Optimisation fiscale : le cas Apple

Alors que l'OCDE lance la lutte contre l'optimisation fiscale, retour sur les méthodes employées par Apple. par Sylvain Fontan, économiste

Les systèmes fiscaux, à la fois européens et américains, semblent inadaptés pour recueillir l'impôt de certaines grandes entreprises issues des nouvelles technologies et du commerce électronique. En effet, ces entreprises utilisent des techniques d'optimisation fiscale qui reposent sur des montages financiers parfois très complexes. La nature même de l'activité de ces entreprises basée sur la dématérialisation des échanges rend le suivi fiscal particulièrement compliqué.

 Système d'optimisation fiscale

Les entreprises cherchent naturellement à diminuer le montant de leurs impôts. Dans ce cadre, l'optimisation fiscale est un outil tout indiqué. En pratique, l'optimisation fiscale consiste à utiliser l'ensemble des moyens légaux pour diminuer l'imposition des sociétés, mais aussi (et parfois surtout) à utiliser les vides juridiques laissés par le législateur. Dans le cas de l'économie numérique (Google, Amazon, Apple...), les législateurs chargés de surveiller la fiscalité de ces sociétés peuvent être dépassés par les technique misent en place par ces sociétés. Une des raisons principales tient au fait qu'une partie de la production de ces sociétés ne provient pas de biens matériels, mais des droits de la propriété intellectuelle (typiquement les logiciels). Dès lors, il est très facile pour ces sociétés de domicilier leurs bénéfices dans des pays où la fiscalité est faible, réduisant ainsi le montant du prélèvement fiscal.

Le double irlandais et le sandwich hollandais

Une des techniques les plus utilisées est le "Dubble Irish and Dutch sandwich". La firme américaine Apple est à l'origine de cette technique qui consiste en substance à réduire l'impôt en acheminant les bénéfices vers un paradis fiscal, par l'intermédiaire de filiales irlandaises et hollandaises. La législation fiscale américaine est fondée sur le principe selon lequel une entreprise est assujettie à l'impôt sur les bénéfices dans le pays où la valeur est créée, et non dans celui où les produits sont vendus. Dès lors, toute l'idée est de faire transiter la valeur selon un système qui permet de ne localiser qu'une petite partie de la valeur aux Etats-Unis et de faire provenir les bénéfices de l'étranger. La structure du "Double irlandais" a été créée dans les années 1980. Les autorités irlandaises ont offert à Apple un allégement fiscal en échange de la création d'emplois.

Une imposition des bénéfices qui dépasse à peine les 3%

En pratique, la technique d'Apple est relativement simple. En effet, l'avantage premier d'Apple a été de transférer en Irlande le produit des droits tirés des brevets développés en Californie. Les transferts de fonds restent au sein de la société, ils sont uniquement déplacés vers une filiale à l'étranger (Irlande). Dès lors, au lieu que certains bénéfices soient taxés à 35% comme aux Etats-Unis, le taux d'imposition est de 12,5%. De plus, la filiale irlandaise ("le double irlandais") permet que d'autres bénéfices soient comptabilisés dans des sociétés exemptées d'impôts dans certain centre financiers offshore ("paradis fiscaux").

Ensuite, grâce à des traités signés entre l'Irlande et certains pays européens, une partie des bénéfices d'Apple peuvent transiter sans payer d'impôt en passant par les Pays-Bas ("le sandwich hollandais"). Par conséquent, ce mécanisme a permis à Apple de limiter l'imposition sur ses bénéfices à 2,2% en 2012, et à 3,2% en 2011. Sans cette technique, Apple aurait probablement dû payer plusieurs milliards de dollars supplémentaires à l'administration fiscale américaine. Plusieurs autres entreprises utilisent maintenant cette technique.

Le Luxembourg utilisé, aussi

Apple utilise également d'autres techniques pour mettre hors de portée les bénéfices de l'administration fiscale. En effet, Apple profite des différences de fiscalités entre les Etats au sein même des Etats-Unis. En effet, alors que le siège d'Apple se situe en Californie, l'entreprise a ouvert un bureau dans le Nevada dont le seul rôle est de collecter les bénéfices de la société. Dès lors, au lieu d'être imposé à un taux de 8,84% au titre de l'imposition sur les sociétés en Californie, Apple bénéficie d'un taux de 0% au Nevada. En outre, le célèbre système de téléchargement d'Apple est basé au Luxembourg. Ainsi, dès qu'une transaction monétaire est effectuée pour télécharger un film, de la musique ou une application via ce système, la vente est enregistrée au Luxembourg où la fiscalité est avantageuse.

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Commentaires 5
à écrit le 21/09/2014 à 21:43
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L'Europe "des Nations" dans toute sa splendeur.

à écrit le 20/09/2014 à 9:53
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D'abord si certains ne payent pas d’impôts, la pression fiscale se retrouve inévitablement sur les autres (c'est à dire en fait les classes moyennes) Ensuite cela fausse la concurrence puisque les entreprises qui payent leurs impôts seront inévitab...

à écrit le 19/09/2014 à 16:09
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En France plus de 50% des ménages ne paient pas d'impôts, donc où est le problème , parce que même si l'on a pas de revenus (déclarés) , on profite du système payé par ceux qui en paient. D'autre part c'est la rançon de la mondialisation dont on a...

le 19/09/2014 à 19:49
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@Fisk: sauf que si plus personne ne contribue, la sécu, l'enseignement gratuite, etc., vont bientôt prendre fin :-) et là, je ne suis pas certain que tout le monde veut vivre comme au Bengladesh :-)

le 21/09/2014 à 16:23
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Tout le monde paie des impôts en "vivant", ne pas se focaliser uniquement sur l'Impôt sur le Revenu (IR) !! La CSG rapporte plus, n'est pas progressive et démarre au premier euro de revenus (de toute sorte, salaire, livrets fiscalisés, etc etc), la T...

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