Nicolas Sarkozy déclassé et en sursis

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  951  mots
Nicolas Sarkozy a brûlé la formidable cartouche du 20 heures pour ne parler que de lui. Il ne lui suffira pas de se montrer combatif pour avoir la moindre chance de revenir Par Jean-Christophe Gallien, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

 Même si derrière l'accusation grave de « corruption active », le risque de l'inéligibilité pointe, c'est moins cette nouvelle séquence judiciaire frappant Nicolas Sarkozy que l'atmosphère générale qui a mobilisé l'engagement d'une contre mesure aussi puissante que le 20h de TF1. La riposte médiatique la plus exceptionnelle qui soit. Devant plus de 8 millions de français, l'ex-Président de la République est apparu très en colère. Prêt à en découdre avec des adversaires qu'il a désigné sans ménagement. On voudrait le tuer politiquement. Il ne se laissera pas faire.

Une fenêtre de tir...

Loin de la débâcle annoncée, dans sa défaite très mesurée de 2012, Nicolas Sarkozy avait poussé la porte d'une suite politique possible sinon probable. Il avait même finalement battu Marine Le Pen qui pensait pourtant l'éliminer. Quelques mois plus tard, s'est même ouverte une fenêtre de tir, celle des regrets de nombreux électeurs qui l'avait abandonné.

C'était avant les hésitations du Commandeur de l'UMP, avant la dolce vita avec Carla vendue aux magazines people et aux médias en général, avant les affaires qui s'enchaînent non seulement pour la classe politique dans son ensemble, pour l'UMP son parti, et surtout pour lui-même.

La fin de la "Sarkonostalgie"

En ce printemps 2014, il n'y a plus vraiment de « Sarkonostalgie ». Sa popularité diminue au fil des épisodes judiciaires, Bygmalion et maintenant celui des écoutes. On évoque même parfois les contours incertains de la campagne de 2007 et que dire de celle d'Edouard Balladur en 1995 et son financement toujours en question .

Le leadership de Nicolas Sarkozy, son autorité ont été très contestés ces dernières semaines. D'abord par l'envie de certains de le voir définitivement tourner la page et de disparaître du champ politique actif. Par d'autres aussi qui expriment, au grand jour désormais, une lassitude quant aux alternances des postures narratives utilisées par l'ex-président, tour à tour dans le registre du recours, puis du devoir ou celui de la nécessité. Les mêmes qui regrettent le doute né de l'incertitude d'un retour toujours annoncé mais sans cesse repoussé. Ne restent dans l'espérance que les fidèles de Nicolas Sarkozy.

Brûler la formidable cartouche du 20 heures...

On sent bien que c'est davantage ce climat général, cette atmosphère lourde et menaçante pour ses ambitions qui l'ont poussé à réagir maintenant et brûler la formidable cartouche du 20 heures, au cœur de la tourmente. Il aurait pourtant pu attendre qu'une éventuelle victoire des bleus face à l'Allemagne ce vendredi ne balaient l'épisode dans sa magie collective.  Il aurait même pu laisser passer la douceur de l'été, son tour de France et ses grandes vacances.

... en oubliant de parler des Français

Il a choisi de réagir et de tenter de reprendre la main, même de manière éphémère. En se projetant au delà du contexte, en se reliant aux français directement, en abordant leurs difficultés, ses propositions de solutions, son engagement, sa vision, ... Non il n'en fut rien. Nicolas Sarkozy a juste tenté de déplacer l'enjeu de la séquence, de sa faute présumée vers le complot d'un système qui le pourchasse. Il a parlé de lui, de ses malheurs, pas de ceux des français, encore moins d'eux.

Un simple acte d'audience

Pire cette intervention fut projetée en réaction à une séquence non maîtrisée, au cœur d'un contexte dramatique de première garde à vue pour un Président dans l'histoire de Cinquième République. Un déclassement central pour celui qui se voulait, il y a peu, le Guide défenseur d'une France dans la tempête et qui se présente mercredi soir en bagarreur allant régler ses propres comptes tout en en appelant au soutien du Peuple.

Certes Nicolas Sarkozy fait vendre, nous l'écrivions récemment, et les français étaient pour une partie d'entre eux au rendez-vous de l'ex-président. Mais cet appel à la mobilisation générale, en sa faveur, contre une justice et un exécutif avides de revanche, a très peu, trop peu de chance de mobiliser qui que ce soit au delà des clients extrêmes du sarkozysme.

Cette séquence pouvait créer une valeur politique élargie si scénarisée, mise en scène et jouée positivement dans une démarche de (re)conquête. Dans ce contexte, ce ne fut qu'un acte d'audience.

La combativité ne suffit pas

Nicolas Sarkozy reste en vie politique mais il ne peut plus penser gagner ainsi. Sa marge de supériorité n'existe plus. Il doit certes nourrir la fidélité de ses troupes mais même au sein de l'UMP, il lui faut séduire, emporter, créer la préférence, pas seulement démontrer la combativité d'un homme politique qui se plonge lui même au cœur d'un discrédit se généralisant et qui de ce fait se banalise, nourrit grassement le célèbre « tous pourris » et conforte définitivement le non moins partagé « y'a pas de fumée sans feu » ...  8% des français font confiance aux partis politiques. 69% des français jugent que la démocratie fonctionne mal. 87% des français pensent que les hommes politiques ne se préoccupent pas de leurs problèmes et 65% estiment qu'ils sont corrompus ! Qui dit mieux !

 

*Président de j c g a, Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals