La troisième phase de la grande crise mondiale

Par Olivier Passet, Xerfi  |   |  581  mots
Olivier Passet, directeur des synthèses économiques de Xerfi. / DR
La Tribune publie chaque jour des extraits issus des analyses diffusées sur Xerfi Canal. Aujourd'hui, la troisième phase de la grande crise.

Par déficit de coordination et par myopie, l'Europe et le monde sont entrés dans la troisième phase de la crise mondiale qui les déstabilise depuis 2008. Une crise qui a pris racine dans un excès d'épargne mondiale, un déficit chronique de demande, donc, et dont chaque étape, chaque complication successive, révèle le vrai visage et la profondeur.

 La première manifestation de la crise fut l'explosion de la bulle de crédit aux Etats-Unis. Ce premier épisode a sanctionné les limites du rééquilibrage de la croissance mondiale par les sur-consommateurs américains. La seconde est celle des dettes souveraines, qui a pris une tournure catastrophique au sud de l'Europe. Elle a marqué les limites du rééquilibrage de la demande par l'endettement public. La troisième phase, qui se précise jour après jour est celle des débouchés et de la déflation.

 Cette troisième phase était inscrite, je viens de le dire, dans les gènes de la crise dès le commencement. Mais elle ne prend corps pleinement qu'aujourd'hui, sanctionnant le fait que, pendant 6 ans, les gouvernements se sont attaqués aux symptômes et non aux causes profondes du mal. Et sa gravité se précisera d'autant plus que sur le gâteau de plus en plus étroit des débouchés, les pays sont entrés en lutte, cédant aux stratégies néo-mercantilistes non coopératives.

Deux pays dans le match

 Et, à ce jeu de surenchère sur l'offre, deux pays ont gagné la bataille : les Etats-Unis et l'Allemagne. Revers de la médaille cependant, en surmontant l'adversité, ils se sont imposés comme modèles de règlement de la crise, et chaque pays s'est aligné sur ce qui faisait figure de stratégie gagnante. Modérer sa demande et doper la compétitivité de son offre, par des dévaluations interne ou externe, et par une réduction de ses chaînes de valeur pour renforcer son territoire.

Chaque région du monde a, de la sorte, participé au renforcement du déséquilibre initial entre l'offre et la demande.

Les Etats-Unis et l'Allemagne ont ainsi remporté une bataille, mais ils n'ont pas remporté la guerre. L'extension de la crise des débouchés est en train de se refermer sur eux comme un piège. Le basculement allemand est maintenant manifeste. Mais le cavalier seul des Etats-Unis suscite également de plus en plus d'inquiétude. Le fait que le mouvement de réappréciation du dollar se soit interrompu est symptomatique du manque de confiance la possibilité de cette économie d'emporter le reste du monde dans leur sillage.

Le scénario noir

Résultat, l'Allemagne, aveuglée et enivrée par le fait de toucher le point de nirvana que constitue pour ses dirigeants le déficit budgétaire zéro, est en passe de faire basculer l'Europe entière dans une déflation longue. Et les Etats-Unis, redevenus les leaders d'un instant, rattrapés par la crise des émergents et de l'Europe, et donc l'affaiblissement de la demande mondiale, risquent de moins en moins d'être en mesure de jouer les sauveurs de la reprise. Seule issue possible, une relance coordonnée à échelle mondiale, autant dire que l'espoir de s'arracher au scénario noir devient de plus en plus ténu.

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