Elections indonésiennes : une dynamique toxique

Les élections indonésiennes - très contestées - ne seront pas sans conséquences pour le pays. Analyse, par Quentin Gollier, consultant en stratégie.

Ayant eu à choisir entre le souvenir nostalgique de la dictature militaire et les efforts réformateurs d'un jeune gouverneur, le destin de l'Indonésie repose aujourd'hui entre les mains des acteurs de son fragile processus électoral.

Des candidats polarisés

Considérant la variété des groupes de peuplement éparpillés sur l'ensemble de l'archipel formant l'Indonésie, Elizabeth Pisani, dans « Indonesia etc. », conclut que « ces différents peuples vivent essentiellement à différentes périodes de l'histoire humaine ». Ayant dû voter pour des candidats extrêmement polarisés, un magnat ex-militaire éduqué à l'étranger et un ancien vendeur de meubles ayant douloureusement gravi l'échelle sociale jusqu'à la position enviable de maire de Jakarta, ce pays de 240 millions d'habitants a été amené durant cette élection à choisir entre les représentants de deux ères. Les candidats ayant désormais chacun proclamé leur victoire, la tension commence à s'accumuler avant la publication des résultats officiels, le 22 juillet.

Pouvant compter sur d'importants soutiens financiers et un staff chevronné, l'ancien lieutenant-général Subowo Prabianto est parvenu à défier les attentes de nombreux observateurs en grignotant progressivement les 39 points d'opinion qui le séparaient de son rival Jokowi, l'ultra-favori maire de Jakarta. Mettant en place une campagne très agressive centrée sur le repli du pays sur ses fondamentaux économiques et le rejet de la mondialisation, M. Prabianto a également répété sa volonté de ramener l'Indonésie à un mode de fonctionnement politique plus autoritaire et centralisateur sur le modèle de l'ancien dictateur Suharto, allant jusqu'à vanter la « remise à l'heure » de la démocratie indonésienne.

Un résultat contesté 

Jouant sur son côté « bad boy », obtenu après une longue série de tortures sur des opposants politiques pendant son service dans les forces spéciales, il n'a pas hésité à monter des évènements très spectaculaires, allant jusqu'à entrer en hélicoptère dans un de ses meetings à Java, avant d'enfourcher un taureau mécanique symbolisant l'« oppression » des multinationales étrangères. De son côté, le timide et réservé Jokowi a mené une campagne très locale. "Je vais sur le terrain" commence-t-il pour décrire son style, "je vais aux villages, je vais sur les rives, je vais au marché pour rencontrer les gens. Je leur demande ce qu'ils veulent et ce dont ils ont besoin, et nous donnons des solutions". "Honnête, Propre, Modeste" était une des pancartes les plus brandies par ses militants de terrain, trois qualités dont l'Indonésie a désespérément besoin mais qui résonnent bien mal face à l'énergie du folklore déployé par son adversaire.

Ayant apparemment perdu l'élection malgré tout, par une fine marge (entre 2% et 4%), Subowo Prabianto n'a pas attendu plus de quelques heures pour déclarer sa victoire après la fermeture des urnes, se basant comme la plupart des médias sur ses « quicks counts » à la sortie de certains des 470.000 bureaux de vote que compte le pays. Basée sur une bureaucratie extrêmement lourde, la démocratie indonésienne est également assez jeune, et les allégations de fraude n'ont donc pas tardé à voler d'un côté comme de l'autre, des rumeurs allant jusqu'à dénoncer l'assaut de bureaux de vote par les forces spéciales (les « ninjas ») de l'ancien militaire.

Dynamique toxique

La circonscription natale de M. Prabianto n'a en tous les cas recensé aucun vote pour M. Widowo, ce qui est tout à fait douteux étant donné la résidence de plusieurs équipes de campagne de ce dernier dans cette région. Le calme continue toutefois de prévaloir, mais l'annonce officielle des résultats, le 22, reste encore lointaine. Un long combat judiciaire entre les deux camps auprès de la Court Constitutionnelle est également à envisager si la marge de victoire de Jokowi est inférieure à un ou deux points de pourcentage.

Après une campagne déjà marquée par de vicieuses attaques sur l'entourage des candidats (Mr. Widowo ayant par exemple été décrit comme étant en réalité un "sale chrétien" malgré son récent pèlerinage à la Mecque), une poursuite de cette dynamique toxique aurait des conséquences dramatiques sur la crédibilité du mandat du président qui sera finalement élu. Pis, le 1er juillet de Akil Mochtar, l'ancien président de la Cour Constitutionnelle, a été condamné à la réclusion à perpétuité pour corruption, mettant en jeu l'intégrité de cette instance judiciaire qui constitue le dernier recours des candidats en cas de litige.

 

Une élection lourde de conséquences 

Au milieu du documentaire américain The Act of Killing, sur les conséquences de la guerre civile entre nationalistes et communistes, le réalisateur Joshua Oppenheimer assiste à un meeting d'une organisation nationaliste à laquelle est affiliée M. Prabianto. « Si nous travaillions tous pour le gouvernement, nous serions une nation de bureaucrates » note l'orateur, « nous irions dans le mur ». « On nous traite de gangsters mais nous ne sommes que des hommes libres ».

C'est justement contre la « normalisation » de l'Indonésie proposée par Jokowi que s'élève M. Prabianto, mobilisant le panthéon symbolique de la Nation indonésienne contre la rationalisation administrative et politique que le pays ne parvient toujours pas à mettre en place. Dénonçant sur un registre anticolonial - rappelant les accents du défunt Hugo Chavez - l' «occupation » économique étrangère (lisez principalement chinoise), l'élection de Subowo Prabianto à la présidence  aura de lourdes conséquences sur la capacité du pays à attirer les investisseurs alors même que le pays a rapporté son plus faible taux de croissance en 5 ans l'année dernière.

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Commentaires 2
à écrit le 15/10/2014 à 2:28
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c'est tres sommaire, tres leger et plein d'inexactitudes. on ne parle pas de choses qu'on ne connait pas.

à écrit le 10/08/2014 à 3:49
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PRABOWO SUBIANTO et PRABIANTO. Analyse très sommaire et décevante.

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