner non seulement le président de la Commission, mais aussi le Collège des Commissaires dans son ensemble. Or, plus que jamais, l'Union européenne doit rapidement se remettre en ordre de marche pour s'atteler aux défis qui ne manquent pas (situation en Ukraine, relance de la croissance, réponse au changement climatique, politique énergétique européenne, etc.).

Une politisation renforcée de la commission européenne

La politisation de la Commission européenne se renforce effectivement, puisque les Chefs d'Etat et de Gouvernement préparent pour la première fois une véritable « feuille de route » qui devrait marquer le mandat 2014-2019. En revanche, la question de la corrélation entre la majorité au Parlement européen et l'orientation politique de la Commission européenne - et au premier chef celle de son président - demeure. Le peu d'électeurs européens ayant fait le déplacement se verront-ils confisquer le droit de choisir « leur » président de la Commission européenne ? La guerre des coulisses à Bruxelles ne fait que commencer, dans la plus grande discrétion, et sans que personne ne s'en émeuve réellement…

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Commentaires 2
à écrit le 04/06/2014 à 17:48
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@ Menopause : si c'était aussi simple ça se saurait... Par contre on n'est pas au bout de nos surprises... entre commission européenne, conseil européen, parlement, la valse des nominés ne fait que commencer

à écrit le 04/06/2014 à 14:28
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C'est madame merkel qui va choisir C Lagarde! deux taties daniele acariatres

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