Travail du dimanche : il faut tout revoir !

Par Mary-Daphné Fishelson  |   |  859  mots
Castorama pratique de longue date l'ouverture de ses magasins le dimanche
Les aménagement actuels ne font qu'ajouter à l'inégalité et la complexité générées par la législation actuelle. Une remise à plat est possible. Par Mary-Daphné Fishelson, membre d'Avosial, syndicat d'avocats en droit social et du travail, avocate, La Garanderie & Associés

Lorsqu'il a présenté son projet de loi pour l'attractivité, le Ministre de l'Économie, Emmanuel Macron, a exprimé le souhait de ne pas voir les touristes quitter Paris pour faire leurs achats à Londres le dimanche. Pourtant, les nouvelles possibilités d'ouverture des magasins non-alimentaires le dimanche (de 5 à 12 dimanches) dans les « zones touristiques de dimension internationale à fort potentiel économique », peuvent ne pas répondre au but visé.

Pas de clarification

En effet, la loi pour l'attractivité ne permet pas une clarification globale de la réglementation en la matière, laquelle demeure complexe et fluctuante. Elle ne règle pas non plus :
- la question de la distorsion de concurrence européenne - mais aussi nationale entre les commerces du seul fait de leur taille et/ou de leur implantation ;
- la définition du périmètre des zones touristiques ;
- enfin, elle pose des questions quant à sa mise en place : le décret précisera-t-il ce qu'il faut entendre par « fort potentiel économique », par nature fluctuant ? Le décret quantifiera-t-il ce « potentiel » ?

Les inégalités perdurent

Si elle a le mérite de préciser les conditions d'emploi des salariés concernés (accord collectif majoritaire, volontariat du salarié, paiement double des heures travaillées...), le projet de loi Macron ne mettra pas un terme aux inégalités possibles entre des salariés travaillant le dimanche en raison même de leur activité (production, santé besoins du public...) ou en raisin de dérogations particulières (plus de 30% de salariés seraient concernés comme le relève le Ministre de l'Economie), et ceux qui, par le projet de loi, auraient le choix d'accepter ou non de travailler le dimanche.

Une nouvelle strate à l'imbroglio législatif

Ce projet de loi créée donc une nouvelle strate à l'imbroglio législatif et jurisprudentiel existant sur le travail dominical (dérogations de droit et permanentes, conventionnelles, sur demandes à l'autorité compétente et temporaires...) sans pour autant régler les questions de fond d'ordre économique, social et sociétal que suscite légitimement le travail du dimanche.

L'article L.3132-1 du Code du Travail dispose en effet qu'« il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine » et l'article L.3132-3 que « dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ».

De nombreuses exceptions déjà existantes

Pour autant, il existe de nombreuses exceptions à cette règle : les industries traitant des matières périssable ou ayant à répondre à un surcroît extraordinaire de travail, les travaux dans les ports, débarcadères, les activités saisonnières, de maintenance, travaux intervenants la défense nationale, établissements industriels travaillant en continu, gardiens et concierges d'établissements industriels et commerciaux.

Il existe près de 200 activités bénéficiant d'une dérogation permanente de plein droit liées à des contraintes de production de besoins du public (zones touristiques ou thermales, commerce de détail alimentaire, santé...). Des dérogations peuvent être obtenues sur proposition des Maires dans les zones touristiques d'affluence exceptionnelle ou d'animation. À celles-ci s'ajoutent les dérogations conventionnelles et des dérogations temporaires dépendantes de l'autorité compétence (Maire ou Préfet), lorsque le repos le dimanche serait préjudiciable au public ou compromettrait le fonctionnement normal de l'établissement (établissement de vente au détail dans certains périmètres d'activités urbaines de plus de 1 million d'habitants...).

Pourquoi pas des accords collectifs d'entreprise ou de branche ?

Des pistes de réflexion existent pourtant qui permettraient certainement d'élargir le périmètre aux commerces qui veulent ouvrir le dimanche, sans dépendre de telle ou telle décision du Maire ou du Préfet, d'un emplacement ou d'une taille, tout en maintenant la liberté de choix des salariés.

Pourquoi ne pas permettre aux salariés du commerce de travailler le dimanche par la négociation d'accords collectifs d'entreprise ou de branche ?

Une commission chargée d'actualiser tous les cinq ans les ouvertures dominicales

Les « outils » législatifs et réglementaires existent et pourraient être utilisés pour mettre en place, avec les partenaires sociaux, si la volonté d'aboutir est là, une nouvelle organisation du travail et des contreparties sociales satisfaisantes pour l'ensemble des acteurs (partenaires sociaux, salariés, entreprises quelle que soit leur taille, consommateurs, pouvoirs publics...).

Pourquoi ne pas faciliter le travail le dimanche de certains secteurs d'activités du fait de l'évolution de la société (Amazon peut travailler le dimanche, les centres d'appels travaillent le dimanche...) en instituant, comme cela a été déjà suggéré, une commission chargée d'actualiser tous les cinq ans ces ouvertures ?

La lecture du projet de loi pour l'attractivité ne permet pas une remise à plat des règles existantes en la matière. On ne peut que le regretter. Un long chemin reste à parcourir pour qu'au delà des tensions légitimes en l'état de notre législation, soit mise en place une véritable régulation sociale et commerciale du travail le dimanche.


Mary-Daphné Fishelson
Membre d'Avosial, syndicat d'avocats en droit social et du travail
Avocate, La Garanderie & Associés