L’Europe doit se retirer là où elle n’est pas nécessaire

Pourquoi est-il urgent de réformer les institutions européennes, par Chantal Ingham, professeur expert au Groupe ESC Dijon-Bourgogne,
Chantal Ingham, professeur expert au Groupe ESC Dijon-Bourgogne.

Dans son discours à la télévision au lendemain des élections européennes, le Président Hollande avait constaté : « L'Europe, elle est devenue illisible, j'en suis conscient, lointaine, et pour tout dire incompréhensible, même pour les États. ». L'Union Européenne doit être « simple, claire, pour être efficace. [...] L'Europe doit se retirer là où elle n'est pas nécessaire ».

Les chefs d'État et de gouvernement ont délégué une tâche peu enviable aux fonctionnaires de la Commission en les chargeant d'expliquer aux citoyens européens pourquoi ils ont pris la décision de l'austérité au risque d'étouffer la croissance et de préciser quelles en seraient les mesures. Auparavant, l'Europe apparaissait comme une machine à déréguler. Maintenant c'est pire, elle apparaît comme une sorte de « gendarme » au service de la rigueur.

La Commission a endossé ce rôle de « gendarme de l'Europe » alors qu'aucune base juridique ne l'y autorise. La Banque Centrale Européenne (BCE) rachète les obligations des États membres en difficulté alors que les traités européens lui interdisent de le faire. Oui « l'Europe est devenue illisible » mais à qui la faute ? Et que faire ?

Des institutions bricolées dans l'urgence

Les traités européens ne prévoient rien pour faire face à une situation de faillite budgétaire d'un État de la zone euro. Pis, l'aide financière à ces États est illégale (articles 123 - 124-125 TUE) - à croire que les négociateurs s'étaient imaginé que la zone euro mettait tous les États membres à l'abri de toutes formes de crises.

Face à l'emballement de la dette, les chefs d'État et de gouvernement ont décidé de mettre en place des programmes de soutien financier pour les pays en difficulté et ont créé, en 2010, une troïka de bailleurs de fonds, constituée de la Commission, du Fonds Monétaire International (FMI) et de la BCE. Elle est chargée de faire respecter les programmes de réforme liés aux aides européennes.

La troïka n'est ni un organisme de prêt, ni une institution de prise de décision. Les décisions de prêt ne sont prises ni par la Commission, ni par la BCE, mais séparément par le conseil d'administration du FMI et de l'Eurogroupe composé des ministres des finances de la zone euro.

Des décisions adoptées par une structure informelle

Pour les pays faisant partie de la zone euro, la décision d'accorder une aide financière est prise par l'Eurogroupe sur une proposition de la Commission, qui a été rédigée par l'ensemble du collège des commissaires. Les décisions européennes sont préparées par l'EWG (Eurogroup Working Group) composé des secrétaires d'État des gouvernements des États membres de la zone euro.

Finalement, la décision est adoptée à l'unanimité au niveau de l'Eurogroupe, structure informelle qui rend compte de ces décisions aux chefs d'état et de gouvernement des États membres de la zone euro. L'aide financière est fournie, depuis octobre 2012, par le Mécanisme Européen de Stabilité (MES). Tout cela s'est fait en dehors des traités européens afin d'aller vite : toutes les décisions se prennent à l'unanimité et sans contrôle du Parlement européen.

Avec le MES, les chefs d'État et de gouvernement, comme à chaque fois depuis le début de la crise, ne sont pas allé au bout des choses. Ils n'ont pas assumé qu'à terme celui-ci se transforme en Fonds monétaire européen doté d'un large mandat qui lui permettrait à la fois de fournir une évaluation des politiques, des conseils, ainsi qu'une assistance financière - peut-être en s'appuyant sur le personnel de la Commission européenne endossant ainsi le rôle de « gendarme de la zone euro ». Les ministres des Finances de la zone euro constituent le Conseil des gouverneurs du MES. Les décisions sont prises à l'unanimité.

Supprimer l'unanimité au Conseil européen

Comment expliquer cette situation ? Un chef d'État qui se rend au Conseil européen n'a qu'une crainte : perdre la face devant son opinion publique nationale et en subir les conséquences lors des prochaines élections. Ses décisions ne sont pas conditionnées par la recherche de l'intérêt général mais par les réactions de son électorat national.

De son côté, si l'Eurogroupe se défausse sur les services de la Commission pour assumer ses choix politiques, il faut cependant rappeler que depuis dix ans, les élections nationales et les élections européennes dans les pays membres de l'Union ont été marquées par un vote des citoyens pour les partis conservateurs ou de droite.

Pour des institutions européennes d'une même tendance

Il est donc normal que les institutions européennes (Conseil européen, Conseils des ministres, collège des Commissaires et le Parlement européen) soient de ces mêmes tendances. Cela a entraîné des initiatives européennes favorisant la mise en place d'objectifs et de mécanisme de régulation économique plutôt axés sur l'encadrement budgétaire et la rigueur que sur une relance basée sur des politiques sociales et de croissance.

 Il apparaît urgent de supprimer l'unanimité au sein de ce Conseil européen. Cela permettrait à l'Union de faire les choix qui sont nécessaires à son développement.

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Commentaires 6
à écrit le 31/08/2014 à 9:57
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LUNAMINTE DES DECITIONS AU SEIN DE L EUROPE. EST UN FREIN POUR SON EVOLUTION? IL FAUT INSTORE LE VOTE DEMOCRATIQUE? PRENDRE DES DECITIONS PAR VOTE A LA MAJORITE COMME DANS TOUTE LES DEMOCRATIES ???

à écrit le 20/08/2014 à 8:34
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Des structure administratives, et politiques trop lourdes, trop chères, redondantes, et ne répondant pas aux besoins de nos citoyens. Toutes ces structures ne sont pas aux service des citoyens, ni bien sûr des entreprises, elles sont un facteur de nu...

à écrit le 19/08/2014 à 21:47
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L' Europe a de mon point de vue grandi trop vite et sans règles qui évitent la concurrence entre les états L Europe s appauvrit de jour en jour du fait de la concurrence d 'autres pays à bas cout de main œuvre et qui nous inondent chaque jour un peu...

à écrit le 19/08/2014 à 21:43
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Le titre dit l'inverse de la conclusion. Classique.

à écrit le 19/08/2014 à 19:15
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Il fallait lire en titre : La France doit se retirer là où elle n’est pas nécessaire

le 19/08/2014 à 20:46
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Pauvre France.... et France en déclin......

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