Faudra-t-il finalement augmenter la TVA ?

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  681  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi.
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, faudra-t-il finalement augmenter la TVA ?

Olivier Passet avait évoqué lors de sa précédente vidéo le caractère redoutable de l'équation budgétaire pour 2015. Et il avait souligné à quel point les stratégies qui s'offraient au gouvernement étaient difficiles à trancher :

  • Celle de faire le dos rond en ne réagissant pas à la conjoncture, en misant sur l'efficacité de la nouvelle politique de la BCE, option qu'il semble privilégier aujourd'hui.
  • Parier sur une déflation durable et prendre acte du fait la priorité était celle de la solvabilité : ce qui implique un tour de vis budgétaire supplémentaire dont le coût serait élevé sur la croissance et l'emploi.
  • Donner la priorité à la lutte contre la déflation, et prendre part à une relance coordonnée de l'investissement en Europe ; option improbable vu la divergence des intérêts en Europe

Les paris 1 et 2 ne sont néanmoins pas tout à fait antinomiques. Le "wait & see" peut en cours d'année dériver vers le plan 2 si la croissance zéro et les tendances déflationnistes devaient se confirmer. Il a dans ce cas en poche l'arme d'une hausse de la TVA, arme fiscale qui a l'avantage :

  • de jouer instantanément.
  • qui a la réputation d'être relativement indolore
  • qui est assis sur une base large, relativement stable et moins sujette que d'autre au jeu de l'optimisation,
  • qui pénalise de la même manière les produits nationaux ou importés.

Le gouvernement en a rejeté pour l'heure l'éventualité

La messe n'est pas forcément dite. La France demeure en position médiane concernant son taux de TVA. Elle dispose donc de marges de manœuvre vis-à-vis du nord et du sud de l'Europe notamment : 2 à 3 points de hausse du taux normal et intermédiaire seraient alors envisageables en cas de détresse financière, ce qui pourrait rapporter jusqu'à 20 milliards aux caisses de l'Etat, soit 1 point de PIB.

Il faut être en effet conscient que le gouvernement projette un déficit de 4,3 % du PIB en 2015 sur une hypothèse de 1,9 % de croissance nominale. Mais si la croissance demeure là où elle est aujourd'hui, autrement dit 0,9 %,  le déficit se rapprocherait des 5%, 2 point au-dessus du maximum autorisé et 4 points au-dessus du niveau qui stabilise la dette.

Les plaidoyers en faveur de cette solution sont de plus en plus nombreux. Avec quelques arguments de poids. Une hausse de TVA serait une solution du moindre mal en termes de conjoncture dans le contexte de déflation que nous vivons. La concurrence est suffisamment aigue pour que cette hausse ne soit pas répercutée dans le prix de vente. Eventuellement la hausse de TVA pourrait être une arme anti-déflation en évitant que les prix plongent davantage et tuent toute boucle prix-salaire. Et comme dans ce contexte d'inflation zéro le gel du point de la fonction publique ou de certaines prestations ne procure aucune économie à l'Etat, la seule véritable marge de manœuvre serait là.

Pourquoi alors ne pas se hâter alors une telle solution ?

La prudence affichée pour l'heure par le gouvernement paraît justifiée :

  • Parce que si la hausse de TVA devait être entièrement reportée sur les entreprises, elle pèserait sur les marges des entreprises. Ce qui signifie que le gouvernement reprendrait d'une main les 20 milliards de baisse de charge qu'il a consenti avec le CICE.
  • Parce que les entreprises qui sont les mieux à même d'éviter la compression de leurs marges sont précisément celle du secteur les moins exposés qui ont fait le plein du CICE. A contrario, le secteur plus exposé subira une double peine. Perdantes relatives du CICE elles seront à nouveau perdantes d'une hausse de TVA.

Si céder à l'urgence consiste à renoncer à la cohérence, alors il est urgent d'attendre. Cette arme du dernier recours existe, mais il faut être conscient qu'elle constitue un renoncement au moins partiel au cap de l'offre que s'est fixé jusqu'ici le gouvernement.

>> Plus de vidéo sur le site Xerfi Canal, le médiateur du monde économique