Pourquoi les normes françaises contrarient le commerce extérieur

Par Hervé Guyader  |   |  786  mots
Les exportateurs français souffrent de l'accumulation de normes, liées au principes de sécurité et de précaution. Par Hervé Guyader, avocat au Barreau de Paris, président du Comité Français pour le Droit du Commerce International

Tout observateur du monde des affaires se désole de l'empilement invraisemblable de normes qui engluent l'activité économique de la France. Nous avons déjà souligné à quel point ces règles pouvaient accroître le coût de la main d'œuvre et obérer ainsi notre compétitivité, rendant bien difficile toute idée exportatrice. Ces normes ont un effet bien plus pernicieux. Nul n'a oublié, par exemple, que l'horlogerie française, jadis rayonnante au point de faire de l'ombre à nos amis helvètes, périt sous le poids des réglementations et des pudeurs. Non seulement, nos règles contrarient la créativité française mais, pire, en empêchent le déploiement géographique.

Des normes internes contrariantes

L'empilement, l'enchevêtrement normatif contrarie l'imagination qui doit, au préalable de tout, vérifier si l'idée, le concept ne heurte pas tel ou tel règlement. Alors qu'en maints endroits du Globe, le Droit (des affaires) est une science visant à organiser, structurer, sécuriser les activités économiques, la France le vit bien davantage comme une série d'épreuves qu'il faut endurer avant de penser à concrétiser.

Le commerce international naît d'idées prodigieuses, parfois folles, que l'auteur veut vendre au-delà des frontières, des cultures, cherchant à atteindre une sorte d'universalité. Certaines contrées sont jugées comme propices à la révélation de créations. Il en est ainsi de la Silicon Valley américaine qui représente une forme de paradis pour bon nombre de jeunes créateurs, férus de haute technologie.

Tout y est prévu pour faciliter le bonheur des salariés et, partant, développer leur force de travail, leur rentabilité et leur créativité.

Les désarroi des architectes étrangers en France, face à un ensemble de diktats

Il n'y est pas question de l'ensemble des obligations qui contraignent tout espace de travail français. Car, sous le prétexte d'assurer qualité de vie et sécurité au travail (sous les appellations de principe de sécurité ou de précaution), l'ensemble de ces diktats rendent illicites les agencements audacieux.

Qui n'a pas vécu le désarroi d'un architecte ou designer étranger venu en France développer une idée déjà concrétisée ailleurs, désespéré de voir à quel point ses idées sont, non seulement irréalisables, mais, bien pire, pourraient le mener devant les juridictions répressives car violant tel ou tel règlement.

La création française ne peut se déployer que dans les limites qui lui sont attribuées. Fort malheureusement, quand il n'est pas question de sécurité, de précaution ou d'intérêt général, nombre des normes ne représentent qu'autant de carcans et de verrous qui n'existent qu'ici.

Mais il y a pire.

Une volonté d' imposer le modèle français au reste du monde

En ces heures de signature (de l'accord Europe-Canada), de négociation (transatlantique), de recherche de procédures d'exportations simplifiées (Pologne) la position française se signale par son indifférence de ces problématiques.

Le modèle économique français est totalement inadapté au principe même de l'exportation qui vise, non seulement à ce que nos produits plaisent ailleurs, mais surtout qu'ils puissent y être aisément vendus. Bien conscients de ce que (en l'état du droit applicable au commerce globalisé) chaque pays possède ses propres règles - garantes d'une sorte de souveraineté économique - certains fabricants étrangers anticipent ces contrariétés normatives afin de développer des gammes de produits susceptibles d'être exportées.

Derrière cette idée d'une sorte de standardisation, il faut voir, dans la conception du produit, la prise en compte de l'adaptation nécessaire à chaque débouché, à chaque pays. La France est hermétique à cette pensée.

Qui n'a entendu cet exemple d'un marché de transport ferroviaire perdu au seul motif que nos représentants se sont arc-boutés sur l'obligation impérieuse de vendre un matériel aux normes hexagonales (naturellement bien supérieures aux autres !). Nos concurrents, victorieux, se sont contentés de vendre un produit correspondant aux besoins du client, ayant déjà imaginé les éventuelles adaptations.

Non seulement la France est écrasée par ses normes mais elle prétend les imposer au reste du monde là où, tout au contraire, elle devrait mener des réflexions permettant de concevoir un corpus juridique propice à la réalisation de ses exportations. Car, ce qui compte n'est pas que notre arsenal juridique s'exporte, mais bien que ce soient nos productions !

Hervé Guyader

Avocat au Barreau de Paris

Président du Comité Français pour le Droit du Commerce International