Politique économique : soutenir l'offre OU la demande, le faux débat

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  697  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal.

La crise gouvernementale qui vient d'éclater polarise le débat français entre partisans et opposants de l'austérité, partisans et opposants d'un soutien à la demande. Au risque de la caricaturer. Car rares sont les pures partisans d'une stratégie de l'offre ou d'une pure stratégie de la demande. La ligne de fracture porte en fait bien plus sur l'appréciation des marges de manœuvre françaises et la répartition des rôles en Europe pour remédier à un déficit de la demande qui fait de plus en plus figure de diagnostic partagé.

Autrement dit, le débat ne porte pas sur le diagnostic :

  • L'enjeu de la restauration de la compétitivité des entreprises françaises et d'une adaptation à la concurrence ouverte est un diagnostic largement partagé. Le besoin d'une politique de l'offre constitue un point de ralliement.
  • La nécessité d'oxygéner le patient en veillant à ne pas fragiliser à l'excès la demande, est là encore largement admis. Les pays qui ont réussi ce type d'ajustement par le passé, Etats-Unis, Royaume-Uni, les pays scandinaves, ou l'Allemagne ont été aidé, par une conjoncture porteuse et/ ou par un relâchement de la discipline monétaire.
  • Enfin, l'idée que la croissance des économies avancées butte sur une crise généralisée de la demande rallie un nombre croissant d'économistes de tous bords. Préférence pour l'épargne de populations vieillissantes et défaut de coordination économique mondiale et européenne sont au premier rang des accusés.

La hiérarchie des performances de croissance depuis 2010, ne dit rien d'autre et renvoie dos à dos les jusqu'au-boutistes de l'offre et de la demande. L'Allemagne a évité les à-coups budgétaires de ses partenaires en partant d'une situation de ses finances bien plus saine. Résultat, elle a pu contrairement à ses partenaires s'éviter une cure d'austérité depuis 2010.

Les Etats-Unis tout comme le Royaume-Uni, ont laissé filer leurs déficits et ont joué sur la dépréciation de leur taux de change réel. Mario Draghi n'a rien dit d'autre à Jackson Hole le 22 août, lorsqu'il affirme que la politique monétaire ne peut pas tout et qu'un soutien à la demande globale européenne doit accompagner les politiques de l'offre.

Sur quoi porte le débat ?

Il est sur le degré d'autonomie des options françaises. Pour les uns, le défaut de coordination et la rigueur synchrone européenne sont certes préjudiciable, mais dictent la politique française : la France ne peut faire cavalier seul dans le climat de déflation larvée et ne peut répondre à cet environnement que par une baisse des coûts au risque d'être toujours plus déclassée, sans possibilité de remonter la pente ensuite. Conscient néanmoins qu'un délitement excessif de la demande serait préjudiciable pour l'offre, le gouvernement prévoit une action ciblée sur les bas salaires, ceux qui ne peuvent puiser sur leur épargne pour amortir le choc, et sur l'investissement immobilier, dont le contenu en importation est faible. Mais surtout, c'est à l'Allemagne qu'est assignée la mission décisive de relancer la demande européenne.

Pour les autres, fort d'avoir raison et d'être en communauté de vue avec un nombre croissant d'économistes, qui à travers l'Europe et outre-Atlantique pointent les excès d'épargne et le déficit de demande mondial, il faut soutenir en priorité la demande et rompre avec la rigueur. Ils assignent donc à la France de casser la synchronisation des politiques d'austérité européennes.

En substance, personne ne nie que la rigueur est préjudiciable à la demande, mais pour les premiers, mieux vaut avoir tort avec tous que raison tout seul. Le salut viendra d'un appel à la coordination Européenne qui vire à l'incantation impuissante. Pour les seconds, la France aurait les moyens d'avoir raison seule. Mais ce faisant, ils confrontent l'économie française à une seconde forme d'impuissance et prétendant régler à échelle nationale, un déséquilibre de la demande qui relève de l'échelle mondiale.

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