Le poumon vert de la planète à la rescousse de l'économie brésilienne

L'exploitation de l'Amazonie a fortement contribué à la croissance brésilienne sous la présidence Lula. Aujourd'hui, le pays en paie le prix environnemental. Par Christopher Dembik, analyste, Saxo

Croissance en berne, au mieux de 1% cette année, montée des tensions sociales, la tentation est grande pour le Brésil de rentabiliser au maximum les 5 550 000 km2 de forêt tropicale qu'il possède. Depuis les années 2000, l'exploitation intensive de l'Amazonie a permis de contribuer significativement au PIB national. L'émergence progressive au sein de la société brésilienne d'une conscience écologique soulève toutefois peu d'espoirs à propos de la préservation à court et moyen terme de ce poumon vert de la planète tant les enjeux économiques sont importants.


Panorama de l'économie amazonienne

Dans l'imaginaire collectif brésilien, l'Amazonie est perçue comme une nouvelle frontière économique, à l'instar de ce qu'a pu être l'Ouest américain au 19ème siècle. Cette perception, comme souvent, est entretenue par la culture populaire. Ainsi, le film « Bye, Bye Brasil » (1980) vante les opportunités de cette « terre promise » et a participé aux vagues d'immigration des classes les plus défavorisées vers cette région. Trente-quatre ans après cette œuvre cinématographique, l'Amazonie fait moins rêver. En revanche, elle a été pleinement intégrée à la machine économique brésilienne.

Economie Amazonienne

Ainsi, l'Amazonie est divisée en cinq secteurs d'activité principaux :

  • L'agriculture traditionnelle, concentrée autour de l'élevage, représentant 17% de la valeur totale nationale, et des matières premières agricoles destinées à l'exportation vers l'Asie.
  • L'exploitation du bois, dont 80% de la production se fait de manière illégale.
  • L'industrie minière, qui est le cœur historique de l'économie de la région, et participe à la production nationale à hauteur de 7%.
  • L'économie de la biomasse, avec le développement, sous l'effet d'incitations gouvernementales, des biocarburants à partir du soja et de la canne à sucre.
  • L'énergie hydraulique, avec le projet de barrage de Belo Monte qui devrait être le troisième plus grand barrage du monde en termes de production énergétique.


La face cachée des années Lula

En fait, l'exploitation économique de la forêt tropicale remonte aux années 70 mais son intensification et la mise en oeuvre de grands travaux d'infrastructure autour des artères de la transamazonienne et de l'Inter-océanique, reliant le Brésil au Pérou, coïncident avec les années Lula. La priorité affichée par l'ancien président était alors de lutter contre l'extrême pauvreté et de réduire les inégalités de revenu, un pari réussi, mais qui impliquait de maintenir un rythme de croissance soutenu sur la période.

Dans cette perspective, l'Amazonie était inévitablement un rouage essentiel de la dynamique économique brésilienne, allant jusqu'à participer, de nos jours, à hauteur de 8% au PIB national. C'est effectivement  moins que les poumons économiques que sont Sao Paulo et Rio de Janeiro mais le potentiel de croissance est plus élevé avec, sur la période 2002 - 2011, une explosion du PIB amazonien de l'ordre de 77%.

Cause de la déforestation au Brésil

Le renforcement significatif à partir de 2004 des relations commerciales entre le Brésil et la Chine (Episode 3 : L'encombrant ami chinois) a marqué une accélération de l'exploitation de l'Amazonie pour répondre à l'appétit de l'Empire du Milieu, sur des créneaux aussi divers que l'éthanol ou la culture du soja. Ainsi, la région exporte près de 50% du soja, de la canne à sucre et du café brésiliens, essentiellement vers l'Asie de l'Est.

En dépit d'une posture sur la scène internationale favorable à la préservation de la biodiversité amazonienne, le Brésil n'est pas disposé à sacrifier le potentiel économique amazonien. Pour preuve, les nombreux organismes chargés de lutter contre la déforestation sont souvent minés par la corruption (Episode 2 : Les mystérieuses cités d'or du Brésil) et souffrent d'un manque chronique de moyens humains et financiers. Sans surprise.

Coût environnemental versus gain économique : le bilan

La situation du Brésil n'est toutefois en rien unique. Le pays est confronté à une problématique que rencontrent de très nombreux pays émergents. Comment concilier les besoins grandissants d'une population aspirant à intégrer la classe moyenne et la préservation des ressources naturelles ? Les gouvernements successifs ont fait le choix de privilégier l'impératif économique, considérant l'Amazonie comme le moteur naturel de développement du pays.

Le développement au cours des quinze dernières années d'une classe moyenne dans le pays s'est accompagné d'une sensibilisation accrue aux enjeux écologiques et au coût environnemental de l'exploitation économique intensive des ressources naturelles de l'Amazonie. Cependant, ces préoccupations sont encore récentes et n'ont eu un réel écho politique qu'en 2010 lorsque la candidate du Parti des Verts a réussi à rassembler sur son nom près de 20% des suffrages au premier tour.

Le coût environnemental de l'exploitation de l'Amazonie reste difficile à chiffrer. Les premières externalités négatives permettent toutefois d'en percevoir les implications. Ainsi, de 2003 à 2008, selon des études officielles, la région, de manière inattendue, a rejeté plus de CO2 que la France.Peut-on espérer revenir en arrière ? Etant donné les difficultés économiques et sociales dans le pays, la réponse est non. Sans l'ombre d'un doute. 

 

Pour aller plus loin : 

>> Les ratés du miracle brésilien 

>> Investir au Brésil, oui mais sous quelles conditions ?

>> Brésil : l'encombrant ami chinois 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 4
à écrit le 08/07/2014 à 16:36
Signaler
L'Amazonie, poumon de la planète. Un poumon n'est-il pas censé absorber de l'oxygène et rejeter du CO2?

à écrit le 08/07/2014 à 13:03
Signaler
Quand va-t-on enfin cesser de qualifier l'Amazonie de poumon vert ? Elle ne l'est pas et ne l'a jamais été ! Ce type de forêt primaire ne dégage pas plus d'oxygène que de CO2 en raison des végétaux en décomposition qui s'y accumulent.

à écrit le 08/07/2014 à 10:16
Signaler
Quand? Les pays quels qu'ils soient, finiront-ils par prendre conscience, que leurs frontières ne sont que virtuelles et que la planète ne leur appartient pas!! Ce qui se passe en Amazonie a de très graves répercussions climatiques mondiales, quant a...

à écrit le 08/07/2014 à 7:49
Signaler
L'Amazonie n'est plus un poumon vert. Celle-ci a dorénavant l'apparence d'un poumon de cancéreux en phase terminale avec métastases.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.