Les partenariats public privé entre méfiance et relance

Par Eric de Fenoyl  |   |  856  mots
Très critiqués, les partenariats public privé (PPP) sont surtout des révélateurs de la dépense publique. Ils ne contribuent pas plus qu'un autre système à la rigidifier Par Eric de Fenoyl, Avocat Associé au sein du cabinet Taj

 En juillet un rapport sénatorial sur les Partenariats public privé - qui permettent à une collectivité de faire financer et construire un bâtiment par une entreprise privée, contre le paiement d'un loyer sur le long terme-  vilipendait des « bombes à retardement » une « rigidification de la dépense publique » et formulait des préconisations dont l'effet sinon l'objet serait indubitablement de marginaliser ce dispositif. Dans ce contexte le discours du Premier Ministre du 1er septembre soulignant l'intérêt de ce montage pour relancer l'investissement a pu, de prime abord, étonner.

S'il convient de s'étonner c'est surtout de l'extrême focalisation dont les PPP ont depuis dix ans fait l'objet entre excès de défiance et excès de confiance. Car ils ne méritent aucun de ces deux excès.


Les PPP ne rigidifient pas la dépense publique, ils révèlent simplement la réalité de celle-ci

La critique fondamentale exprimée par le rapport sénatorial porte sur la rigidification de la dépense publique qu'induirait les PPP. Il faut sur ce point commencer par concéder que tel est le cas : le PPP rigidifie juridiquement la dépense publique en contractualisant celle-ci sur la durée du contrat.

Mais le PPP ne fait que révéler la rigidité. Que la dépense publique soit rigide c'est une réalité qui ne doit rien au PPP, réalité à laquelle les gouvernements sont, les uns après les autres, confrontés.

En matière d'équipement, la dépense publique, ou privée, est nécessairement rigide. Un équipement financé par emprunt se traduit par une annuité exigible et donc rigide. Cet équipement doit en outre être entretenu, chauffé, nettoyé... Cette réalité existe aussi en maitrise d'ouvrage publique : elle est simplement parfois occultée, mais peut devenir très visible. Triste illustration du propos, à côté de la gare TGV d'Aix-en-Provence le magnifique Stadium de Rudy Ricciotti dépérit pour n'être plus utilisé ni entretenu. De nombreux bâtiments universitaires sont dans un état de décrépitude avancée générant potentiellement des risques parce que les ambitieux projets d'investissement des années passées ne sanctuarisaient pas les dépenses de fonctionnement nécessaires.

Dans le PPP la dépense publique n'est pas rigidifiée : elle est révélée, anticipée et contractualisée sur la durée.

Certes les chiffres peuvent faire peur et les chiffres des PPP le font lorsqu'on additionne l'ensemble des coûts sur une longue durée. Mais ce n'est pas le PPP qui est couteux, c'est l'équipement dans la réalité des coûts qu'il induit sur la durée.

Réaliser un collège en maîtrise d'ouvrage publique c'est rigidifier également la dépense publique parce qu'il faudra rembourser la dette contractée, entretenir, nettoyer et chauffer le collège sauf à s'exposer à des risques de dégradation du bâtiment conduisant à une dépréciation du patrimoine et surtout à une insécurité des élèves.

Une telle réflexion ne se limite pas à l'investissement public. S'il est raisonnablement prudent, le particulier qui achète un appartement prendra en compte, sur la durée, l'annuité de son emprunt, les charges d'entretien, de copropriété, les ravalements, les consommations d'énergie. Et il réalisera que son appartement d'un prix de 100 coûte 400 à 500 sur 30 ans.

Si le PPP peut effrayer dans l'engagement budgétaire pluriannuel qu'il représente c'est parce qu'il révèle le coût global de l'investissement et la consommation de marges de manœuvre futures. Mais le thermomètre n'est pas à l'origine de la température et le casser ne permet nullement de faire baisser celle-ci.

Une nécessaire généralisation de l'approche en coût global

Plutôt que d'évincer le PPP il conviendrait de réfléchir à généraliser l'approche en coût global pour tout investissement public. L'approche en coût global intégrant l'ensemble des dépenses de conception, construction, financement, entretien et maintenance sur la durée est à la fois saine dans l'absolu et indispensable en période de tension sur les finances publiques. Elle rigidifie la dépense parce qu'elle impose d'anticiper et d'intégrer sa réalité.

L'époque n'est plus au saupoudrage de subventions suscitant des investissements que les personnes publiques n'ont ensuite pas toujours les moyens d'entretenir. Nombreux sont les exemples d'investissements dont les charges de fonctionnement futures ont été insuffisamment appréhendées. Ici où là des bâtiments publics dégradés témoignent de cette insuffisance d'anticipation, d'ambitions non assumées.

Ne construire que les équipements que nous pourrons entretenir afin qu'ils répondent durablement aux fonctions qu'on leur assigne, c'est la logique de l'approche en coût global.

Cette approche éclaire les décideurs publics sur les coûts futurs et ce faisant elle oblige à choisir de ne faire que ce qui pourra être assumé demain. Refuser cette anticipation c'est inéluctablement ne conserver pour l'avenir comme choix que la décrépitude des équipements qui ne pourront être entretenus ou l'augmentation des impôts.