Retournement de conjoncture : un gouvernement désarmé

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  704  mots
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, le gouvernement Valls est-il désarmé face au retournement de la conjoncture ?

L'économie française stagne, le chômage repart à la hausse et dans un paysage où la crise s'éternise, l'accélération des réformes structurelles, la thématique de l'urgence, s'imposent comme une évidence. Cette sourde inquiétude est fondée. Mais elle ne doit pas totalement occulter la question du pilotage de court terme. Regarder loin, avoir un cap, ne dispensent pas de gérer les obstacles immédiats au risque de s'exposer à des sorties de route pénalisantes à court comme à moyen terme.

C'est un des défis majeurs du nouveau gouvernement Valls

Le léger souffle de reprise qui commençait à ranimer l'économie française a tourné court. Et une reprise qui avorte ne signifie pas un simple report de quelques mois ou trimestres des objectifs de croissance. Le risque majeur est que l'économie rebascule dans un nouvel épisode long de récession qui entame le potentiel de croissance. Après 6 ans de crises, en effet, nombre d'entreprises sont exsangues, et les ménages sont de moins en moins en mesure de temporiser en puisant sur leur épargne. Il faut s'interroger alors sur la capacité du gouvernement à éviter un nouveau dévissage qui nuirait à sa priorité affichée, celle de redonner du tonus à l'appareil productif, par la maîtrise des coûts unitaires, la restauration des taux de marge et de l'investissement.

Face à ce qui n'est pour l'heure qu'un trou d'air, on peut se demander alors de quelles armes dispose le gouvernement pour déjouer le scénario du pire :

En première lecture, le gouvernement peut sembler désarmé. A son agenda, il y a l'impératif de consolidation budgétaire par diminution des dépenses et hausse de la pression fiscale sur les ménages, héritée de la loi de finance de 2014. Cette orientation est potentiellement déstabilisante.

Mais il y a de l'autre côté l'agenda des baisses d'impôts ou de charges sur les entreprises. Pour l'heure, seul le premier chèque du CICE commence à produire ses effets. Il crée dès à présent près de 8 milliards de créance fiscale pour les entreprises, dont 4,5 milliards sont dès à présent déboursés par l'État. Cette injection reste néanmoins très en deçà des prévisions gouvernementales. Et en absence de demande et de projets d'investissement, cet allègement ne fait que gonfler la trésorerie des entreprises sans relancer l'investissement et donc la croissance.

Et face au trou d'air de la conjoncture, il y a aussi un trou d'air préoccupant dans le calendrier des allègements fiscaux. Il faut en effet attendre janvier 2015 pour que la baisse de 4,5 milliards des cotisations patronales au voisinage du smic prenne effet puis avril 2015 pour que le second volet du CICE commence à entrer en œuvre. Idem pour les ménages. Les futures petites baisses d'impôt concernant les bas salaires ne s'appliqueront quant à elles que dans un an.

Les baisses de fiscalité à l'œuvre temporisent les effets du retournement

Elles diffèrent les crises de trésorerie aigue pour les entreprises les plus fragiles. Mais leur dilution dans le temps ne leur permet pas de produire le maximum de leur effet au moment où l'économie en a le plus besoin, autrement dit maintenant. Il est donc légitime de s'interroger sur ce que le gouvernement peut faire en urgence pour éviter un empilement cumulatif de mauvaises nouvelles qui replongerait l'économie en récession durable et anéantirait ses efforts de restauration de l'offre.

Deux pistes, a minima, nous paraissent pouvoir être explorées :

  • Tout en restant fidèle aux masses et aux grandes lignes du pacte de responsabilité, le gouvernement pourrait repenser le timing et les délais de mise en œuvre de sa politique d'allègement fiscal, notamment pour les entreprises qui embauchent et investissent rapidement, quitte à détériorer transitoirement l'affichage budgétaire.
  • L'efficacité et la rapidité de mise en œuvre de son plan de soutien à la construction apparaît aussi comme un point décisif, pour maintenir à flot l'activité, au moment où la conjoncture se dérobe.

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