La déflation mine la croissance

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  546  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
Les dernières annonces du gouvernement sont claires : si une faible croissance pèse sur les rentrées fiscales, une faible inflation a des conséquences budgétaires négatives sur les recettes comme sur la dette. François Hollande a évoqué le "risque déflationniste", déjà évoqué par Manuel Valls vendredi dernier, inquiet par un "risque de déflation réel". Olivier Passet explique ici en quoi notre faible régime d'inflation est problématique pour la croissance.

Il y a d'abord ceux qui dénient la gravité du problème. Après tout nous ne sommes pas en déflation, puisque il reste un mince filet de progression des prix que l'on se réfère à l'indice des prix à la consommation ou à l'inflation sous-jacente, qui isole la part la moins instable de l'inflation.

Autrement dit nos économies ne sont pas entrées dans le grand trou noir de la déflation, au sens strict du terme,  celui qui entraine l'ensemble des prix et des salaires à la baisse et conduit les agents à reporter à demain leurs achat d'aujourd'hui. Un cercle vicieux qui aspire inexorablement l'économie réelle vers le bas.

Bien sûr nous n'en sommes pas là. Mais le régime de très faible inflation que traverse l'économie française ne doit pas être minimisé pour autant :

  • D'abord, parce qu'une moyenne très faible,  recouvre inévitablement des situations de baisse de prix sur certains segments et notamment sur celui des produits manufacturés où la baisse atteint -0,7% sur un an.
  • Ensuite parce que les prix à la consommation ne sont que la partie émergée de la pyramide des prix. Lorsque l'on descend un peu plus profond dans cette pyramide, les choses se dégradent. Les déflateurs de la valeur ajoutée nous donnent notamment une idée de l'évolution des prix des biens et services produits, sur le territoire, ou dit autrement de la valeur créée sur le territoire. Ils montrent notamment que pour toute un série de secteurs, la baisse des prix est déjà une réalité : pour les activités manufacturières, l'ensemble des secteurs liés à l'information ou le commerce notamment.

Par ailleurs, même nous sommes plus proche d'un régime d'inflation-zéro que d'une déflation proprement dit, cette situation est pénalisante pour l'activité :

  • Premièrement, parce que l'absence d'inflation génère des rigidités. Une entreprise en mal de compétitivité notamment, n'a que très peu de levier pour se remettre dans les rails. La modération salariale suffirait à restaurer sa compétitivité dans un contexte d'inflation. En inflation-zéro, il lui faut obtenir une baisse absolue des salaires et de ses coûts d'approvisionnement... un objectif souvent inatteignable. Et ce que je dis là est généralisable à l'ensemble d'une économie. La seule issue sera pour elle de comprimer ses marges et de différer ses projets d'investissements.
  • Deuxièmement parce qu'un régime de faible inflation et de faible taux d'intérêt est favorable à la valorisation du prix des actifs. Les opportunités de leviers tendent à reporter l'inflation sur les marchés d'actif.
  • Troisièmement, dans ce contexte de taux très faibles et de forte potentialité de hausse du prix des actifs, il est beaucoup plus intéressant pour les entreprises bien portantes de se développer par croissance externe et par LBO. Et la croissance externe par rachat d'actif revient à consolider des secteurs, mais son impact en termes de croissance est très incertain.

Il ne faut pas s'y tromper. Le mouvement de reprise s'enraye aujourd'hui en France. Et la déflation larvée qui contamine l'Europe est bien la cause majeure de ce nouveau coup de mou de l'activité.