Le fisc verrouille le crédit impôt recherche, les entreprises s'inquiètent

Par Florence Joseph  |   |  652  mots
Soucieux de recadrer le mécanisme du Crédit impôt recherche, le fisc empêche les sous-traitants de l'imputer. Un revirement de dernière minute lourd de conséquences. par Florence Joseph, Responsable de la commission Financement Fiscal de l'Innovation de l'Association des Conseils en Innovation

L'administration fiscale a mis à jour le 4 avril dernier la base BOFIP-Impôt concernant sa doctrine relative au crédit d'impôt recherche. Outre les modifications apportées par la Loi de Finances pour 2014 (assouplissement des conditions liées aux jeunes docteurs et harmonisation des règles de territorialité applicables aux dépenses de protection industrielle éligibles au CIR), l'administration a intégré des clarifications doctrinales majeures impactant la prise en compte des dépenses de R&D confiées aux organismes de recherche privés.

 Deux évolutions inquiètent les sous-traitants

Deux évolutions font principalement réagir vivement les sous-traitants, cible de ces nouvelles mesures :

- Cela signifie désormais que l'organisme privé agréé à qui la réalisation des opérations de R&D a été confiée, ne peut plus intégrer dans l'assiette de son CIR le montant des dépenses excédant ces plafonds.

-  L'organisme privé doit, en principe, quel que soit le statut du donneur d'ordre, déduire de la base de calcul de son propre CIR les sommes reçues en contrepartie de la réalisation des opérations de recherche qui lui ont été confiées par le donneur d'ordre, exception faite lorsque le donneur d'ordre est un organisme public ou une entreprise étrangère.

 Contraire à l'esprit du dispositif

De tels changements paraissent contraires à l'esprit du dispositif dont l'objectif était jusqu'à présent d'éviter qu'une même dépense n'ouvre droit deux fois à un crédit d'impôt. En effet,l'instruction du 8 février 2000 précisait : « si l'entreprise, qui a acquitté ces travaux de recherche, ne bénéficie pas elle-même du crédit d'impôt recherche (en l'absence d'option par exemple), il convient à l'organisme de recherche de prendre les sommes correspondantes en compte pour le calcul de son propre crédit d'impôt ».

 Perte du crédit impôt recherche égale augmentation du coût des prestations

Ces clarifications doctrinales parues moins d'un mois avant le dépôt des déclarations de CIR pour les sociétés clôturant leur exercice au 31 décembre viennent donc modifier grandement le sort des sociétés prestataires de recherche agréées. En effet, dans la majorité des cas, ces dernières se retrouvent privées au dernier moment de la possibilité de bénéficier d'un CIR sur leurs dépenses de recherche, quand bien même le donneur d'ordre n'en bénéficierait pas lui-même sur ses dépenses en raison de l'atteinte des plafonds ou de son choix de ne pas bénéficier du dispositif.

En plus de la conséquence directe qu'est la perte du CIR pour les entreprises agréées, l'augmentation de facto du coût des prestations de recherche est à craindre pour les donneurs d'ordre - les sous-traitants n'ayant pas d'autres choix pour maintenir leur rentabilité face à la concurrence internationale.

 Une vision clairement restrictive

Cette vision clairement restrictive de la part de l'administration fiscale instaure ainsi une distorsion de concurrence entre d'une part les sociétés prestataires de recherche françaises agréées au CIR et celles ne bénéficiant pas de l'agrément. D'autre part, elle avantage clairement les sociétés européennes agréées au CIR puisque rien ne les empêche de bénéficier dans leur propre pays d'un dispositif similaire au CIR.

Enfin, alors que le gouvernement prône depuis plusieurs mois stabilité et sécurité fiscale pour les entreprises, la date d'entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions (à compter du CIR 2013 ou 2014) reste floue pour les acteurs concernés même si la prudence invite à mettre en œuvre ces dispositions dès le CIR déposé au titre des dépenses engagées en 2013. Nul doute que ces évolutions donneront lieu une fois encore à de nombreux contentieux qui permettront de trancher sur la position de l'administration jugée abusive par de nombreux acteurs.