Manuel Valls, Premier ministre présidentiel !

Par Jean-Christophe Gallien  |   |  669  mots
Face à l'Assemblée, Manuel Valls n'a pas seulement cherché les voix de gauche, pour obtenir la confiance: plus que jamais, il a adopté une posture présidentielle. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à l'université de Paris 1 La Sorbonne

Manuel Valls poursuit « son chemin », comme il le déclare, cette trajectoire d'homme pressé scénarisant un destin qu'il veut plus grand que Matignon.
Repolitisant le contexte, instrumentalisant l'Assemblée et finalement même les frondeurs, jusqu'à une UMP aphone hier encore, et demain peut-être Nicolas Sarkozy, l'enjeu de cette séquence « confiance » était d'abord celle d'une narration personnelle. Après le gain d'audience et de statut que lui délivrait celui de chef de gouvernement, c'est comme s'il voulait encore passer un cap, déjà, au bout de cinq mois seulement, toujours dans ce désir ambitieux et en mouvement de rythmer le tempo de sa progression vers les hauteurs, incarner son leadership et au passage changer de vocabulaire et de logiciel pour la gauche. Va-t-elle suivre ?

Stratège de la dramatisation

Ce mardi, à l'Assemblée, Manuel Valls, stratège de la dramatisation, prophétisa en ouverture une catastrophe potentielle, venue de l'extérieur. Si on le suit, sa situation est pire que jamais ! Les diverses crises économiques, sociales, politiques, les décrochages européens et français, les fractures internes à notre pays qu'elles soient territoriales et sociétales ... et qui demeurent, sont maintenant environnées par des menaces plus graves encore, de dimension guerrières voire létales. Manuel Valls entre donc en résistance et appelle à l'union dans l'amour et l'engagement pour la France, ce « grand pays » que l'on doit « tous » respecter et défendre.

S'élevant au dessus des partis, il réclame, dans ce contexte exceptionnel et si préoccupant, sans renier le débat, que l'on quitte les postures et que les républicains de tous bords se rejoignent dans le combat commun, dans le respect des valeurs de la république, de ses symboles, « drapeau et hymne », et de ses règles de droit.
On aperçu aussi le Manuel Valls « skieur » qui slalome entre les piquets des grands écarts d'une nouvelle troisième voie, façon blairiste de gauche. Il le redit, il n'est pas l'allemand Schröder, il est de gauche et il croit même à « la main visible de l'Etat », mais il célèbre aussi l'entreprise, celle de « l'économie réelle », moins celle des actionnaires et leurs dividendes. Il le répète, il faut allier compétitivité et justice sociale, défendre notre pays et s'engager pour l'Europe ... il faut s'adapter ! C'est cela gouverner.

Prêt à en découdre avec Angela Merkel, avec Sarkozy...

Surtout Manuel Valls est un Premier ministre qui se présidentialise ! « Je trace ma voie » sans concession mais sans réellement de clarification sauf celle de la confirmation de ses ambitions. Il l'annonce, il va voyager et ira à la rencontre d'Angela Merkel, s'incarnant lui même en messager des peuples européens, ceux qui souffrent et qui attendent, comme les Français, une autre politique. Il se dit prêt à en découdre, ladite Angela appréciera, et pas seulement sur le terrain européen.

Ici, Manuel Valls souhaite une vraie confrontation d'idées « pour savoir de quelle France nous voulons » et y compris, surtout même, avec l'ex Président de la République ! Le retour, cette fois, réel dans l'arène politique de Nicolas Sarkozy semble très attendu. Voilà, enfin, un adversaire qui rappelle les temps heureux de la victoire de 2012 et qui peut, à lui tout seul, ressouder le PS et les gauches et favoriser surtout dans une vraie opposition l'accès, encore une fois, à une nouvelle dimension pour Manuel Valls.
Et après, on a envie d'imaginer un départ choisi ? Pour quelle suite ? La sienne ! Et très probablement juste après les régionales qu'il a annoncé repoussées à la fin 2015. Il partira pour tenter d'écrire un autre chapitre de ce destin qu'il voit, qu'il veut, il faut le redire : plus grand que Matignon.

Jean Christophe Gallien, Président de j c g a, Conseil en stratégies d'influence
Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne
Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals