Les politiques et la téléréalité : une chute sans fin

Par Jean-Christophe Gallien*  |   |  494  mots
La participation de responsables politiques à une émission de téléréalité où ils se montrent grimés va achever de miner leur crédibilité. Par Jean-Christophe Gallien, professeur associé à Paris 1 Sorbonne

Tellement hors-sol qu'ils doivent s'en remettre à la télé-réalité et ses caméras obscènes pour se rapprocher de la vraie vie. Tellement lointains qu'ils se prêtent à un carnaval de charlatans digne des bêtisiers télévisuels de fin d'année.

On pourrait juste s'étouffer de rire, voire ignorer la dérive, ne pas regarder ... malheureusement, notre pays va mal, nous allons mal, et nous n'avons pas, plus les moyens, ni individuellement, ni collectivement d'encaisser.

Un déballage insultant

On va nous vendre la proximité, les codes cassés, peut-être même l'honnêteté de la démarche... dans un déballage insultant pour ce qui nous reste de dignité.

On ose même deviner que le casting donna lieu à de féroces assauts pour faire partie de la liste finale. Les plateaux des médias du spectacle, leurs micros, leurs caméras ne suffisent plus à ces vampires de l'audience. Il faut maintenant entrer de plain-pied dans le show. Et quel spectacle ! Qui est le voyeur ? Qui est l'exhibitionniste ?

Que restera-t-il de la crédibilité du politique?

La matière politique devient donc une ressource comme les autres à recycler dans les écrans du low-cost télévisuel. De la crédibilité d'un monde politique déjà tellement attaquée par les affaires, le manque d'engagement, l'absence de vision, le zéro pointé des résultats, il ne restera rien. Et si nous ne citerons pas les clowns pathétiques qui vont se ridiculiser et clouer les derniers clous du cercueil collectif d'un monde politique définitivement hors jeu, nous devrions exiger leur sortie de notre démocratie représentative. Enfin, si elle est encore digne des deux mots.

Descendons, descendons, la chute est vraiment sans fin. Et, le malheur, c'est que ces bouffons vides embarquent avec eux un système déjà au bord de l'explosion. Pire, ils nous tirent aussi vers ces profondeurs indignes d'une démocratie.

"Le pouvoir, un lieu vide, corrompu, sans espoir...."

Définitivement rien ne sera épargné à notre pays. Et que les politiques ne viennent pas hurler en corporation à l'indigne attaque d'un collectif qui dans son ensemble mériterait un respect chèrement payé à la sueur de leur activité. La boucle serait bouclée. Chaque mois apporte son lot à cette faillite politique qui ronge peu à peu les forces de notre République.

On ne se lasse pas de redire avec Baudrillard qui écrivait déjà, en 1995, dans les pages de Libération, que « le pouvoir est un lieu vide, corrompu, sans espoir, et qu'il faut y mettre en bonne logique des hommes de même profil ­ vides, bouffons, histrions et charlatans ­ qui incarnent idéalement la situation. » A l'époque, il regardait du côté de l'Italie et de Silvio Berlusconi, par exemple...

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Jean Christophe Gallien, Président de j c g a

Membre de la SEAP, Society of European Affairs Professionals, Politologue

Professeur associé à l'Université de Paris 1 la Sorbonne