Baby Loup : en dépit des apparences, rien n’est réglé

Par Malik Douaoui  |   |  567  mots
Le licenciement pour "faute grave" de l'employée voilée de la crèche Baby Loup a été confirmé par la Cour de cassation. Mais la saga judiciaire est loin d'être terminée...

La Cour de cassation, réunie en assemblée plénière, parait avoir mis un terme le 25 juin 2014 au conflit qui opposait la crèche Baby Loup à une de ses anciennes salariées, licenciée pour faute grave pour avoir refusé d'ôter son voile, en méconnaissance du règlement intérieur de la crèche qui imposait à ses salariés le « respect des principes de laïcité et de neutralité ».

La Cour de cassation met ainsi fin à une saga judiciaire qui avait commencé en 2010 et défrayé la chronique. Elle juge fondé le licenciement pour faute grave, prenant le contre-pied d'une précédente décision rendue par la chambre sociale le 19 mars 2013, et donnant raison aux premiers juges (Conseil de prud'hommes et Cours d'appel) qui avaient rejeté les recours de la salariée contre son licenciement. 


L'histoire est loin d'être finie 

L'affaire parait donc terminée : la laïcité a vaincu, la liberté pour le salarié de manifester ses croyances religieuses a été contenue et le droit pour l'employeur de sanctionner un salarié qui méconnaît le devoir de neutralité religieuse qu'il a édicté pour le bon fonctionnement de son entreprise a été reconnu. Cerise sur le gâteau : les débats sur l'opportunité de modifier la loi pour conforter le principe de laïcité un temps mis en danger par la liberté religieuse apparaissent maintenant hors de propos. Tout est donc bien qui finit bien. L'histoire est en réalité bien plus compliquée et loin d'être terminée.

Tout d'abord, la saga judiciaire pourrait bien se poursuivre, la salariée ayant affiché son intention de saisir la Cour européenne de droits de l'homme. Ensuite et surtout, la Cour de cassation a brouillé les pistes en faisant une application contestable de règles bien établies.

Dans une entreprise qui ne gère pas un service public, la liberté pour les salariés de manifester leurs croyances religieuses peut être restreinte, pour autant toutefois que ces restrictions soient justifiées et proportionnées. L'étaient telles dans l'affaire Baby Loup ? Les restrictions étaient bien justifiées, eu égard à la nécessité de protéger la liberté de conscience des enfants, qui sont vulnérables et influençables.

 

Insécurité et divergence 

En revanche, ces restrictions n'étaient pas proportionnées, au regard des termes du règlement intérieur qui imposait une restriction « générale et imprécise », applicable à tous les salariés, comme l'avait jugé initialement la Cour de cassation avant de changer d'avis une fois réunie en assemblée plénière ... Celle-ci juge au contraire la restriction proportionnée dans les faits, eu égard à la dimension réduite de la crèche, « employant seulement dix-huit salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents ».


Comment demain les juges se prononceront-ils sur le caractère proportionné ou non de la restriction apportée par l'employeur à la manifestation par le salarié de sa liberté religieuse ? A coup sûr, insécurité juridique et divergence de vues risquent d'être au rendez-vous, puisque au plus haut de la hiérarchie judiciaire, les avis divergent... Examinez le texte nous dit la chambre sociale, ne vous y fiez pas avertit bizarrement l'assemblée plénière mais prêtez attention à son application concrète. Nous voilà bien partis pour une autre histoire.