Luzenac et le foot ou l'abandon général de la ruralité

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  621  mots
La fin de l'aventure du club de Luzenac témoigne de la désertification à l’œuvre dans les territoires ruraux. par Jean Christophe Gallien, professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne

Fin brutale pour le feuilleton Luzenac, non seulement le petit club de Football de l'Ariège ne validera pas son accession à la Ligue 2, un ticket pourtant gagné sur le terrain sportif. Mais c'est maintenant l'échelon du National qui se dérobe. Direction le bas de l'échelle, la DHR !
Le conflit entre les autorités du Football et le club de Luzenac, 650 habitants, c'est l'illustration sportive et évènementielle d'une évolution territoriale continue coincée entre métropolisation urbaine et désertification rurale.
Et c'est une réalité bien vivante. Pour ce qui est des équipements et des possibilités de pratiques sportives, comme les hyper centres urbains, la ruralité sportive est régulièrement sacrifiée, souvent au profit de l'espace urbain périphérique. Les soutiens politiques à Luzenac, du Président socialiste du Sénat, la chambre des territoires et des ruralités, Jean-Pierre Bel, élu de l'Ariège, et du radical de gauche Thierry Braillard, secrétaire d'Etat aux Sports comme d'autres réactions elles-aussi politiques illustrent un phénomène plus large que l'accès à la Ligue 2 du club d'une ville de moins de 1000 habitants.

Le foot, un service sociétal

C'est vrai que partout en Europe et particulièrement en France, les déséquilibres territoriaux s'aggravent au détriment des petites villes et de l'espace rural, dans un contexte dominé par la métropolisation, la baisse de l'intervention des États, et de leur tentation de recentralisation. Le Football et ses différents « marchés » en sont à la fois une dimension et une illustration.
Dans l'espace rural, le sport et le football, surtout, apparaissent comme des ressources d'animation fondamentales. Le club de football devient un service sociétal, comme l'épicerie, le café ou le bureau de poste quand ils ont survécus. Dans le sport on recherche du lien social, de la convivialité. Le football demeure souvent, trop, l'unique activité présente : au delà de 45 licenciés pour 1000 habitants. Pendant ce temps en « ville », le sport et le foot entrent en concurrence avec de nombreuses activités et les taux de pratique sont beaucoup moins élevés.

Une terrible réalité d'abandon

L'erreur d'analyse de beaucoup, c'est qu'en milieu urbain, le football répondrait à des demandes qui seraient plus diverses que dans le rural : spectacle, loisir, service sociétal dans les quartiers ... C'est faux ! Le rural et ses populations, toutes générations confondues, en attendent autant.
Et malheureusement pour l'avenir de notre ruralité et de l'ensemble des espaces ruraux européens, la différenciation rural-urbain que l'on regrette pour le football et le sport en général se retrouve dans l'accessibilité à d'autres activités : culturelles, éducationnelles, sanitaires, ... et évidemment économiques. Il suffit de traverser ces territoires pour vérifier physiquement une terrible réalité d'abandon.

L'un des grands enjeux de société

L'affaire Luzenac n'est que la triste représentation de l'implacable désertification rurale en cours au profit de la métropolisation. Il faut pourtant réaffirmer la nécessité et la modernité de la ruralité qui doit devenir le laboratoire d'une nouvelle vie au cœur de l'espace naturel. Comme les métropoles, pas moins, la terre rurale est une alliée de notre futur. C'est un carrefour de progrès qui se trouve à la jonction du rapport de l'homme à la nature, de notre relation trop souvent conflictuelle, et qui de l'autre côté éprouve notre relation aux technologies et aux changements qui en découlent. Une néo-ruralité qui, comme la ré-industrialisation, doit devenir l'un des grands enjeux de société de notre pays.

*Jean Christophe Gallien , Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Président de j c g a
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals