Relancer la demande sans sacrifier la compétitivité

Keynes fait partie de ces grandes figures tutélaires dont on ne se débarrasse pas comme ça. Toute une génération d'économistes s'est affirmée en brulant l'icône avant crise. Beaucoup l'ont réhabilité dans la détresse de 2008, et l'on s'entre-déchire aujourd'hui à nouveau en son nom.
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR

De plus en plus de noms s'élèvent en France aussi bien du côté des députés de la majorité que des experts pour en appeler à un soutien accru à la demande afin d'éviter d'étouffer dans l'oeuf une reprise qui se meurt. Ce dilemme cornélien entre soutien à l'offre ou soutien à la demande est insoluble si on l'aborde uniquement au plan national.

Chacun pressent bien sûr que nos politiques de compétitivité sont une formidable machine à déflation qui détruit de l'assiette fiscale et se retourne à long terme contre l'objectif de consolidation budgétaire. Mais chacun peut admettre aussi que la France perd du terrain sur le plan industriel et que les déficits ont probablement atteint un seuil critique ; sans beaucoup d'éléments de preuve d'ailleurs, tant les marchés sont consentants pour absorber de la dette souveraine aujourd'hui.

Mais on pose trop souvent la question de l'arbitrage entre politique de soutien à la demande et politique de soutien à l'offre dans le cadre étroit hexagonal. Si l'on soulevait le débat au plan européen, existe-t-il vraiment l'ombre d'un doute sur le fait que la zone souffre d'un déficit de demande ? Les excédents qui s'accumulent sont d'abord le fait du ralentissement des importations et de notre décalage de croissance avec le reste du monde. Le taux de chômage et le degré d'utilisation des capacités ne créent aucun risque d'inflation, et instillent même la déflation de plus en plus profondément dans nos économies.

Plus que cela, l'Europe par sa stratégie mercantiliste, aggrave les déséquilibres du monde et loupe le rendez-vous historique d'un recentrage de la croissance mondiale sur les économies développées. Sa préférence pour l'épargne en fait une zone dépressionnaire qui aggrave la déflation larvée qui gangrène l'économie mondiale. La concurrence fiscale à laquelle elle se livre déstabilise le reste du monde. Face à l'offensive européenne, Etats-Unis comme Japon songent aujourd'hui à baisser leur imposition sur les sociétés.

Enfin, son absence globale de soutien à la demande :

  • Ralentit la faisabilité des réformes de structure dans les pays qui en ont besoin, au premier rang desquels la France. La France qui se voit contrainte de jouer la double partition d'une politique de l'offre et de la demande, au détriment des déficits et de l'efficacité, là où les rôles pourraient être répartis entre pays européens.
  • Risque de faire perdre toute efficacité à la politique monétaire, qui ne parviendra pas à relancer la machine du crédit sans perspective de croissance des débouchés pour les entreprises.

Au final, on peut être keynésien et partisan d'une politique de l'offre, keynésiens pour les autres et partisan du soutien à l'offre chez nous.

>> Plus de vidéo sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique 

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Commentaire 1
à écrit le 25/06/2014 à 8:25
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Keynes ne connaissait pas la mondialisation! Aujourd'hui, toute incitation à la consommation en Europe se reporterait en grande partie vers les produits"made in Asia". Quel impact sur notre croissance et notre taux de chomage ??

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