L'allocation universelle européenne, une idée pas si saugrenue

Par Yoan Robin  |   |  1003  mots
Dans un contexte de crises économique et sociale, l'allocation universelle refait surface à la fois dans le but de lutter contre les inégalités, mais aussi, et cela est nouveau, dans le but d'une stabilisation des économies de la zone euro. Par Yoan Robin, PSE-Ecole d'économie de Paris

L'initiative européenne pour le revenu de base n'a pas rassemblé assez de signataires pour être évaluée devant le Parlement Européen. Cette idée qui date de Thomas Paine au XVIIIème siècle refait régulièrement surface. Il s'agit de distribuer à tous les citoyens une allocation d'un certain montant sans condition aucune, mis à part peut être une limite d'âge. Les Suisses seront amenés à se prononcer sur la création d'une allocation universelle en 2015. Même si la proposition a peu de chance de remporter l'adhésion, c'est la première fois qu'elle sera débattue à l'échelle d'un pays. Les citoyens et dirigeants européens feraient peut être bien de s'en inspirer, car l'allocation universelle européenne pourrait être un très bon outil pour résoudre les problèmes de la zone euro.

La nécessité d'un stabilisateur automatique entre les États membres de la zone euro

La nécessité d'un stabilisateur automatique entre les Etats membres de la zone euro
La zone euro est une Union monétaire inachevée, construite sur une monnaie unique sans mécanismes stabilisateurs, comme peuvent l'être les dépenses de l'assurance chômage en France. Ceci est une source de déséquilibre, et donc de futures crises.

Tous les états membres de la zone euro sont soumis aux mêmes taux d'intérêts directeurs (le coût de l'emprunt pour une économie) fixés par la Banque Centrale Européenne (BCE). Malheureusement, l'inflation diffère d'un pays à l'autre. Ceci est un problème car l'inflation « grignote » les taux d'intérêts. En général, et toutes choses égales par ailleurs, plus un pays côtoie une forte croissance, plus son inflation est élevée et plus son taux d'intérêt réel, c'est-à-dire son taux d'intérêt une fois l'inflation soustraite, est faible. Une économie de la zone euro en croissance bénéficie donc d'un coût réel de l'emprunt faible, ce qui correspond à une relance !

 Une politique monétaire unique pour des pays non homogènes

Alors même qu'une économie de la zone euro en panne de croissance aura une inflation faible (voire négative) et ainsi un coût de l'emprunt élevé, ce qui nuit à sa reprise. Au final, la politique monétaire de la zone euro ne peut pas fonctionner pour l'ensemble des pays tant qu'ils ne sont pas homogènes, et ne peut ainsi pas résoudre le problème des inégalités face au crédit. Ce phénomène a conduit les Espagnols à l'économie florissante en 2000 à s'endetter plus que nécessaire, et a ainsi accentué la bulle immobilière avec les conséquences désormais connues. C'est aussi pourquoi l'Allemagne connaît actuellement un boom des prix immobiliers. A l'inverse, les taux d'intérêts réels de la Grèce ne lui permettent pas de sortir de la crise.

Une réponse: la politique budgétaire contra-cyclique, via l'allocation universelle

Face à cette politique monétaire pro-cyclique au niveau national, il faut que la zone euro réponde par une politique budgétaire contra-cyclique (qui freine l'économie en période de surchauffe et l'aide en période de contraction) adaptée à chaque pays. L'allocation universelle européenne mérite en cela d'être observée.

Un outil simple, efficace, et stabilisateur

Il est très facile d'imaginer une allocation universelle européenne, ou du moins de la zone euro, qui ne serait pas redistributive l'année de sa création, mais qui ensuite le serait en cas de choc économique touchant une ou plusieurs économies de la zone euro. Une telle allocation doit être fondée sur le Produit Intérieur Brut, ou plutôt sur sa variation d'une année à l'autre, qui est la seule mesure totalement transparente et unifiée au sein des pays membres de l'eurozone.

50 euros par habitant, redistribués des pays en croissance vers ceux en stagnation

Le PIB de la zone euro est de 9600 milliards d'euros en 2013 , la mutualisation d'une croissance de 2% permettrait de mobiliser 192 milliards d'euros pour stabiliser l'économie de la zone de ceux qui ont une tendance inflationniste vers ceux qui ont une tendance déflationniste et représente un surplus de 50€/hab/mois au socle de l'allocation universelle mise en place. Cette redistribution est bénéfique aux pays en crise car elle maintient le revenu par habitant et ainsi la consommation qui est le principal moteur de la croissance, mais aussi aux pays à tendance inflationniste car elle freine la dépense et la bulle spéculative sur le crédit.

Un effet bénéfique pour les pays à faible croissance

Grâce à son effet sur la consommation, elle permet d'accroître l'inflation dans les pays à faible croissance, ce qui bénéficie à l'emprunt via la baisse du taux d'intérêt réel. L'inverse est vraie pour les pays à forte croissance car l'allocation freine l'inflation et ainsi augmente le taux d'intérêt réel, ce qui limite l'effet spéculatif. L'allocation agit alors comme un stabilisateur automatique qui va à l'encontre du cycle économique. Elle joue un rôle de relance d'autant plus important que les multiplicateurs budgétaires sont forts en bas de cycle et faible en haut de cycle. Ce qui signifie que la relance pour les économies en faible croissance est importante, tandis que la ponction sur les économies en forte croissance n'a qu'un faible impact négatif sur la croissance.
Par ailleurs, la stabilité créée par ce mécanisme aurait pour conséquence d'attirer les capitaux et permettrait alors d'accroître l'investissement, au profit d'une croissance future pour tous les Etats membres de la zone euro. L'allocation universelle bénéficie ainsi de nombreux avantages économiques pour pallier aux lacunes de l'Union Monétaire, mais d'autres mécanismes peuvent être imaginés comme une assurance chômage européenne cependant plus complexe à mettre en œuvre.

Plus d'informations sur le site de Paris school of economics