Le monde à la recherche de la demande perdue

Décevant, c'est l'adjectif qui vient à l'esprit pour qualifier le bilan économique mondial au 1er semestre. La véritable reprise se fait attendre et, pire, des zones d'ombres sont apparues.
Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi./ DR

Chez les pays émergents d'abord, l'inquiétude a succédé à l'enthousiasme. Au Brésil, en Inde, la production industrielle plafonne à cause de problèmes structurels liés à l'insuffisance des infrastructures de transports, de la production d'énergie et au manque de main d'œuvre qualifiée.

C'est aussi pour ces deux pays le coup de projecteur mis sur leur extrême sensibilité aux capitaux extérieurs. Face à la subite perte de confiance des investisseurs, les autorités monétaires ont réagi en durcissant leur politique monétaire, c'est-à-dire en remontant peu à peu leur taux directeurs pour limiter les sorties massives de capitaux, éviter une dépréciation trop forte de leurs devises et maîtriser l'inflation.

Si l'Inde a presque réussi à se tirer d'affaires, le Brésil s'enfonce dans la stagflation. Comme la Russie d'ailleurs. Finalement, c'est la Chine qui s'en sort le mieux. Le pays se dirige vers un soft landing comme le montre l'évolution du PIB depuis plusieurs trimestres maintenant.

Pris dans leur ensemble, la croissance des BRIC bat donc de l'aile Leur demande domestique est moins forte que prévue, les poussant à aller chercher ailleurs ce surplus d'activité qui leur manque.

Aux pays avancés

Dans la zone euro, la reprise cale et le rythme de croissance annualisé est resté coincé en dessous de 1%. Et si la performance allemande du premier trimestre, dopée par la clémence hivernale, pouvait créer encore l'illusion d'une locomotive rhénane en Europe, cet espoir a fait long feu. Ni la dynamique des salaires, ni les perspectives de production dans ce pays n'indiquent une poursuite du mouvement au second trimestre. Au final les entreprises campent toujours sur leur logique de rationalisation.

Ce qui en bout de course affaiblit les salaires et déprime la consommation. Le piège se referme : avec la faiblesse des coûts salariaux, la situation devient quasi-déflationniste, asphyxie la reprise et repousse les perspectives d'un rebond du Sud. A cela s'ajoutent des politiques budgétaires toujours restrictives. Coincées à l'intérieur, les entreprises européennes cherchent elles aussi ailleurs leur croissance.

Et les Etats-Unis

Dans ce contexte, les Etats-Unis jouent en solo. Après la déconvenue du 1er trimestre, le redressement est en cours. Des créations d'emplois en hausse et un taux de chômage, redescendu à 6,1% en juin consolident le mouvement. Mais c'est une amélioration en trompe l'œil. Si les créations d'emplois sont en hausse, ce sont exclusivement des emplois à temps partiel ou presque. Oui le chômage baisse, mais c'est aussi parce que de nombreux Américains, découragés, se sont auto-exclus du marché du travail : les actifs ne représentent plus que 63% de la population, un niveau historiquement bas depuis 36 ans.

Ce sous-emploi massif explique pourquoi la baisse du chômage n'enclenche pas sur la hausse des salaires. Bilan, la consommation coince et les entreprises américaines se lancent aussi à l'assaut des marchés extérieurs. De proche en proche, une situation paradoxale se dessine : bloquée à l'intérieure, une majorité d'économies tente de siphonner chez son voisin la croissance qui lui fait défaut. Voisin qui suit exactement la même stratégie.

On pose trop souvent la question de l'arbitrage entre politique de soutien à la demande ou à l'offre dans le cadre étroit hexagonal. Si l'on soulevait le débat sur le plan international, il n'y a pas l'ombre d'un doute : le monde souffre d'un déficit de demande. Un faux paradoxe en fait, qui n'est que la triste rançon de notre déficit de coopération au plan international.

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Commentaires 19
à écrit le 04/08/2014 à 16:44
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Avant pour gagner de l'argent, il fallait travailler ou investir. Maintenant, la meilleure solution est de demander cet argent directement aux banques centrales, si l'on est banquier, et les banques centrales vous attribuent alors de l'argent fraiche...

à écrit le 03/08/2014 à 10:50
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bonjour, Comment se fait t-il que les fortunes mondiales progressent de 15% au minimum alors que c'est la crise et que beaucoup ont du mal à finir le mois???

le 04/08/2014 à 16:45
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Grace aux banques centrales qui ont injecté des milliers de milliards dans les marchés financiers; cela ne profite qu'aux riches et aux banquiers, pas à la population .

à écrit le 02/08/2014 à 12:10
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Ce n'est pas la demande qui est perdue, n'ayant jamais été durablement plus forte; c'est l'offre qui est excédentaire pour une demande solvable déjà gavée. Depuis, des lustres, c'est la capacité de surproduction qui fait chuter les entreprises.

à écrit le 02/08/2014 à 9:56
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Pour consommer, il faut soit avoir du pouvoir d'achat, soit avoir confiance en l'avenir pour s'endetter, et acheter ce qui pourrait nous faire envie. Le problème aujourd'hui c'est que les Français n'ont ni l'un ni l'autre.Les grosses sociétés veulent...

à écrit le 01/08/2014 à 8:47
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C'est aussi parce qu'on se fait trop arnaquer,que les produits ne sont pas à la hauteur des attentes, que les services se fichent des clients, que la consommation baisse. Si le client était mieux respecter, la consommation augmenterait. Pourquoi fair...

à écrit le 31/07/2014 à 19:22
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Ca fait maintenant 5 ans que de nombreux commentateurs disent que l'austérité généralisé ne fonctionne pas. Ca a fonctionné en Allemagne parce que le reste du monde se gavait de subprimes et achetait par wagons des grosses teutonnes. Cela ne marche p...

le 31/07/2014 à 20:00
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vers la planète Mars.

à écrit le 31/07/2014 à 17:11
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Il n'y a pas un manque de demande mais une offre inadaptée. Quand l'offre globale est adaptée en quantité, en qualité et en prix, elle crée la demande globale par l'argent qu'elle a distribué pour la fabrication de l'offre.

le 31/07/2014 à 17:24
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Le serpent se mord la queue. Les entreprises ne développe l'offre que s'ils ont en face une demande solide pour écouler leurs produits. Sans demande, pas de débouchés donc pas de motivation à produire plus. Le but de toute entreprise est de vendre. O...

le 31/07/2014 à 17:51
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ah bon ?! mais ils servent à quoi alors tous les MBA, marketing guys et autres consultants ? non, c'est vrai. la viande pourrie chinoise, la viande de cheval, les voitures pourries de GM etc... c'est pas vraiment adapté à la demande.

le 01/08/2014 à 8:14
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l'offre inadaptée ? , il faut relativiser , certains produits exotiques meme technologique sont très bien , seulement leur demande et donc impact sur les ventes sont faibles malgré des prix très attractifs , c'est donc pas la ruée non plus , c'est di...

le 01/08/2014 à 9:49
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Ce que vous dîtes est vrai pour les entreprises qui attendent les commandes...d'ailleurs souvent publiques. Dans un système socialiste c'est effectivement la demande publique qui crée l'offre. Et quand le financement par endettement public ou par l...

le 05/08/2014 à 8:57
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mais les 2 mon capitaine! Tous les pays jouent sur les 2 système. Pour marcher il faut deux jambes, pour l'économie c'est pareil. Il faut une offre compétitive qui rencontre une demande solide. Si l'un manque, la croissance est déséquilibrée: dépenda...

à écrit le 31/07/2014 à 15:41
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Pendant ce temps une toute petite minorité de privilégiés accumule toujours plus de richesses. Mais bien sûr cela n'a rien à voir.

à écrit le 31/07/2014 à 15:14
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Seul probleme: comment augmenter la demande alors que nous consommons deja plus de ressources materielles que nous devrions. Si nou consommons plus de petrole ca va juste faiore augmenter le prix de celui ci car on ne peut pas en pomper plus du sous ...

à écrit le 31/07/2014 à 14:20
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Excellent analyse et excellente conclusion!

à écrit le 31/07/2014 à 14:18
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La crise progresse lentement, mais surement. Vite ! des "QE"...

le 31/07/2014 à 20:02
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a dit qu'il n'y avait pas de crise pendant la campagne 2012

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